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Sainte Pâque de Résurrection à tous !

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Sainte Pâque de Résurrection
à tous !

 

Résurrection du Christ

 

 

de la part de Mgr. Andrés Morello
Mgr Morello

 

 

Mercredi 23 mars 2016
Mercredi Saint

 

 

Chers Fidèles et Amis,

 

L’ordre de la société se corrompant, il est logique que la paix s’en évanouisse peu à peu puisque c’est de l’ordre que naît la paix. Les sociétés ne veulent pas, de par une volonté perverse et erronée, imposer et suivre les prescriptions de l’ordre surnaturel et de l’ordre naturel qui ont tous deux Dieu pour origine. Dieu a été banni de la vie quotidienne, de la législation en vigueur, de l’éducation, de la vie sociale et familiale. Du moins, les hommes croient qu’ils l’ont chassé à la manière de l’autruche qui, en se couvrant la tête de son aile, ne voit pas ce qui l’entoure.

Ce désordre généralisé trouvait une contradiction permanente dans la vérité catholique, dans la vie chrétienne, dans la sereine et ferme affirmation qu’en faisait la Sainte Église Catholique par ses Pontifes et ses prêtres. Le désordre antichrétien et antinaturel avait besoin d’une bénédiction, avait besoin d’être canonisé par l’Église pour vaincre les résistances du peuple chrétien.

Saint Pierre renierait-il à nouveau le Christ et, avec lui, les Évêques et les Clercs ? Cela est impossible ou nous devrions rejeter la Foi puisque le Christ a dit : « et tu conversus confirma fratres tuos » « et toi, quand tu seras converti, confirme tes frères » (S. Luc 22,32).

Si la Foi de Saint Pierre ne pouvait faillir, et il était impossible qu’elle faillît, alors il fallait quelqu’un qui parût commander, obliger, légiférer, qui menât les âmes paître non pas vers les prairies célestes, mais vers la zizanie empoisonnée de l’ennemi de Dieu. Saint Pierre n’a plus jamais trahi, et il ne pourrait le faire, il fallait donc quelqu’un sans son autorité mais qui parût la détenir pour obtenir l’obéissance du peuple chrétien.

Cette Pâque de Résurrection nous trouve confronté à la perplexité et à la confusion des chrétiens devant un enseignement qui n’est pas celui de Jésus-Christ, devant une morale laïque qui incite au péché et nous fait un devoir de consentir et de vivre avec le mal qui nous entoure.

Au milieu de ce désordre et en présence de ce magistère des méchants, les uns abandonnent la lutte, beaucoup s’enferment dans la solitude, d’autres s’érigent en docteurs et législateurs, bien peu persévèrent dans le bien, la plus grande partie se laisse aller à une frénésie à laquelle nous invitent le monde, ses maîtres et ses pontifes.

Et Dieu ? Dieu est toujours là, il continue de gouverner, de diriger les hommes comme il dirige l’univers, les astres, les montagnes et les marées. « Mes paroles ne passeront point » (S. Marc 13,31). « Qui n’amasse pas avec moi, dissipe » (S. Luc 11,23).

Que la Foi inébranlable en Notre-Seigneur Jésus-Christ nous trouve dans cette Pâque assemblés à son sépulcre sacré, attendant qu’Il ressuscite et élève sa main toute-puissante pour tout rétablir dans l’ordre et la paix. Que chacun soit à la place que Dieu lui a assignée !

 

Sainte Pâque de Résurrection à tous !

 

 

          † Monseigneur Andrés Morello           

 

 

 

 

Deux amours ont bâti deux cités…

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Deux amours ont bâti deux cités…

31 octobre,
Vigile de la Toussaint.

(Nous reprenons avec plaisir l’article de Maître-Chat Lully pour ce beau jour de la Toussaint… Bonne fête à tous ! Cave Ne Cadas)

 

Le Christ en gloire entouré des saints, Giovanni Battista Beinaschi

Le Christ en gloire entouré des saints, Giovanni Battista Beinaschi, 17e siècle ;
musée du Hiéron à Paray le Monial

 

En ce jour de vigile de la Toussaint, nos regards sont déjà tournés vers cette Sainte Cité — la Jérusalem céleste —, qui est le terme de notre espérance et le but auquel tend toute notre vie chrétienne : la Sainte Cité à laquelle nous devons aspirer, la Sainte Cité où nous attendent tous les saints qui nous ont précédés et montré la voie, la Sainte Cité dont la liturgie de demain détaillera la gloire et la félicité de la foule immense des sauvés qui la peuplent, parce que, ici-bas, ils ont vécu les Béatitudes évangéliques, la Sainte Cité en laquelle ne peuvent entrer et vivre à jamais que ceux qui meurent dans la grâce et la miséricorde du Seigneur…

Pour nous mieux préparer à célébrer cette fête de tous les Saints, permettez-moi de vous inviter à lire ou à relire, à méditer dans le recueillement et le silence, cette célèbre page de notre glorieux Père Saint Augustin : celle extraite de « La Cité de Dieu », où le saint docteur d’Hippone parle des « deux cités », celle de la terre et celle du ciel, et de leurs caractéristiques.
La fameuse phrase « deux amours ont bâti deux cités… » commence le chapitre vingt-huit du quatorzième livre de « La Cité de Dieu », mais, parce qu’il y a en réalité dans le texte un « donc » : « Deux amours ont donc bâti deux cités » (en latin : itaque), il m’a semblé important de vous retranscrire ci-dessous la partie du chapitre vingt-sept qui précède et justifie le développement de Saint Augustin lorsqu’il commence à parler de ces « deux cités ».
Avec Saint Augustin, c’est dans la vision globale du mystère de la chute (des anges et des hommes) et de la Rédemption, et donc de la tentation et du combat spirituel — par lequel l’homme, fidèle à la grâce divine, parvient à la victoire —, qu’il nous faut sans cesse nous replacer.

La fête de tous les Saints, qui — en ce monde de ténèbres — entrouvre aux yeux de nos âmes la lumineuse vision du Ciel, doit être pour nous un vif stimulant à nous montrer forts et généreux dans le combat spirituel, un encouragement à nous livrer davantage à l’action de la grâce, un puissant motif pour mettre à mort en nous tout ce qui est contraire à l’amour divin, et un tremplin spirituel pour décupler toutes nos énergies afin de vivre toujours plus intensément l’esprit des Béatitudes.

Belle, fervente et très sainte fête de tous les Saints !

Lully.

 

 

Le Christ en gloire entouré des saints

Le Christ en Sa gloire, entouré des Saints

 

« Deux amours ont bâti deux cités… »

 

De même que nous ne saurions vivre ici-bas sans prendre des aliments, et que nous pouvons néanmoins n’en pas prendre, comme font ceux qui se laissent mourir de faim, ainsi, même dans le paradis, l’homme ne pouvait vivre sans le secours de Dieu, et toutefois il pouvait mal vivre par lui-même, mais en perdant sa béatitude et tombant dans la peine très-juste qui devait suivre son péché.

Qui s’opposait donc à ce que Dieu, lors même qu’Il prévoyait la chute de l’homme, permît que le diable le tentât et le vainquît, puisqu’Il prévoyait aussi que sa postérité, assistée de Sa grâce, remporterait sur le diable une victoire bien plus glorieuse ?

De cette sorte, rien de ce qui devait arriver n’a été caché à Dieu ; Sa prescience n’a contraint personne à pécher, et Il a fait voir à l’homme et à l’ange, par leur propre expérience, l’intervalle qui sépare la présomption de la créature de la protection du Créateur.

Qui oserait dire que Dieu n’ait pu empêcher la chute de l’homme et de l’ange ?

Mais Il a mieux aimé la laisser en leur pouvoir, afin de montrer de quel mal l’orgueil est capable, et ce que peut sa grâce victorieuse.

Deux amours ont donc bâti deux cités : l’amour de soi-même jusqu’au mépris de Dieu, celle de la terre, et l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi-même, celle du ciel.

L’une se glorifie en soi, et l’autre dans le Seigneur ; l’une brigue la gloire des hommes, et l’autre ne veut pour toute gloire que le témoignage de sa conscience ; l’une marche la tête levée, toute bouffie d’orgueil, et l’autre dit-à Dieu : « Vous êtes ma gloire, et c’est Vous qui me faites marcher la tête levée » (Ps. III, 4) ; en l’une, les princes sont dominés par la passion de dominer sur leurs sujets, et en l’autre, les princes et les sujets s’assistent mutuellement, ceux-là par leur bon gouvernement, et ceux-ci par leur obéissance ; l’une aime sa propre force en la personne de ses souverains, et l’autre dit à Dieu : « Seigneur, qui êtes ma vertu, je Vous aimerai » (Ps. XVII, 2).

Aussi les sages de l’une, vivant selon l’homme, n’ont cherché que les biens du corps ou de l’âme, ou de tous les deux ensembles ; et si quelques-uns ont connu Dieu, ils ne Lui ont point rendu l’honneur et l’hommage qui Lui sont dus, mais ils se sont perdus dans la vanité de leurs pensées et sont tombés dans l’erreur et l’aveuglement.

En se disant sages, c’est-à-dire en se glorifiant de leur sagesse, ils sont devenus fous et ont rendu l’honneur qui n’appartient qu’au Dieu incorruptible à l’image de l’homme corruptible et à des figures d’oiseaux, de quadrupèdes et de serpents ; car, ou bien ils ont porté les peuples à adorer les idoles, ou bien ils les ont suivis, aimant mieux rendre le culte souverain à la créature qu’au Créateur, qui est béni dans tous les siècles (Rom. I, 21-25).

Dans l’autre cité, au contraire, il n’y a de sagesse que la piété, qui fonde le culte légitime du vrai Dieu et attend pour récompense dans la société des saints, c’est-à-dire des hommes et des anges, l’accomplissement de cette parole : « Dieu tout en tous » (1 Cor. XV, 28).

Saint Augustin,
« La Cité de Dieu », livre XIV, 2 ème moitié du chap. 27 et chap. 28.

 

Christ de Gloire, détail

« Alors Dieu sera tout en tous ! » (1 Cor. XV, 28)

 

 

 

Jean Madiran est mort… Dieu a jugé…

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Jean Madiran a été jugé par le juste tribunal de Dieu hier, 31 juillet 2013, à l’âge de 93 ans.

Madiran1

Jean Madiran, de son vrai nom Jean Arfel
alias Jean-Louis Lagor,
alias Jean-Baptiste Castetis.

Jean Madiran, de son vrai nom Jean Arfel, était né le 14 juin 1920 à Libourne (Gironde). Journaliste et essayiste, inlassable défenseur du catholicisme traditionnel, il est décédé ce 31 juillet 2013.

Comme le souligne le rédacteur en chef de « L’homme nouveau », Philippe Maxence, « Fondateur de la revue Itinéraires et du quotidien Présent, écrivain et journaliste, Jean Madiran était un disciple de Charles Maurras, mais aussi, et peut-être surtout, d’André et d’Henri Charlier dont il a contribué plus que quiconque à faire connaître et répandre l’œuvre et ce souci péguiste de la réforme intellectuelle et morale. Le Père Bruckberger a écrit de lui qu’il continuait de porter en notre temps la voix exigeante de Charles Péguy et cet hommage était juste, venant d’un homme et d’un prêtre qui se disait pour sa part le disciple de Georges Bernanos ».

Figure intellectuelle de premier plan et homme de combat au service de l’Église et de la France, Jean Madiran laisse une œuvre riche et impressionnante ( Biographie et bibliographie. )

Dieu a jugé. Dieu jugera.

Ecclésiaste 3:17
J’ai dit en mon cœur : Dieu jugera le juste et le méchant ; car il y a là un temps pour toute chose et pour toute œuvre.

Romains 2:16
C’est ce qui paraîtra au jour où, selon mon Évangile, Dieu jugera par Jésus-Christ les actions secrètes des hommes.

Alors que tout le tradiland lui rend un hommage dithyrambique :

Le Salon Beige : Jean Madiran, RIP
http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2013/07/jean-madiran-rip.html

MetaBlog, abbé Guillaume de Tanoüarn : Jean Madiran est mort…
http://ab2t.blogspot.fr/2013/08/jean-madiran-est-mort.html

Credidimus Caritati, J.-R. du Cray : Jean Madiran et Mgr Lefebvre : avant de partir
http://credidimus-caritati.blogspot.fr/2013/07/jean-madiran-et-mgr-lefebvre-avant-de.html

Riposte Catholique : On lira avec intérêt le bel hommage que lui rend Philippe Maxence sur son blogue Cælum et Terra.
http://caelumetterra.hautetfort.com/archive/2013/07/31/sous-le-signe-de-la-piete-5133062.html
http://www.riposte-catholique.fr/summorum-pontificum-blog/in-memoriam/jean-madiran-in-memoria-aeterna-erit-justus?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+Riposte-catholique+%28Riposte-catholique%29

nous vous proposons de lire (ou relire) un texte de Louis-Hubert Remy, de 2001, pour remettre quelques pendules à l’heure :

JEAN MADIRAN

 

Reprends, menace, exhorte, avec une entière patience et toujours en instruisant

(Il Timothée, IV, 2)

 

Ma génération a été marquée par un certain nombre de grandes personnalités, surtout françaises. Certains noms resteront même dans l’histoire. Je pense en particulier à Mgr Lefebvre, à l’abbé de Nantes, à Jean Ousset ou à Jean Madiran. Ces caractères ont combattu plus que d’autres, ont été attaqués constamment (à tort ou à raison), parfois violemment, et ont laissé par leurs écrits et leurs positions des repères et une empreinte qu’on ne peut contester. Pour ma génération, ils furent les plus lus, les plus suivis à telle ou telle époque, dans telle ou telle situation.

J’avais treize ans, quand en 1956 Madiran fonda sa revue Itinéraires. Je la découvris vers 18 ans, ayant eu la chance, étant poitevin, de vivre avec l’équipe de Chiré. Bien sûr j’ai toute la collection d’Itinéraires de 1956 à 1986. Chaque mois nous attendions avec impatience le dernier numéro pour le dévorer séance tenante. Ce fut une des revues dont nous discutions le plus, mais ce n’était pas la seule. J’avoue que notre jeunesse fut très privilégiée. Nous lisions Bonum Certamen, Forts dans la Foi, Lectures Françaises, Lecture et Tradition, Didasco, la Pensée Catholique, le BOC, Fideliter, la CRC, Permanence, le Combat de la Foi, Introïbo, Monde et Vie, etc… Ne connaissant ni la télé ni les vidéos, nous avions le temps et le goût pour la lecture et l’étude.

Et puis, il y avait le Congrès de Lausanne ! Pour nous les jeunes c’était chaque année la grande affaire. Tous ces auteurs éminents, tous ces écrivains de renom, tous ces aînés respectés, admirés, toute cette doctrine que nous découvrions, qui enflammait nos cœurs, qui nourrissait nos intelligences, nous impressionnaient profondément. Nous étions extrêmement attachés à ces hommes. Et Madiran était un de ceux que nous préférions. Quel charme ! Quelle hauteur d’âme ! Quel écrivain ! Quel orateur ! Il incarnait pour nous l’intelligence, le savoir, la sagesse. Nous avions pour lui un mélange de vénération et d’affection. Rassemblant tant et tant de noms prestigieux dans sa revue, il nous semblait incarner celui qui combattait le mieux et qui allait nous emmener à la restauration, à la victoire.

Avant la crise conciliaire, comme nos pères, nous vivions sans souci notre vie chrétienne, avec un bon curé, un missel, un catéchisme, le Nouveau Testament, l’Imitation de Jésus-Christ. La crise nous mit dans l’obligation de choisir, de nous prononcer continuellement pour ou contre les nouveautés et donc d’apprendre. D’où des bibliothèques, plus ou moins importantes. Il fallait tout retrouver, étudier, méditer, pour comparer et choisir. Ma génération (1) a beaucoup travaillé, critiquant, cherchant, trouvant, redécouvrant, Itinéraires nous étant très utile. Nous lisions fidèlement Madiran, avec intérêt, découvrant des auteurs de qualité, des écrivains comme il n’en existe plus, des réflexions sur les événements, des jugements sur les questions brûlantes, qui nous marquaient.

 

Et pourtant ? Et pourtant ! Quarante ans après, ma manière de voir a bien changé et le bilan me semble moins bon.

Tout pour moi a basculé en 1974. Envoyé par Michel de Penfentenyo au PC de Jean Royer candidat à la présidentielle, j’ai vécu alors de très près les combines électorales. J’ai été vacciné à vie contre la démo(n)cratie et je me suis mis à réfléchir sur les principes fondamentaux. Déjà habitué des Exercices de saint Ignace, marqué par les méditations des Deux Étendards et des Trois classes d’Hommes, je ne comprenais pas que nos “Maîtres” ne combattent pas le vote, le seul acte de la démo(n)cratie, acte sans importance, puisque j’avais observé que tout était combiné d’avance. J’ai écrit plus longuement ce que j’avais vécu et découvert lors de cette élection présidentielle. En voici un très court résumé :

Ce n’est pas l’électeur qui choisit le futur élu, c’est le parti. Et dans le parti c’est le financier qui a le véritable pouvoir. C’est lui qui choisit les candidats. L’élu a à rendre compte non pas à l’électeur mais à celui qui l’a choisi. Le financier est le seul maître, est le vrai maître. Le vote (très rare, tous les quatre, cinq ou sept ans suivant les élections) est le seul acte demandé à chacun. Ce n’est qu’une communion au système (comme autrefois plier le genou devant Baal). Et celui qui vote, est marqué à vie, pollué dans son intelligence et même dans sa Foi. Car la démo(n)cratie est une religion, etc…

C’est ainsi que je compris qu’en politique il n’y avait qu’une seule chose capitale : le gouvernant. D’où l’importance du Christ Roi de France, seule solution demandée et voulue par Dieu. Au Jésus-Christ hors-la-loi de la Révolution française, au Jésus-Christ chassé de Son trône, il n’y a qu’une solution : Jésus-Christ Roi de France, régnant par Son LieuTenant. Je me mis alors à fouiller dans ce sens et j’ai retrouvé, de recherches en recherches, ce que j’ai appelé par la suite : l’école antilibérale.

Je connaissais bien La Mission divine de la France (2) qui m’avait beaucoup marqué. Pour moi c’était devenu la référence historique et politique. Je n’eus de cesse que de retrouver les auteurs qu’il citait. Plus tard, Jean Vaquié, m’apprit que Madiran connaissait bien tous ces problèmes. L’ayant reçu à dîner chez lui, tout au début de la création des Compagnons d’itinéraires, tous ces sujets furent abordés ; mais Madiran s’emporta et partit furieux, se déclarant ennemi farouche de ceux que l’on appelle les Providentialistes. On est obligé de constater que jamais ou presque, Itinéraires n’a cité Vaquié, Couvert, Léon de Poncins, Virion, de La Franquerie, même dans leurs travaux d’actualité. Bizarre ! Jamais ou presque ne seront cités, les Mgr Delassus, Gaume, Jouin, Lémann, les R.P. Don Sarda, Meinvielle, Aubry, Barbier, Deschamp, Ayroles, etc. Le cardinal Pie un peu, mais si mal. Bizarre ! De telles omission ne sont pas innocentes.

D’où une critique incomplète, n’allant pas à la racine des maux, d’où une analyse n’incluant pas une étude approfondie des péchés qui avaient mérité les châtiments de la Révolution française et de la Révolution conciliaire, d’où une mauvaise thérapie et des solutions très insuffisantes.

Sa vision historique était loin de celle enseignée par Mgr Gaume dans son remarquable Traité du Saint-Esprit. Pour une analyse complète il lui manquait La conjuration antichrétienne de Mgr Delassus et La Révolution de Mgr Gaume (en douze volumes). Pour une saine philosophie il ne citait pas le Père Aubry. Pour une réforme intellectuelle et morale efficace il méconnaissait Le Libéralisme est un péché de Don Sarda, essentiel pour former des hommes ne composant jamais avec l’erreur. Comment méconnaître Mgr Jouin le grand spécialiste de l’ennemi et de la contre-Église ? Pour la solution, il évinçait le Cardinal Pie et son ouvrage La Royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ (d’après le travail du P. Théotime de Saint-Just), le Père Ayroles avec son remarquable livre, Jeanne d’Arc sur les autels et la régénération de la France. Etc, etc. En plus de 60 000 pages lues dans Itinéraires, j’étais passé à côté de l’essentiel. Mais pire, toute ma génération se croyait formée, se croyait savante alors qu’elle était engagée, dirigée dans une voie de garage obligatoirement sans issue, comme la suite l’a prouvé.

Et Madiran conseillait le vote. Ce fut pour moi, en 1974, une déception énorme. Sa dérive alla ensuite de pire en pire de l’aventure grotesque Le Pen, on voit aujourd’hui où il est tombé. Sa position avec Présent était inévitable car ses principes politiques étaient faux. Il parlait du moindre mal, qui est toujours un mal, surtout dans le domaine politique. Trop marqué par les néo-thomistes style Maritain (3) trop parisien (4), trop intellectuel, trop universitaire, il lui manquait trop d’autre chose, surtout au niveau des principes. Comme je le sentais et le découvris plus tard avec Mgr Delassus dans Vérités sociales et erreur démocratique, Madiran avait tout faux en politique.

Puis je remarquais qu’il ne parlait jamais d’autres aspects de la vérité que je découvrais chez d’autres auteurs (en particulier l’équipe Barruel que je fréquentais à Lyon). Très marqué par la Méditation des Deux Étendards, je constatais qu’il n’y avait jamais aucun article sur la démonologie, sur la contre-église, sur l’ennemi, sur le complot, pas même sur le problème juif et franc-maçon. En 30 ans d‘Itinéraires, rien sur ces sujets ! Pas d’ennemis, ou pas les vrais. Certes il dénonçait le communisme, mais pas le financier du communisme, pas les vrais maîtres du communisme. Certes il dénonçait le naturalisme, mais pas le libéralisme autrement plus important puisqu’il concilie l’erreur et la vérité. Comment ne pas se poser alors de graves questions sur son ambition d’une réforme intellectuelle et morale ? Comment prendre au sérieux ce désir de refaire une élite alors que l’essentiel n’était pas abordé.

Toutes ces réflexions m’amenèrent à relire leur maître, Maurras, et à conclure que c’était lui le grand responsable de la déformation de toute cette génération. Ils étaient tous tordus, passant à côté de l’essentiel. Jean Vaquié m’avait dit : le grand problème c’est Maurras. Ma génération n’a pas pu l’attaquer, ce sera à votre génération de le faire. Tant que ses idées régneront, il n’y aura aucune restauration possible (5). Maurras était l’anti-Christ Roi de France, et son combat mutilé de l’approche surnaturelle, ne pouvait qu’aboutir à un échec. Au lieu de s’appuyer sur Dieu, on s’appuyait sur des forces humaines. Au lieu de combattre Satan, on combattait ses troupes apparentes, oubliant les occultes.

En découvrant l’école antilibérale, j’avais trouvé les vrais maîtres, eux qui avaient tout étudié, annoncé et résolu, grâce aux bons principes naturels et surnaturels qui manquaient tant aux autres. Au fur et à mesure que je les étudiais, je comprenais pourquoi on les avait occultés, pourquoi on avait fait disparaître et leurs œuvres et leur nom, car tout leur donnait raison (6). Je comprenais les attaques, la destruction que nous vivions et combien les faux maîtres nous conduisaient dans une impasse. Si autrefois il me semblait qu’il y avait quelques bonnes pages dans leurs écrits, quelques bonnes critiques, quelques bonnes analyses, j’étais obligé, en les comparant avec celles des antilibéraux, de reconnaître leur médiocrité et leur insuffisance. Quant à la solution, j’en arrivais à me demander s’ils n’étaient pas complices de l’ennemi après avoir fait disparaître et oublier les bons (7). Au lieu de combattre au niveau des principes, de refuser ceux de l’Adversaire, d’enseigner les nôtres, on ne s’en prend qu’aux mauvais effets des mauvais principes. C’est un combat qui ne va que de défaites en défaites. C’est un combat sans issue qui amène au désespoir.

Mais, entre temps, j’avais perdu de nombreuses années au risque même de passer à côté de la vérité, comme ce fut, pour beaucoup de ma génération, la triste fin. Je dois aux Exercices de ne pas m’être découragé, de n’avoir pas abandonné cette recherche de la Vérité et d’avoir redécouvert toutes ces références.

Ma critique va plus loin encore. Il est évident que Madiran n’est pas un praticien des Exercices. Il ne connaît pas aussi les Trois classes d’hommes, surtout la deuxième (8) celle qui ne va jamais au cœur des problèmes. Il répétait sans arrêt : rendez-nous l’Écriture Sainte, le catéchisme catholique, la messe traditionnelle. Apparemment beau programme encore.

Eh bien : NON. Là encore, voie de garage. Le problème fondamental n’est pas là. Ce sont des questions graves, importantes, mais LE PROBLÈME CAPITAL EST LA FOI. Cette secte conciliaire enseigne une autre Foi : et donc elle ne peut être l’Église Catholique. Cela ne fut pas dit. Pas un mot sur leur péché : aller contre la vérité connue, péché contre le Saint-Esprit, péché irrémissible. Ce constat, cette déclaration, auraient été faits, tout le combat aurait changé. On aurait du leur dire : vous n’êtes pas catholiques, vous êtes les ennemis des catholiques, vous êtes de l’Adversaire. C’était évident. Au lieu de nous bloquer sur le concile pastoral, au lieu de reprendre les thèses jansénistes sur les Papes qui ont failli dans le passé (Honorius ou Libère), au lieu de nous empêcher de rompre, nous laissant toujours dans l’espérance d’arrangements ultérieurs, il aurait fallu aller à l’essentiel : tout refuser de ce concile, foi, catéchisme, sacrements, dogmes, hiérarchie, évêques, papes, etc. et attaquer. Conscient de la révolution qui s’opérait, il aurait du nous faire combattre comme les vrais croyants de 1789. Dans le n° 183 de mars 1974, faisant une recension du livre de Mgr Lefebvre Un évêque parle, il cite pourtant les attaques les plus sévères : La messe (nouvelle) ne sera plus valide, les déviations conciliaires ont attiré sur nous la malédiction divine, c’est le Concile qui est à l’origine de tout cela, etc. Au lieu du : Très Saint Père, rendez-nous… il ne fallait pas composer avec la vérité. Madiran et ses amis n’ont jamais rien obtenu, n’auraient peut-être rien obtenu de plus, mais ils seraient restés catholiques. Obstiné dans leur erreur, ils ont fini par apostasier : avec ses amis ils finissent conciliaires, c’est-à-dire œcuméniques et charismatiques. Ils ont perdu la Foi. On peut craindre pour leur vie éternelle.

Madiran_Benoit16

Madiran n’a toujours formé que des gens de la deuxième classe d’hommes. Dans la médiocrité actuelle ils passent pour savants et sages. Quand on connaît bien l’École Antilibérale, ce ne sont que des insuffisants (comme Maurras). Très influent sur toute ma génération on ne retrouve, surtout chez les clercs, que des hommes de la deuxième classe.

Trop attaché aux biens intermédiaires (comme sa clientèle bourgeoise), pas assez attentif aux fins dernières, sa notion de bien commun n’est pas assez précise. Le vrai bien commun, c’est ce qui a pour fin le salut des âmes, le salut du plus grand nombre. Il est évident alors que la fin de la démo(n)cratie est la damnation du plus grand nombre. C’est un enseignement qui lui est absolument étranger. C’est pourtant primordial. C’est un aveugle conduisant des aveugles.

L’abbé Aulagnier, grand admirateur de Madiran, qui avec ses mauvais choix sera jugé comme le fossoyeur de la Tradition (9), lui aussi aveugle conduisant des aveugles, reprend les mêmes erreurs : parler, combattre pour la messe, passant à côté de l’essentiel, la Foi. Comme ma génération a été déformée par Madiran, un des grands responsables des défaillances actuelles, on reprend Madiran pour déformer la nouvelle génération. Quand donc comprendra-t-on ? Quand donc réfléchira-t-on ?

 

Voici l’indispensable à retenir. Il est temps, grand temps, de dénoncer ces faux maîtres qui ont conduit leurs troupeaux à l’apostasie. Il est temps, grand temps de faire découvrir les vrais, d’autant plus que maintenant les principaux ouvrages sont disponibles aux Éditions Saint-Rémi.

Prions le Christ, Roi de France, pour que Son règne arrive ; prions la très Sainte Vierge Marie, Reine de France, qu’elle nous garde dans une Foi ferme et pure, pour mériter de vivre une éternité à adorer la Très Sainte Trinité.

Prions pour obtenir la conversion profonde du petit nombre annoncé par le vénérable Holzhauser ou Mgr Lémann, cette petite phalange des Amis de la Croix prophétisée par saint Louis-Marie Grignion de Montfort.

Louis-Hubert Remy, le 8 décembre 2001

* * *

Et prions aussi maintenant pour le repos de son âme…

Que par la miséricorde de Dieu, les âmes des fidèles trépassés reposent en paix.

 


[1] J’avoue que la seconde génération de la Tradition me fait pitié quand je vois l’inculture de ces jeunes. Il est vrai que lorsqu’on compare les revues d’aujourd’hui avec celles d’hier, en particulier Fideliter, on comprend pourquoi devant une telle médiocrité la seconde génération de la Tradition ne peut pas se convertir (le comble étant le livre immonde Le Dieu mortel de l’abbé Célier, ses études sur la Gnose élaborées en compagnie de l’abbé de Tanouarn, sans oublier la médiocrité des éditions Clovis). On est scandalisé de voir que de tels prêtres ne soient pas sanctionnés et de constater que les supérieurs laissent polluer, déformer, détruire quantité de jeunes qui leur sont confiés. Malheur des temps !

Dans les écoles de la Tradition, chez les filles comme chez les garçons, on n’a formé que des médiocres, des prétentieux, des matérialistes, des mondains, des libéraux. Adeptes de la télé et de la vidéo, ils ne lisent plus et sont incapables de justifier leurs choix. Même l’abbé Delagneau, qui dans ses retraites a les meilleurs, est obligé d’en convenir. Le plus grave, c’est que si une génération n’est pas enseignée, les générations suivantes sont perdues : la Tradition est condamnée à plus ou moins long terme. Que de châtiments en vue !

L’ennemi le savait bien en imposant dans les séminaires des professeurs à la philosophie douteuse, à la culture insuffisante, refusant d’étudier la démonologie, les ennemis, les causes des châtiments, le complot… Un sel affadi n’a pu que donner des clercs, des prieurés, des chapelles, des écoles de plus en plus affadis, où les paresseux (et donc prétentieux, car seule la science acquise au contact des anciens permet d’intégrer l’humilité) foisonnent, d’où le résultat actuel. Depuis 25 ans d’Université saint Pie X, on n’a pas encore vue émerger une seule personnalité d’envergure !

Tout disparaîtra inévitablement. Châtiment pour ces jeunes clercs trop souvent activistes, modernistes, orgueilleux et prétentieux. On a même l’impression qu’ils ne méditent pas.

[2] Madame de La Franquerie, son épouse, en a confié la réédition aux Ed. Saint-Rémi, BP 79, 33410 Cadillac.

[3] Un vrai thomiste, le Père Meinvielle, n’hésite pas à écrire : Maritain et ses partisans ont falsifié, au nom de saint Thomas, les principes les plus fermes et les plus indiscutables de la philosophie. Préface de Critique de la conception de Maritain sur la personne humaine. Édité en français et disponible à DPF, BP 1, 86 Chiré. Essentiel.

[4] Le Cardinal Pie employait cette formule, toujours vérifiable : A Paris, tout est mauvais, même les bons.

[5] Le combat des idées est primordial. Avant de faire le procès de Maurras (nous en avons tous les éléments, et que de mensonges nous avons découvert !) il est indispensable de connaître la vérité, occultée depuis plusieurs générations.

[6] A nous, après les avoir sortis du tombeau, de les faire connaître ; ce que nous avons commencé à faire. La tâche est immense et nous recherchons des ouvriers pour nous aider.

[7] Aujourd’hui, après les avoir redécouvert il y a plus de vingt ans, après avoir combattu pour les faire connaître, après les avoir fait rééditer, force est de constater que la conspiration du silence existe toujours. On a même vu se reformer des troupes pour les attaquer ou empêcher qu’on les lise. De quel camp sont ces gens ? Dis-moi quels sont tes ennemis, je saurais qui tu es.

[8] Rappelons que saint Ignace enseigne que la deuxième classe d’hommes ne se sauve pas, ce qui en bon français veut dire : se damne. Terrible. Faites les Exercices pour bien méditer tout cela, bien choisir, bien vivre.

[9] Demander la cassette que j’ai faite après l’édition de son livre La tradition sans peur, et plus particulièrement ce que je pense de l’abbé Aulagnier.

 

Written by Cave Ne Cadas

août 1st, 2013 at 12:59 pm

Posted in Louis-Hubert REMY,Madiran/Arfel,Tradition

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