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30 juin 1988 ~ 30 juin 2013 : 25 ans des sacres épiscopaux de Mgr Lefebvre

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Les consécrations épiscopales du 30 juin 1988, vues par Mgr Michel-Louis Guérard des Lauriers, O.P. (1898-1988). Vingt-cinq ans d’erreurs et de déliquescences…

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Que peut-on reprocher, sur le plan doctrinal, à Monseigneur Lefebvre ?

 


SODALITIUM n° 13, mars 1988, p. 18-34
INTERVIEW DE MONSEIGNEUR GUÉRARD DES LAURIERS


 

9)    Sodalitium : Que pensez-vous d’un éventuel sacre d’évêques de la part de Mgr Lefebvre, qui reconnaît Jean Paul II comme étant vraiment le Pape, mais lui désobéit régulièrement ?

Mgr Guérard : Éventuelles Consécrations d’Évêques par Mgr Lefebvre ?

 

(I) Ce qui importe primordialement en l’occurrence (c’est-à-dire eu égard à l’état de l’Église), c’est évidemment la personne du “Consacré”. C’est donc à partir des conditions concernant la personne du Consacré qu’il faut préciser (ou examiner) celles qui concernent la personne du Consécrateur.

(II) Or, l’Évêque apte à perpétuer la MISSIO dans l’Église militante doit satisfaire aux conditions suivantes :

A. Être consacré validement, licitement, légalement autant qu’il est possible (Cf 7)

Faire partie de l’Église, CERTAINEMENT. Or, pour qu’on puisse affirmer avec certitude (morale), de tel fidèle qui professe intégralement toute la MISSIO, que ce fidèle a effectivement la Foi et qu’il fait partie de l’Église militante, il est nécessaire, nous l’avons montré [1].

B. Que ce fidèle pose en principe que tout membre de l’Église militante doit examiner attentivement la question du Pape jusqu’à ce qu’il l’ait résolue catégoriquement

C. Que ce fidèle affirme la vacance pour le moins « formelle » du Siège apostolique

D. Que ce fidèle professe de devoir se soumettre au Pape, lorsque le Christ en donnera un à Son Église.

 

(III) Un Évêque consacré par Mgr Lefebvre pourrait-il satisfaire à ces conditions ?

La réponse affirmative ne présente de difficulté que pour les conditions B & C. Mgr Lefebvre, en affirmant que Mgr Wojtyla est pape, et en intimant aux fidèles de ne pas examiner cette question, rend IMPOSSIBLE d’affirmer AVEC CERTITUDE que lui-même fasse partie de l’Église fondée par Jésus Christ. On doit certes le désirer, et on peut le supposer ; mais il est impossible d’en être assuré. La même incertitude hypothèquerait évidemment le fait de l’appartenance à l’Église par un Évêque consacré par Mgr Lefebvre tant que celui-ci continuera à reconnaître et à exiger de reconnaître que Wojtyla est investi de la suprême Autorité.

 

(IV) La réponse à la question (9), est subordonnée à la Déclaration que fera (?) Mgr Lefebvre en l’acte d’une éventuelle Consécration. Si, à l’occasion d’une éventuelle Consécration, Mgr Lefebvre désavoue son actuelle position, et affirme la vacance au moins formelle du Siège apostolique, toutes les conditions (II) seront en fait réalisées.

On ne pourrait alors que se réjouir. La MISSIO serait assurée par l’œuvre d’Écône débouchant enfin, LOYALEMENT, dans la réalité. C’est d’ailleurs bien à Mgr Lefebvre, lui ancien Archevêque de Dakar et de Tulle, qu’il incombe d’abord d’achever cette œuvre ; puisque Mgr NGO DINH THUC est décédé le 13 décembre 1984, et qu’au moins en ce qui concerne l’agir, Mgr de Castro-Mayer ne fait que suivre Mgr Lefebvre. En ce qui me concerne, si Mgr Lefebvre professe ENFIN la saine doctrine qui peut SEULE justifier son action, je ne désire que demeurer dans la Solitude d’où je ne suis sorti que pour l’OBLATIO MUNDA.

SI, à l’occasion d’une éventuelle Consécration, Mgr Lefebvre NE DÉCLARE PAS ET PUBLIQUEMENT le désaveu de son actuelle position, et même si extérieurement il ne réaffirme pas reconnaître Wojtyla comme étant en acte le Vicaire de Jésus-Christ : alors, la duplicité [2] que met systématiquement en œuvre Mgr Lefebvre EXIGE de redouter la pire des compromissions. De telles “Consécrations” seraient ordonnées, sataniquement et magistralement, à mieux assurer le “ralliement” [3] de la phalange “traditionnelle” à l’“église” officielle.

 

 

* * *

 

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En quoi surtout fait défaut l’attitude de Mgr Lefebvre au point de vue doctrinal ?

La viciosité principale du “Lefebvrisme” consiste en une radicale duplicité, laquelle inocule l’hérésie.

a) « in verbis »Duplicité. À propos de chaque évènement, il y a toujours deux affirmations contraires entre elles concernant les rapports avec “Rome” : L’une pour les cercles restreints (« Rien à attendre de Rome, Mgr Lefebvre va consacrer des Évêques ») ; l’autre pour les grands auditoires (Confirmations, Ordinations : « Tout va s’arranger. Ne compromettez rien. Pas de Consécrations épiscopales »). Le dernier “numéro” de cette pantomime qui dure depuis dix ans a eu lieu le 8 décembre 1986. Mgr Lefebvre, dans une lettre ouverte à Jean Paul II, tenue secrète jusqu’au 8 Décembre, et ensuite passée sous silence, tient « qu’il faut considérer comme nuls toutes les réformes conciliaires et tous les actes de Rome qui sont accomplis dans cette impiété« . Cette déclaration, lue le 8 décembre au matin dans les Prieurés y a retenu des Séminaristes qui étaient déterminés à ne pas renouveler leur promesse et donc à quitter la Fraternité. Cependant la consigne étant donnée aux Écôniens de « ne pas parler de cette lettre », Mgr Lefebvre continue d’affirmer que Jean Paul II est vraiment pape. Ainsi, selon Mgr Lefebvre, une personne étant l’Autorité, les actes que pose cette personne en tant qu’elle est l’Autorité peuvent être NULS, « doivent être considérés comme nuls » Mgr Lefebvre a un si extraordinaire habitus de la duplicité qu’il la pousse avec cynisme jusqu’à affirmer les contradictoires.

b) « In factis »Tromperie et blasphème. La pratique des Prieurés enseigne en fait, par l’agir quoique sans le dire que, d’une authentique “autorité” (Mgr Wojtyla est vraiment “pape”, il est en acte le Vicaire de Jésus Christ), procède une “mission” tellement viciée (la dite nouvelle messe, l’œcuménisme… Assise et le reste) que Mgr Lefebvre refuse de s’y conformer. C’est, dans l’agir, un blasphème contre la sainteté de l’Église. LA MISSIO QUI VRAIMENT PROCÈDE DE L’ÉGLISE NE PEUT QU’ÊTRE SAINTE.

c) « in verbis et in factis » Tromperie, diffusion de l’hérésie. Depuis dix ans au moins, on a enseigné à Écône, on a répété et imposé aux fidèles des Prieurés, et aux enfants (innocents et sans défense !) qui fréquentent les écoles tenues par la Fraternité St Pie X, que le Magistère est infaillible SEULEMENT si le Pape parle “ex cathedra”. Cela revient à nier linfaillibilité du Magistère ordinaire universel, laquelle est cependant affirmée par toute la Tradition, notamment par Vatican I. Le “Lefebvrisme” diffuse donc lHÉRÉSIE, afin de pouvoir proclamer que Mgr Wojtyla est vraiment Pape, et de pouvoir ainsi conserver les suffrages des généreux fidèles qu’on met sur le chemin de l’enfer au lieu de leur déclarer la Vérité.

 

* * *

 

Les consécrations épiscopales du 30 juin 1988, vues par l’Institut Mater Boni Consilii.

Les consécrations épiscopales du 30 juin 1988 :
le sacrilège de Mgr Lefebvre

Mgr Lefebvre a répété de nombreuses fois (cf. “Dossier sur les Consécrations Épiscopales”, recueil de documents distribués le 30 juin, ainsi que l’homélie du même jour) qu’il était en communion avec Jean-Paul II, et qu’il le reconnaissait comme Pape en acte de l’Église catholique ; il l’exprimait d’ailleurs chaque jour en célébrant la Messe (même le 30 juin) “una cum famulo tuo Joanne Paulo”.
En même temps, il procède à des sacres explicitement interdits par Jean-Paul II (monition canonique du 17 juin).

Ces faits impliquent inéluctablement (1) :

[(1) Nous rappelons que, dans un acte humain, l’intention suffit à elle-seule à vicier tout l’acte, même s’il était bon en soi. Le catéchisme le rappelle souvent par l’exemple d’une aumône faite pour se faire voir : l’intention vaniteuse ruine toute la bonté de l’acte, qui n’est qu’un péché pour celui qui fait l’aumône, malgré le bien qui peut en sortir pour autrui. Dans le cas des sacres du 30 juin 1988, quoiqu’il en soit du bien qui pourrait en sortir, l’intention apparaît sacrilège et schismatique étant donnée que Mgr Lefebvre reconnaît Jean-Paul II comme vrai Pape.]

1° un sacrilège et un schisme capital (2)  (cf. Sodalitium n°13, p-23-4).

[(2) L’expression de “schisme capital”, qui est de Mgr Guérard des Lauriers, désigne —a) non un schisme réel mais une “faute qui est dans le genre du schisme”, —b) et fait référence au fait que le “schisme” s’est fait par la tête de l’Église (caput, capitis en latin) en la personne de Paul VI et ses successeurs, et non pas par un membre seulement.]

Toute messe célébrée “una cum famulo tuo Joanne Paulo”  comporte objectivement ce double délit ; celle du 30 juin très spécialement, étant donnée la nécessité encore plus grande de témoigner en cette circonstance en faveur de la Vérité et non pas du mensonge.

• Sacrilège : car alors la Messe, l’Oblation Pure, est profanée lorsqu’on affirme au cœur même de celle-ci cette contre-vérité, que Mgr Wojtyla et l’Église sont “una cum” (une seule chose).

• Schisme capital : du fait qu’on adhère au “schisme capital” de Jean-Paul II, en se déclarant “una cum” (en communion) avec lui.

2° Une pratique de nature schismatique

L’Institut Mater Boni Consilii constate que Mgr Lefebvre et ceux qui le suivent n’ont pas commis formellement un schisme, car ce n’est pas faire schisme que de désobéir à Jean-Paul II qui n’est pas formellement pape. Pour la même raison Jean-Paul II ne peut excommunier personne, étant totalement privé d’autorité, et l’on ne peut davantage appliquer les censures prévues par le droit vu l’absence d’autorité.
Toutefois Mgr Lefebvre et sa Fraternité Saint-Pie X inoculent aux fidèles qui les suivent une pratique – qui se transforme toujours plus en doctrine – absolument schismatique, selon laquelle, en fait, l’on doit désobéir même dans les matières les plus  graves au légitime et véritable Vicaire du Christ, sans tenir aucun compte de sa juridiction universelle et immédiate sur les fidèles catholiques. Dans leur perspective, le fondateur, les membres et les fidèles de la Fraternité Saint-Pie X agissent d’une manière objectivement schismatique.
Cette attitude schismatique, dans les circonstances présentes, est aggravée par la futilité des motifs mis en avant (date des consécrations autorisée par “Rome”, nombre des membres de la Fraternité dans la future Commission pour la défense de la tradition, etc…) comme si un vrai Souverain Pontife ne pouvait pas décider si et quand sacrer un évêque et qui nommer dans une Congrégation Romaine !
Si au contraire on fait état, pour justifier cette désobéissance au Pape, de motifs de foi en affirmant que les Papes ont alors utilisé leur autorité contrairement à la fin pour laquelle cette autorité leur a été donnée (Mgr Lefebvre, 23 avril 1988, p.8 du Dossier), l’on n’a pas le droit de conclure que les papes en question ont droit à notre désobéissance (ibidem), mais bien plutôt qu’ils ne sont plus (ou qu’ils n’ont jamais été) formellement Papes, puisqu’une autorité qui n’assure pas objectivement le bien commun et la finalité pour laquelle elle a été instituée n’est pas légitime.

3° Une vivante contradiction, signe manifeste de l’erreur

Mgr Lefebvre affirme que la Chaire de Pierre et les postes d’autorité sont occupés par des anti-Christ (28 août 1987, Dossier p.1) et que Jean-Paul II n’est pas catholique (Conférence du 15 juin 1988). En même temps il affirme aussi que Jean-Paul II (l’anti-Christ) est le Vicaire du Christ et par conséquent qu’un non-catholique est chef de l’Église catholique !
Le principe de non-contradiction est le fondement de toute vérité ; sa négation est à la base de toute erreur et, en définitive, de l’absurde. Mgr Lefebvre est la négation vivante du principe de non-contradiction, il est l’absurde vivant.

La position de l’Institut Mater Boni Consilii

Pour toutes ces raisons, l’Institut Mater boni Consilii fait siennes les paroles de Mgr Guérard des Lauriers :
Des consécrations épiscopales qui seraient accomplies selon le rite traditionnel, mais ultra-ultra-secrètement, una cum Jean-Paul II, de telles consécrations seraient valides; mais, étrangères à la saine doctrine, chargées de sacrilège puisqu’injurieuses pour le Témoignage de la très sainte Foi, elles ne s’expliqueraient que par l’astuce de Satan (Sodalitium n°16, p.17).
Si, à l’occasion d’une éventuelle consécration, Mgr Lefebvre ne déclare pas et publiquement le désaveu de son actuelle position, et même si extérieurement il ne réaffirme pas reconnaître Wojtyla comme étant en acte le Vicaire de Jésus-Christ : alors la duplicité que met systématiquement en œuvre Mgr Lefebvre exige de redouter la pire des compromissions (Sodalitium n°13, p.31).

Cette position est celle de l’Institut depuis sa fondation. Dans le Communiqué aux fidèles du 7 juin 1986 nous accusions la Fraternité :

— de vouloir sacrer des Évêques tout en reconnaissant Jean-Paul II comme Pape, même sans son autorisation (c’est la réalité depuis le 30 juin 1988) ;
— de chercher des compromis avec “Rome” (c’est manifeste depuis le 5 mai 1988) ;
— en cédant sur la messe et sur le nouveau code (c’est évident depuis le 5 mai 1988).

À ce sujet, rappelons que Mgr Lefebvre lui-même a écrit qu’il aurait signé l’accord du 5 mai même si celui-ci avait comporté la permission de faire célébrer la nouvelle messe à St. Nicolas du Chardonnet (Le Cardinal nous fait savoir qu’il faudrait laisser alors célébrer une Messe nouvelle à Saint-Nicolas du Chardonnet. Il insiste sur l’unique Église, celle de Vatican II. Malgré ces déceptions, je signe le Protocole du 5 mai – Mgr Lefebvre, 19 juin 1988, Dossier p.4). Pareillement, nous rappelons que le document officiel de la Fraternité Saint-Pie X pour justifier les Sacres épiscopaux (Écône 1988 : Dossier sur les Consécrations Épiscopales) inclut une étude du Professeur May entièrement fondée sur le nouveau code de droit canonique. Mgr Lefebvre nous accusait de mentir (homélie du 19 janvier 1986 à Montalenghe) ; les faits nous donnent raison.

Le devoir de Mgr Lefebvre

1° Ce qu’il devrait faire :

– rétracter ses erreurs ;
– s’excuser du scandale donné ;
affirmer la vacance formelle du Siège Apostolique et par là récupérer sa juridiction ;
admonester avec autorité Mgr Karol Wojtyla et pourvoir ainsi par la suite au bien de l’Église universelle et non pas à l’intérêt particulier de la Fraternité Saint-Pie X.

2° Ce qu’il annonce devoir faire :

Exactement le contraire. Il a en effet déclaré: “J’ai entendu dire que Rome accepterait mes quatre évêques (Il Sabato  25 juin, 1 juillet 1988 ; affirmations confirmées dans 30 Jours n°7, juillet 1988, p.10). De futures négociations ne sont pas exclues ; bien plus elles sont…  projetées.
La tromperie continue comme et plus qu’avant.

Conclusion

Tout vrai catholique doit refuser catégoriquement les consécrations du 30 juin, comme sacrilèges, contradictoires et de nature schismatique. Tout catholique doit dénoncer le scandale donné aux fidèles avec la signature du protocole du 5 mai par Mgr Lefebvre.
Enfin, les événements récents confirment la position qu’a prise, dans la crise actuelle, en esprit de Foi, Mgr Guérard des Lauriers.

Nichelino, juillet 1988.

 

http://www.sodalitium.eu/index.php?pid=93

 

 


[1] « L’Église militante au temps de Mgr Wojtyla ».

[2] Le dernier (en date !) épisode de cette satanique duplicité est le « coup du 8 décembre 1986 ». Lue intégralement intra muros, dans les Prieurés où il fallait convaincre les Séminaristes hésitants (et même résolus à quitter Écône) de renouveler leur engagement le 8 décembre, la « Déclaration » de Mgr Lefebvre (et de Castro-Maver), N’A PAS ÉTÉ LUE PUBLIQUEMENT en son intégralité, au moins en certains Prieurés, Saint Nicolas en particulier ; la partie principale, désavouant Vatican II et Wojtyla a été omise. Ainsi, les Séminaristes « durs » sont restés ; et les fidèles continuent d’être bernés.

[3] Et cela, même si Mgr Lefebvre persiste à vouloir ne pas le voir. Je l’ai expliqué dans l’article cité : Note 4.

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Written by Cave Ne Cadas

juillet 2nd, 2013 at 1:46 pm

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Disputatio : THÈSE DITE DE CASSICIACUM (II)

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Cahier.de.Cassiciacum

La première partie de l’étude de Myra Davidoglou n’ayant pas encore reçu de réponses vraiment déterminantes aux premières objections de Myra Davidoglou, nous continuons donc la publication de celle-ci.

 

MYRA DAVIDOGLOU

G2-84519-192-8

ANALYSE LOGIQUE DE LA THÈSE DITE DE CASSICIACUM

 

Ière Partie : La Voie, n° 21 (printemps 1991)

 

Suite…

 

L’OCCUPANT EST CAPABLE DE LA FORME, SI

On a vu que pour l’auteur cela ne fait pas l’ombre d’un doute, en dépit de l’élection reconnue par lui comme possiblement invalide du cardinal Montini (11), (25), donnée dont il ne tient aucun compte dans ses raisonnements qui de ce fait sont radicalement faussés. Un pape, se borne-t-il à rappeler, qui par son comportement habituel et notoire fait obstacle à la communication des pouvoirs de Jésus-Christ, qui le constitueraient pape « formaliter » (formellement), un tel pape demeure pape « materialiter » (matériellement) (32). « Il est un  sujet  immédiatement  capable  de  devenir  ou  de  redevenir pape formaliter, s’il renonce à ses errements » (32).

Ce texte présente deux difficultés dont nous avons résolu la première : l’occupant ne peut pas « redevenir » ce qu’il n’a jamais été, la supposition d’une défaillance du magistère infaillible étant contradictoire (supra § 14).

La seconde difficulté vient de ce que l’auteur considère l’occupant comme « un sujet immédiatement capable de devenir formellement pape, s’il renonce à ses errements » (32). Comment : « il est capable, si … ? » Dans la situation actuelle, cet occupant du Siège est-il ou n’est-il pas capable de la forme du pontificat ? Peut-il ou ne peut-il pas la recevoir ? Que s’il ne le peut pas, s’il n’en est pas capable « hic et nunc », il n’est pas la matière appropriée, au sens philosophique de cette expression ; il n’est donc pas matériellement pape. Encore une fois, la matière, en tant que telle, a la capacité des formes, et si un sujet ne peut pas recevoir telle perfection, telle forme surajoutée (puisque c’est d’une forme accidentelle, bien évidemment, qu’il s’agit ici), on ne saurait lui donner par analogie le nom de matière (supra § 11).

 

UNE TENTATIVE D’EXPLICATION : LA DISPOSITION MANQUANTE

Dira-t-on que l’aptitude d’une matière à recevoir la forme se développe par les dispositions qui préparent la matière à l’acte, c’est-à-dire à cette réception (33) ? et que, dans le cas présent, l’occupant du Siège n’a pas encore toutes les dispositions requises pour cette actuation ? C’est ce que soutiennent les tenants de la thèse (34). De ce que l’élu du conclave enseigne habituellement l’hérésie, disent-ils, on infère qu’il n’a pas l’intention de réaliser le bien de l’Église ; or cette intention est la condition pour recevoir du Christ la forme du pontificat (35) qui suppose le charisme de l’indéfectibilité ; donc en attendant que l’occupant du Siège change de dispositions intimes et déclare hérétique le concile Vatican Il, on doit tenir qu’il demeure matériellement pape (34), l’absence de bonnes intentions à l’égard de l’Église ne faisant pas obstacle à la validité d’une élection pontificale (35).

Pour l’auteur il y a d’ailleurs une analogie entre le défaut d’intention de l’occupant de réaliser le bien de l’Église, et le refus du pécheur de recevoir la grâce de la justification (36) ; dans un cas comme dans l’autre, la coopération du sujet, par un mouvement de sa volonté, serait requise pour l’obtention des grâces de Dieu.

 

RÉFUTATION

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1. L’hétérodoxie du sujet

Cette opinion ne peut se défendre pour deux raisons dont voici la première. De ce que l’occupant enseigne l’hérésie on ne déduit pas immédiatement son défaut d’intention de réaliser le bien de l’Église, puisqu’entre ces deux propositions se trouvent des jugements intermédiaires que l’auteur a omis et qu’il importe de rétablir, si l’on ne veut pas laisser dans l’obscurité le point en discussion. Nous reconstituons ici le raisonnement de l’auteur.

L’occupant enseigne l’hérésie. Or l’hérésie est un acte humain, c’est-à-dire volontaire (37). Donc l’occupant veut enseigner l’hérésie ; il en a l’intention. Or l’hérésie nuit à l’Église Donc l’occupant a l’intention de nuire à l’Église. D’où il suit, bien évidemment, qu’il n’a pas l’intention de ne pas lui nuire, ni, par conséquent, de réaliser le bien de l’Église.

RÉFUTATION

En effet, de ce qu’un homme accomplit un acte on infère directement qu’il veut accomplir cet acte, et cet acte-là, et non qu’il ne veut pas accomplir l’acte contraire. Le défaut de volonté (ou d’intention) d’exécuter un acte ne pourrait s’inférer directement que de la non exécution de cet acte. Ainsi une mère qui ne s’occupe pas de ses enfants permet de conclure immédiatement qu’elle n’a pas l’intention de réaliser leur bien. Il en serait autrement si elle les torturait ; on en déduirait alors directement son intention de leur nuire.

Le même raisonnement s’applique au cas des pontifes conciliaires. Un Jean-Paul II n’omet pas seulement, comme autrefois le pape Honorius, de défendre la foi orthodoxe contre les hérétiques ; Jean-Paul II la ruine lui-même en enseignant systématiquement, publiquement, opiniâtrement l’hérésie et en obligeant les catholiques à l’enseigner. Ce sont là des faits notoires dont on déduit immédiatement sa volonté délibérée de faire disparaître complètement la foi chrétienne, si cela était possible.

La proposition elliptique de l’auteur, qui occulte la complication inutile qu’il introduit dans son raisonnement, semble lui avoir été dictée par le souci de voiler, autant que faire se peut, l’hérésie de l’occupant pour mieux défendre son prétendu droit au Siège apostolique. Quoiqu’il en soit, la conclusion « l’occupant n’a pas l’intention de réaliser le bien de l’Église » suppose vraie la proposition antécédente sur laquelle elle se fonde, à savoir : « l’occupant a l’intention d’enseigner l’hérésie, » donc de mal agir, puisque c’est cette proposition, et elle seule, qui permet à l’auteur de se prononcer sur l’intention de cet occupant à l’égard du bien de l’Église.

Il suit de là que la fameuse disposition qui manquerait encore à l’élu du conclave pour pouvoir recevoir de Jésus-Christ la forme de la papauté n’est rien d’autre que l’orthodoxie. Or l’abdication de la foi divine par un sujet, ne témoigne pas d’une incapacité accidentelle et, partant, remédiable d’occuper la Chaire de Pierre ; il ne s’agit nullement, comme on essaie de nous le faire croire, d’un détail comparable à un défaut de disposition, de préparation de la matière à la réception de la forme ; il s’agit d’une incapacité radicale du sujet qui dès lors répugne au nom de matière. Un hérétique ne peut en aucune façon accéder au souverain pontificat, nous l’avons dit plus haut (supra § 12) (23), et il n’appartient ni à Mgr Guérard des Lauriers ni à ses disciples de modifier les conditions d’éligibilité du successeur de Pierre, qui sont de droit divin. D’ailleurs si l’on veut considérer l’orthodoxie comme une simple disposition à acquérir par le sujet après son élection, on devra par souci de cohérence tenir pour éligibles et les enfants qui, dans cette optique, pourront toujours grandir et recevoir ultérieurement la forme du pontificat, et les non baptisés, sous prétexte qu’il n’est pas impossible qu’un jour l’autorité pontificale venue d’en Haut fasse d’eux des papes formels, si d’aventure ils se convertissent.

 

 

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2. Les lois de l’Église. La Constitution « Vacantis apostolicæ Sedis »

La seconde raison qui oblige à rejeter ladite opinion est qu’elle contredit les lois de l’Église, notamment la Constitution de Pie XII sur la vacance du Siège apostolique et l’élection du Pontife romain, « Vacantis apostolicæ Sedis » (38), aux termes de laquelle il ne reste à l’élu d’un conclave aucune disposition supplémentaire à acquérir pour jouir de la plénitude de la juridiction universelle. Le « consentement (de l’élu à l’élection) ayant été donné (…), l’élu est immédiatement (illico) vrai pape, et il acquiert par le fait même et peut exercer une pleine et absolue juridiction sur l’univers entier » (Cap. VII, 101).


Ndlr du CatholicaPedia : Vous pouvez télécharger la Constitution de Pie XII sur la vacance du Siège apostolique et l’élection du Pontife romain, « Vacantis apostolicæ Sedis » ici en Latin ou en Français.

 

 

L’ENSEIGNEMENT DE SAINT ROBERT BELLARMIN

C’est d’ailleurs ce qui ressortait déjà très clairement du texte, que nous avons cité de saint Bellarmin (supra § 11) qui explique que « les cardinaux, lorsqu’ils créent un pontife, exercent leur autorité non sur le pontife, puisqu’il n’est pas encore, mais sur la matière, c’est-à-dire sur la personne qu’ils disposent en quelque manière par l’élection, pour qu’il reçoive de Dieu la forme du pontificat » (19). Cette personne est donc considérée comme étant la matière appropriée dès avant l’élection, lorsqu’on la qualifie encore familièrement de « papable », c’est-à-dire de capable de la forme de la papauté. Nous disons bien avant l’élection et non après, parce que c’est précisément par l’élection, selon saint Robert Bellarmin, que les cardinaux confèrent à celui qui est déjà matériellement pape (mais oui, sinon cette expression n’aurait aucun sens), la disposition qui le prépare à la réception de la forme de la papauté, une fois son consentement donné à cette élection.

 

LE CANON 219

La prescription ci-dessus citée de Pie XII (supra § 20) (38) se trouve en ces termes dans le Code de Droit Canonique de Saint Pie X : « Romanus Pontifex, legitime electus, statim ab acceptata electione, obtinet, iure divino, plenam supremæ iurisdictionis potestatem ». Le Pontife romain, légitimement élu, obtient de droit divin, aussitôt après l’acceptation de l’élection, le plein pouvoir de la juridiction suprême (Can. 219). Il l’obtient aussitôt, en latin « statim » ; Pie XII dit « illico ». Entre l’acceptation de l’élu et le plein pouvoir donné par Dieu, il n’y a donc pas la moindre place pour un pontificat matériel que « d’éventuelles déterminations ultérieures » (34), selon le rêve des tenants de l’hypothèse, prépareraient à l’acte. Montini, comme plus tard Wojtyla, a accepté l’élection qui, pour reprendre la comparaison de saint Bellarmin, l’avait disposé, tel une matière, à recevoir sur-le-champ (statim) la forme de la papauté. Pourtant, et c’est là une évidence, il n’a pas été pourvu de l’infaillibilité promise par le Sauveur à Pierre (Luc XXII, 32), ni, par conséquent, du pouvoir de gouverner l’Église.

Il ne reste donc qu’une seule explication possible, selon le Canon 219 ci-dessus, et c’est que Montini n’a pas été « légitimement élu, » pour cette raison au moins que, dès avant son entrée au conclave, il n’était pas papable, au sens propre de ce terme ; il n’était pas, il n’a jamais été un pape en puissance, un pape matériel ; son élection est invalide. D’ailleurs les faits viennent corroborer ce raisonnement, puisqu’il est de notoriété publique que Montini, comme son successeur Wojtyla, était tombé dans l’hérésie bien avant son élection (39).

Pour tourner les prescriptions du Canon 219 et de la Constitution « Vacantis apostolicæ Sedis » (38), les partisans du système disent que Montini n’avait pas sincèrement accepté l’élection ; qu’il ne nourrissait pas de bonnes intentions à l’égard de l’Église (35), (36) ; qu’in petto il avait refusé les pouvoirs de Jésus-Christ (30) ; bref, ils disent n’importe quoi. À ce genre d’arguties il serait évidemment facile de répliquer que si Montini était contre le Christ, cela signifie qu’il ne Lui appartenait pas ; qu’il était donc hors de l’Église ; qu’ainsi il n’était pas éligible et que son élection est nulle. Mais nous en avons assez dit sur le sujet. Les lois de l’Église sont ce qu’elles sont ; le reste est littérature.

 

RÉFUTATION

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3. L’analogie entre l’acte de la justification et la réception du charisme de l’infaillibilité

Enfin, il faut dire un mot de l’analogie que l’auteur dit voir entre la collation de l’infaillibilité à l’élu d’un conclave et le don de la grâce justifiante au justifié, parce que l’un et l’autre doivent être préparés et disposés à ces grâces par un acte de la volonté (supra § 17, p. 11).

Il n’y a pas d’analogie sous le rapport envisagé, mais pour le comprendre il faut d’abord savoir ce qui suit. La grâce justifiante ou sanctifiante, qui « nous rend agréables aux yeux de Dieu » (Ephes. I, 6), est donnée à l’homme pour sa propre justification ; les théologiens l’appellent la « gratia gratum faciens ». Le charisme est une grâce gratuitement donnée (« gratis gratis data ») à un homme pour sa coopération à la justification des autres, selon ce mot de l’Apôtre : « À chacun est donnée une manifestation de l’Esprit pour l’utilité » de ses frères (I Cor XII, 7)40. Cette grâce dépassant les possibilités de la nature n’est due à l’homme à aucun titre (40). Les dons de prophétie, de sagesse, de science, des langues, d’interprétation des discours, qui servent à instruire les autres des vérités de la foi, sont autant d’exemples de la manifestation de l’Esprit dans l’Église (cf. I Cor XII, 8-9). De tels dons ne supposent pas nécessairement la grâce sanctifiante (41), encore que Dieu les accorde le plus souvent à ceux qui sont en état de grâce, particulièrement à ses saints.

En outre, il y a entre la grâce justifiante et le charisme cette différence que l’une est une grâce coopérante, l’autre une grâce opérante. La première est coopérante parce que Dieu, qui a commencé à tourner vers lui la volonté de l’homme, coopère avec cette volonté dont le libre acquiescement à l’action divine est dès lors requis pour sa justification (42). « Celui qui t’a créé sans toi, dit saint Augustin, ne te justifiera pas sans toi » (43). Le second, le charisme, est une grâce opérante, parce que Dieu, en favorisant quelqu’un de ses dons surnaturels, opère sans son concours, et cela est compréhensible. Le don de sagesse, qui est la connaissance des choses divines, telles que les mystères, ou celui de science, qui est la connaissance des choses humaines, comme les réalités créées servant à la démonstration de l’existence et des perfections de Dieu, ces deux dons, par exemple, s’adressent d’abord à l’intelligence, non à la volonté, et pour autant ne requièrent pas son acquiescement. La meilleure preuve en est que des vérités auparavant ignorées de nous s’imposent souvent à notre connaissance sans que notre volonté y ait aucune part (44). Aussi le charisme est-il, à la différence de la grâce sanctifiante qui est une qualité divine inhérente à l’âme, et contrairement à ce qu’affirme l’auteur de la thèse (45), une grâce actuelle, non habituelle, non transformante, bref, prévenante au plein sens de ce mot ; il ne suppose en la personne qui en est favorisée ni délibération antécédente, ni intention particulière, ni disposition habituelle de l’âme, étant accordé en dehors de tout mérite personnel (41).

Voilà ce que l’auteur de l’hypothèse semble avoir ignoré en inventant une analogie qui ne repose sur rien. Encore une fois, s’il faut une disposition du sujet à la grâce sanctifiante ou habituelle qui unit l’âme à Dieu en la faisant participer à sa nature (II Pe I, 4; I Jn III, 1-2)46, en revanche, il n’en est pas besoin pour recevoir de Dieu le charisme de l’indéfectibilité ou quelque charisme que ce soit, qui ne produisent pas cette union (47).

À ce propos il n’est pas sans intérêt de citer un texte du R. P Héris O. P. , dans son commentaire de l’enseignement de saint Thomas d’Aquin sur la grâce : « Certains états ou fonctions dans l’Église, écrit-il, pourront postuler l’intervention charismatique du Saint-Esprit, au moins à certaines occasions ; ainsi en est-il, par exemple, du charisme de l’infaillibilité pontificale. Mais cette intervention ne se produira pas en raison des dispositions intimes du sujet qui est favorisé de tel ou tel charisme, mais pour satisfaire aux nécessités de l’Église, et à la promesse d’assistance qui lui a été faite par le Christ (…). Les charismes (ne sont pas au service des âmes qui les possèdent) mais au service du Corps mystique de l’Église, et ce sont les nécessités ou l’utilité de l’Église qui expliquent le don fait de ces grâces actuelles gratuites à un individu, non l’état d’âme de celui qui en est gratifié » (47).

Conclusion : la fameuse disposition d’âme requise pour l’obtention de la forme du pontificat par l’occupant du premier Siège est une fiction théologique destinée à donner à son occupation de fait un semblant de droit sans lequel l’absurdité de l’hypothèse de Cassiciacum serait trop évidente.

 

LA VALIDITÉ DES CONCLAVES DE 1963 ET 1978

Dans ces conditions, rien ne sert de se retrancher derrière la prétendue validité des conclaves de 1963 et 1978. Pour l’auteur « il n’est pas impossible qu’ils aient été valides » (48). D’où il suit qu’il n’est pas impossible qu’ils aient été invalides. Nous avons déjà relevé l’inanité du « principe » sur lequel se fonde tout le système de Cassiciacum. (supra § 6, § 7). Pour les disciples, en revanche, aucun doute ne semble permis sur la validité de conclaves qui, disent-ils, ont conféré à leurs élus une « détermination » relevant de « l’ordre juridique de l’Église » (49), détermination que ne pourrait « annihiler (qu’une) autre détermination du même ordre juridique, opposée à la première » et procédant de la même autorité (49). D’ici là la théorie de la permanence du pape matériel (50), élu par un conclave valide (35), « s’impose, non seulement en fait (…) mais en droit et absolument » (50). « Sic volo, sic iubeo, pro ratione voluntas mea. » Les suppositions gratuites, faites sur un ton comminatoire, sont le propre des doctrines volontaristes dont celle de Cassiciacum est un parfait exemple.

Une détermination de l’ordre juridique de l’Église « doit être annihilée, » nous dit-on (49). Fort bien, mais on ne peut annihiler que ce qui est ou existe, du moins sous un certain rapport ou d’une certaine manière. On ne saurait annihiler ce qui n’est pas. Or en l’occurrence la question est précisément de savoir si le conclave d’où l’occupant hérétique est sorti pape lui a réellement conféré une telle détermination d’ordre juridique, en d’autres termes, si l’élection dudit conclave est valide. On répond en substance qu’elle l’est en raison de « la détermination d’ordre juridique inaugurée dans le sujet par le fait d’avoir été élu et d’avoir accepté son élection » (51). Mais c’est là une pétition de principe, un raisonnement vicieux qui suppose pour vrai ce qui est en question. Cela seul oblige à rejeter comme irrationnelle toute la thèse de Cassiciacum. Nous reviendrons sur ce sujet (infra § 40).

Nous examinerons aussi ladite thèse, mais plus tard, sous son aspect canonique, afin de ne laisser planer aucun doute sur le parfait accord entre les lois de l’Église (48) et la droite raison. Pour le moment, comme nous l’avons dit, c’est sous ce dernier rapport que nous la considérons, sans oublier toutefois que  ce qui répugne à la raison ne peut s’accorder avec la Foi car l’une et l’autre viennent de Dieu qui ne peut ni se contredire ni nous tromper.

 

LES ÉLUS DES DERNIERS CONCLAVES N’ONT PAS ÉTÉ DÉSIGNES PAR DIEU, COMME ILS AURAIENT DÛ L’ÊTRE

Les partisans de l’hypothèse attribuent l’élection du Pontife romain à l’Église (48), ce qui est vrai en ce sens que l’Église de Rome et par voie de conséquence les cardinaux réunis en conclave peuvent être considérés comme récapitulant l’Église universelle. Seulement, qui dit l’Église dit le Christ dont elle est Le Corps (Ephes I, 23 ; Col I, 24). Or Jésus-Christ a bel et bien rejeté les élus des conclaves de 1963 et 1978 (2), (29) ; Il leur a refusé les pouvoirs d’enseigner et de gouverner Son Église, ce dont les tenants de la thèse conviennent d’ailleurs sans difficulté (29). Jésus n’a donc pas prié Son Père que la foi de Montini ou de Wojtyla ne défaille pas (cf. Lc XXII, 32) ; Il ne les a pas institués pasteurs de Son troupeau (cf. Jn XXI, 15-17) ; en bref, Il a refusé et refuse de reconnaître en eux les successeurs de celui à qui Il a dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre Je bâtirai Mon Église » (Mt XVI, 18).

Pourquoi ? Le Seigneur se serait-Il brusquement détourné de Son Église qu’Il S’est acquise au prix de Son sang ? C’est absolument impossible. Ou bien aurait-Il omis de l’assister pendant ces conclaves ? C’est non moins absurde ni moins injurieux pour Dieu car si les hommes peuvent être infidèles, le Christ, Lui, est fidèle ; Il ne peut se renier Lui-même. Or Il a promis aux Apôtres et à leurs successeurs d’être avec eux tous les jours jusqu’à la consommation du siècle » (Mt XXVIII, 20), c’est-à-dire jusqu’à la fin du monde. Et ailleurs : « Là où deux ou trois sont réunis en Mon Nom, Je suis au milieu d’eux » (Mt XVIII, 20). Le Christ n’a donc pas pu abandonner des cardinaux réunis pour l’élection de Son représentant sur terre. Ce sont ces cardinaux qui ont abandonné le Christ en élisant des hommes qui le haïssaient, comme l’auteur lui-même le reconnaît quand il les déclare privés, par la volonté de Dieu, du droit de gouverner l’Église parce qu’ils sont contre le Christ (29).

Dans ces conditions, comment le même auteur peut-il soutenir que ces hommes ont occupé le Siège apostolique non seulement de fait, mais de droit (28) ? Quel homme pourrait avoir le droit d’occuper la chaire et le trône de Pierre, alors que Dieu lui a refusé le droit d’enseigner et de régir son Église (29) ? Car la chaire suppose le droit d’enseigner, et le trône, celui de régner. D’ailleurs qui, oui, qui a le droit de s’opposer à la volonté de Dieu ? Autre question : qui, à moins d’être ennemi de Dieu, osera prétendre conférer un tel droit ? Au reste, un tel droit relève de l’irréel ; c’est une chimère, comme le pseudo droit à la liberté de conscience et des religions ; et il est vain d’essayer de faire endosser à l’Église la responsabilité de la collation de ce pouvoir mensonger aux pires ennemis de son Dieu et Sauveur, Jésus-Christ. L’Église n’est pas en rébellion contre son Chef, elle n’a pas fait sa Révolution d’Octobre, contrairement à ce qu’imagine, dans son aveuglement, le Père Congar. L’Église et le Christ sont un ; c’est là un grand mystère (Eph V, 31-32 ; I, 23 ; Col I, 24).

 

À suivre…

Abréviations utilisées dans les références :
G : Mgr M.L. Guérard des Lauriers, o.p.
L : Abbé Bernard Lucien
B : Abbé Hervé Belmont
CASS : « Cahiers de Cassiciacum », Études de sciences religieuses, Assoc. Saint-Herménégilde, Nice 1979-1981
AUT : « La situation actuelle de l’autorité dans l’Église », Documents de catholicité, As. Saint-Herménégilde, Nice, 1985
SLB : « Sous la Bannière », A.M. Bonnet de Viller, 18260 Villegenon
BOC : « Bulletin de l’Occident Chrétien », 92310 Sèvres
CRI : « L’exercice quotidien de la Foi dans la crise de l’Église », Oratoire N-D de la Sainte Espérance, Bordeaux 1984

1. G CASS 1, p. 12 et 16.
2. L AUT p. 9
3. G Cass 1, p. 37.
4. Ibid. p. 36, n° 3.
5. G CASS 1, p. 36, n° 21 – B CRI, p. 22 – L AUT, p. 27.
6. G CASS 1, p. 21.
7. L AUT p. 9 et 11.
8. G SLB, Suppl. au N° 8, Nov/Déc. 1986, p. 10.
9. G CASS 1, p. 36, n° 2.
10. Cardinal Montini, « Religion et travail, » 27 mars 1960, Turin, Doc. Cath. 19/06/1960, n° 1330 – Voir l’étude de ce texte dans la Voie n° 9, p. 13 sq.
11. G CASS 1, p. 107 et 108.
12. L CASS 2, p. 85.
13. Ibid. p. 86.
14. S. Robert Bellarmin, « De Romano Pontifice » Lib. II, cap. XXX.
15. « Déclaration de Mgr Guérard des Lauriers, » BOC n° 84, Octobre 1983.
16. G CASS 1 p. 79 et 82.
17. S.Th. Ia, 12, 8.
18. « De mente vel intentione, utpote per se quiddam est interius, Ecclesia non iudicat ; at quatenus extra proditur iudicare ea debet » Léon XIII, Encycl. « Apostolicæ curæ », 13 septembre 1896, Denz. 3318.
19. « De Romano Pontifice, » op. cit. Lib. II, cap. XXX.
20. Cf. Aristote, « Physique, » II, 2, 194 b 9 et passim.
21. Aristote, « De anima, » II, 2, 414 a 25.
22. S. Augustin, « De natura boni, » XVIII, 18.
23. Xavier Da Silveira, « La Messe de Paul VI : qu’en penser ? » : « C’est une opinion commune que l’élection d’une femme, d’un enfant, d’un dément ou de ceux qui ne sont pas membres de l’Église, c’est-à-dire les non baptisés, les apostats, les hérétiques et les schismatiques, est nulle par la loi divine. »
Sipos-Galos, « Enchiridion luris Canonici » : « Eligi potest (sc P.R.) quodlibet masculum, usu rationis pollens, membrum Ecclesiae. Invalide ergo eligerentur feminæ, infantes, habituali amentia laborantes, non baptizati, hæretici, schismatici. Pour être élevé au Souverain Pontificat il faut donc être « de sexe masculin, avoir l’usage de sa raison et être membre de l’Église. Sont donc invalides les élections de femmes, d’enfants, de déments, de non baptisés, d’hérétiques et de schismatiques ».
Plöchl, « Lexikon für Theologie und Kirche », 1963, T. VIII, col. 60/63 : « Wählbar ist ein getaufter, männlicher, rechtgläubiger Katholik, ausgenomen Unnmündige u. Geisteskranke » Est donc éligible « un catholique baptisé, de sexe masculin, orthodoxe, à l’exception des mineurs et des aliénés ».
Après la doctrine commune des théologiens et canonistes, il convient de rappeler l’enseignement du Magistère. Le pape Paul IV, dans sa Constitution apostolique « Cum ex Apostolatus Officio », du 15 février 1559, définit comme nulle, non valide et de nul effet l’élection d’un homme qui a dévié de la foi catholique. Voir notre étude dans La Voie, N° 6, 7, 9, 10, 11, 12, « Portrait d’un papabile : J.B. Montini ».
24. G CASS 1, p. 88, 107, 108.
25. Ibid. p. 88.
26. L AUT, p. 31.
27. Karol Wojtyla, « Aux sources du renouveau », Étude sur la mise en œuvre du Concile Vatican II, Le Centurion, Paris 1981 – Édition originale parue en langue polonaise sous le titre « U podstaw odnowy, Studium o realizacji Vaticanum II », Krakow 1972.
28. G CASS 1, p. 36, n° 3 et note 21 – L AUT p. 53.
29. G CASS 1, p. 37 et note 22.
30. L CASS 2, p. 86 et passim.
31. G CASS 1, p. 9, 12, 16 et 68 à 71.
32. Ibid. p. 90.
33. Cf. S. Th. 1, 48, 4.
34. L CASS 2, p. 84.
35. L CASS 2, p. 86 – G CASS 1, p. 76 et 78 b) 1.
36. G CASS 1, p. 50.
37. S.Th. I – II, 6, 1.
38. Constitution « Vacantis apostolicæ Sedis », 8 décembre 1945, AAS Pie XII, T. VII, p. 276.
Cap. VII, 101 : « Hoc consensu prestito intra terminum, quatenus opus sit, pendenti arbitrio Cardinalium per maiorem voto- rum numerum determinandun, illico electus est verus Papa, atclue actu plenam absolutamque iurisdictionem supra totum orbem acquirit et exercere potest ».
Cap. VI, 99 : « Electum vero haeredem et Successorem Nostrum rogamus, ne numeris arduitate deterritus ab eodem su- beundo se retrahat, at potius divinae voluntatis consilio humiliter se subiiciat : nam Deus qui imponit onus, manun etiam Ipse supponet, ne ei ferendo sit impar ; is enim qui oneris est auctor, Ipse est administrationis adiutor ; et ne sub magni- tudine gratiae succumbat infirmus, dabit virtutem qui contulit dignitatem. »
39. Voir notre série d’articles « Portrait d’un papabile » dans La Voie, N° 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12.
40. S.Th. I-II, 111, 1.
41. Ainsi saint Jean nous dit-il que Caïphe « en qualité de grand Prêtre prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non seulement pour la nation, mais encore afin de ramener à l’unité les enfants de Dieu dispersés  » (XI, 51, 52), mais, précise l’Évangéliste, Caïphe « ne dit pas cela de lui-même, mais parce qu’il était grand prêtre cette année là » (Ibid.).   Nous lisons aussi dans le Catéchisme du Concile de Trente : « Les biens qui sont communs à tous (dans l’Eglise) ne sont pas seulement les dons qui nous rendent justes et agréables à Dieu. Ce sont encore les grâces gratuites, comme la science, le don de prophétie, le don des langues et des miracles et les autres dons de même nature. Ces privilèges, qui sont accordés quelquefois même aux méchants, ne se donnent jamais pour un intérêt personnel, mais pour le bien et l’édification de toute l’Eglise » (Cap. X, § 1O).
On peut encore consulter saint Thomas d’Aquin, S. Th. I-II, 111, 1, sol. 2 et 3.
42. S. Augustin, « De gratia et libero arbitrio, » cap. 17 – S. Th. I-II, 111, 2 – Concile de Trente, sess. VI, cap .7, Denz. 798, 799, 819.
43. S. Augustin, Sermo 169.
44. S. Th. I-II, 111, 4.
45. G CASS 1, p. 48, 49.
46. S. Th. I-II, 110, 4, concl. I-II, 111, 5, sol. 2.
47. S. Thomas d’Aquin, « La grâce, » Ed. du Cerf , Paris 1961, Note explicative de Ch.-V. Héris O.P. n° 55, p. 290, 291.
48. G CASS 1, p. 108 – G CASS 3-4, p. 144.
49. L AUT p. 27 – B CRI p. 22.
50. L AUT p. 28.
51. Ibid. p. 18 et 53.

 

 

 

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Pour expliquer la situation actuelle de l’Église face aux agissements hérétiques des derniers prétendus papes, certains ont tenté une explication, c’est la thèse de Cassiciacum. Selon cette thèse ces « papes » seraient matériellement pape, mais pas formellement, et conserveraient un droit à la papauté en cas de conversion. Myra Davidoglou, montre que cette opinion s’oppose aux arguments tirés de la théologie, de la philosophie et de l’histoire. En annexe : La Bulle de Paul IV et autres documents.

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Le débat se poursuit donc ; nous publierons tous les arguments pour une disputatio en toute courtoisie (sans anathème, calomnie, provocation ni animosité etc.) reçus en commentaire ou par eMail…

 

 

Written by Cave Ne Cadas

juin 25th, 2013 at 11:07 pm

Posted in La Voie,Myra Davidoglou,sedevacance,Thèse de Cassiciacum

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