19991

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SYMBOLISME DE L’APPARITION DE LA SALETTE

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Après Le “secret” donné par la « Belle Dame » à Mélanie Calvat poursuivons toujours avec Maurice CANIONI dans son dernier livre :

 

Dieu Sera Servi et Glorifié

Par Maurice CANIONI

(Extraits)

 

Canioni : Dieu sera servi et glorifié

 

 

 

Symbolisme de l’Apparition de La Salette

Léon Bloy (1)

 

Notre Dame de La Salette en pleursLes trois groupes en bronze qui représentent les trois poses de la Sainte Vierge et les deux bergers sur les lieux de l’Apparition doivent produire sur les âmes naturellement tournées à la contemplation un bien étrange saisissement.

La Vierge d’abord assise et pleurant dans le creux du ravin, puis debout et parlant aux enfants, finit par s’élever dans le Ciel à quelques pas plus loin, à l’entrée du plateau, le visage tourné vers l’Italie, dans son attitude inexprimable de Toute-Puissance suppliante. (2)

L’itinéraire mystérieux de l’Apparition du second au troisième groupe est déterminé par une série de quatorze croix et donne exactement la forme d’un énorme serpent dont la queue plongerait dans le ravin et dont la tête posée sur le rebord du plateau serait écrasée par le groupe triomphant de l’Assomption. Cela est le premier trait et le plus saisissant de ce symbolisme profond de La Salette, symbolisme aussi vaste que le symbolisme de la Passion elle-même dont la Mère douloureuse voulut rallumer le souvenir en ressuscitant notre ferveur.

Mais cette Mère de Dieu dont l’Église chante qu’elle avait été conçue avant les montagnes et les abîmes et avant l’éruption des fontaines (3), cette Cité mystique pleine de peuple, assise dans la solitude et pleurant sans consolation, cette gémissante colombe cachée dans le creux de la pierre (4) et qui ne va dévoiler sa Face aux yeux de ces deux innocents que pour la montrer toute ruisselante de pleurs, voilà ce que toute l’inspiration humaine de la statuaire n’aurait assurément jamais inventé ni découvert. La Reine des Cieux pleurant comme une abandonnée dans ce repli du rocher et ne pouvant presque plus se soutenir à force de douleur après avoir été si forte sur l’autre Montagne ! Quelle surnaturelle conception du rôle de Marie C’est à se traîner devant cette image et c’est là, certes, ce que la France aurait dû faire !

Marie au Calvaire se tient debout pendant l’Agonie de Dieu. À la Salette, elle s’assied comme Agar dans la solitude pour ne pas voir mourir ce second enfant (5) qu’elle appelle son peuple et qu’elle avait enfanté dans l’immolation du premier (6).

Quelle prodigieuse différence ! Au Calvaire, la Splendeur de Marie éclate comme une aurore dans la pourpre du Sang de Son Fils. On dirait qu’elle est là pour représenter la Gloire de Dieu quand Dieu lui-même agonise. Et cela même est tout à fait certain si l’on considère que la Gloire Essentielle est cette profondeur des profondeurs divines, où l’homme coupable peut encore trouver un refuge quand la main du Juge terrible est déjà sur sa tête et que toutes les rigueurs de la Justice vont l’accabler. À La Salette, Marie est seule, sans enfantement nouveau, sans autre splendeur que l’éclat miraculeux de Ses Larmes et, comme Rachel, ne voulant ni ne pouvant être consolée parce que ses Enfants sont menacés de n’être plus.

Notre Dame de La Salette et les deux petits bergersDans ce siècle si lâchement sensuel, il y a une chose qui ressemble presque à une violente passion. C’est la haine de la Douleur, haine si profonde qu’elle arrive à réaliser une sorte d’identité à l’être même de l’homme.

Cette vieille terre qui se couvrait autrefois de croix partout où passaient des hommes et qui germinait, comme dit Isaïe, le signe de notre Rédemption, on la déchire et on la dévaste pour la contraindre à donner le bonheur à la race humaine, à cette ingrate progéniture de la douleur qui ne veut plus souffrir. On veut que la terre, cette créature maudite de Dieu à la chute d’Adam, redevienne un Paradis de volupté désormais arrosé, non plus des quatre fleuves de l’Éden, mais des deux torrents de la concupiscence moderne : le Pactole et le … Rubicon (7).

Pour concourir à cette désirée irrigation, toutes les forces vives, toutes les facultés supérieures de l’homme sont brutalement frappées de réquisition et forcées de s’immoler elles-mêmes sur les autels brûlants du Moloch nouveau dont l’effroyable masque antique s’est légèrement adouci et qui s’appelle maintenant le Progrès indéfini.

Or voici une chose effrayante. Les Chrétiens, ces porphyrogénètes (8), nés dans la pourpre du sang de leur Dieu et qui devraient se considérer comme des fruits de cet arbre des ineffables tortures où le nouvel Adam fut attaché, les Chrétiens, ou du moins la plupart, pensent que la douleur est un simple accident de la vie terrestre, quelquefois utile pour frapper l’imagination des incrédules ou des malfaiteurs, mais tout à fait insupportable et inopportune quand elle vient à tomber sur les bonnes brebis du troupeau. Le mot de saint Paul sur ceux qui n’ont pas souffert n’embarrasse pas ces Chrétiens, pas plus que les textes sapientiaux sur la probation des serviteurs de Dieu. Il leur suffit de croire du haut de leur froideur équilibrée. Ces Chrétiens décident que la souffrance n’est pas nécessaire. La souffrance totale, absolue, inimaginable qui a été nécessaire pour la Rédemption de la totalité du Corps de Jésus-Christ n’est pas nécessaire, à ce qu’il paraît, quelque mitigée qu’on la suppose, pour le salut de chacun de ses membres. Ce que le même saint Paul appelle nettement La Société de la Passion de Jésus et la Configuration à sa mort est assez généralement interprété dans le sens aimable d’une vive sympathie pour des souffrances assurément très attendrissantes et très généreuses, mais qui, après tout, n’étaient pas absolument indispensables, puisque l’Église nous assure qu’une seule goutte du Sang de ce Pélican aurait suffi pour sauver le monde (Hymne Adorote).

L’Église Infaillible dit cela. Mais comment faire comprendre quoi que ce soit à des créatures qui croient pouvoir mesurer une goutte de Sang de Jésus-Christ ?

« Sachez, dit la Bienheureuse Angèle de Foligno, que le livre de Vie n’est autre que Jésus-Christ, Fils de Dieu, et Sagesse du Père, qui a paru pour nous instruire par sa Vie, sa Mort et sa Parole. Sa Vie, que fut-elle ? Elle est le type offert à qui veut le salut ; or, sa vie fut une amère pénitence. La pénitence fut sa société depuis l’heure où dans le Sein de la Vierge très Pure, l’Aine créée de Jésus entra en son corps, jusqu’à l’heure dernière où cette âme sortit de ce corps par la mort la plus cruelle. La Pénitence et Jésus ne se quittèrent pas.

« Or, voici la société que le Dieu très haut, dans sa Sagesse, donna en ce monde à son Fils bien-aimé : d’abord la pauvreté parfaite, continuelle, absolue ; ensuite, l’opprobre parfait, continuel, absolu ; enfin, la douleur parfaite, continuelle, absolue.

« Telle fut la société que le Christ choisit sur la terre, pour nous montrer ce qu’il faut aimer, choisir et porter jusqu’à la mort. En tant qu’homme, c’est par cette route qu’il est monté au Ciel ; telle est la route de l’âme vers Dieu ; et il n’y a pas d’autre voie droite. Il est convenable et bon que la route choisie par la tête soit la route choisie par les membres et que la société élue par la tête soit élue par les membres (Pudeat sub spinato capite membrum fieri delicatum, Saint Bernard). (9) »

Assurément, s’il existe quelque chose d’universellement inflexible, c’est cette loi de la souffrance que tout homme porte en soi, juxtaposée à la conscience même de son être, qui préside au développement de sa libre personnalité et qui gouverne si despotiquement son cœur et sa raison, que le monde antique épouvanté, la prenant pour un aveugle Dieu de ses dieux, l’avait adoré sous le nom terrible de Destin.

La simple vérité catholique est qu’il faut absolument souffrir pour être sauvé et ce dernier mot implique une nécessité telle que toute la logique humaine mise au service de la métaphysique la plus transcendante ne saurait en fournir l’idée. L’honneur ayant compromis sa destinée éternelle par ce qu’on appelle le Péché, Dieu veut qu’il entre dans l’Ordre de la rédemption. Dieu le veut infiniment. Alors s’engage une lutte terrible entre le cœur de l’homme qui veut fuir par sa liberté et le Cœur de Dieu qui veut se rendre maitre du cœur de l’homme par sa puissance. On croit assez facilement que Dieu n’a pas besoin de toute sa force pour dompter les hommes. Cette croyance atteste une ignorance singulière et profonde de ce qu’est l’homme et de ce qu’est Dieu par rapport à lui. La Liberté, ce don prodigieux, incompréhensible, inqualifiable, par lequel il nous est donné de vaincre le Père, le Fils et le Saint-Esprit, de tuer le Verbe incarné, de poignarder sept fois l’Immaculée Conception, d’agiter d’un seul mot [Jésus ] tous les esprits créés dans les Cieux et dans les enfers, de retenir la Volonté, la Justice, la Miséricorde, la Pitié de Dieu sur ses Lèvres et de les empêcher d’en descendre sur sa création ; cette ineffable Liberté n’est rien que ceci : le Respect que Dieu a pour nous. Qu’on essaie un peu de se représenter cela : le Respect de Dieu ! Et ce Respect est à un tel point que jamais, depuis la loi de grâce, Il n’a parlé aux hommes avec une autorité absolue, mais au contraire avec la timidité, la douceur et je dirai même, l’obséquiosité d’un solliciteur indigent qu’aucun dégoût ne serait capable de rebuter. Par un décret très mystérieux et très inconcevable de sa volonté éternelle, Dieu semble s’être condamné jusqu’à la fin des temps à n’exercer sur l’homme aucun droit immédiat de maitre à serviteur, ni de roi à sujet. S’il veut nous avoir, il faut qu’il nous séduise, car si sa Majesté ne nous plaît pas, nous pouvons le rejeter de notre présence, la faire souffleter, fouetter et crucifier aux applaudissements de la plus vile canaille. Il ne se défendra pas par sa puissance mais seulement par sa patience et par sa beauté et c’est ici le combat terrible dont je parlais tout à l’heure.

Notre Dame de La SaletteEntre l’homme revêtu involontairement de sa liberté et Dieu volontairement dépouillé de sa puissance, l’antagonisme est normal, l’attaque et la résistance s’équilibrent raisonnablement et ce perpétuel combat de la nature humaine contre Dieu est la fontaine jaillissante de l’inépuisable Douleur. « La Douleur ! Voilà donc le grand mot ! Voilà la solution de toute vie humaine sur la terre ! Le tremplin de toutes les supériorités, le crible de tous les mérites, le critérium infaillible de toutes les beautés morales ! On ne veut absolument pas comprendre que la douleur est nécessaire. Ceux qui disent que la douleur est utile n’y comprennent rien. L’utilité suppose toujours quelque chose d’adjectif et de contingent et la douleur est nécessaire. Elle est l’axe vertébral, l’essence même de la vie morale. L’amour se reconnait à ce signe et quand ce signe lui manque, l’amour n’est qu’une prostitution de la force ou de la beauté. Je dis que quelqu’un m’aime lorsque ce quelqu’un accepte de souffrir par moi et pour moi. Autrement ce quelqu’un qui prétend m’aimer n’est qu’un usurier sentimental qui veut installer son vil négoce dans mon cœur. Une âme fière et généreuse recherche la douleur avec emportement, avec délire. (10) Lorsqu’une épine le blesse, elle appuie sur cette épine pour ne rien perdre de la volupté d’amour qu’elle peut lui donner en la déchirant plus profondément. Notre Sauveur Jésus, Lui, a tellement souffert pour nous qu’il a fallu très certainement qu’il se fit un accommodement entre son Père et Lui, pour qu’il nous fût permis, dans la suite, de parler seulement de sa Passion et pour que la simple mention de ce fait ne fût pas un blasphème d’une énormité à faire tomber le monde en poussière.

Eh bien ! Nous sommes quoi ! Seigneur Dieu ! Les MEMBRES de Jésus-Christ Les membres mêmes ! Notre misère inénarrable est de prendre sans cesse pour des figures ou des symboles inanimés les énonciations les plus claires et les plus vivantes de l’Écriture. Nous croyons mais non pas substantiellement. Ah ! Les paroles de l’Esprit-Saint devraient entrer et se couler dans nos âmes comme du plomb fondu dans la gueule d’un parricide ou d’un blasphémateur ! Nous ne comprenons pas que nous sommes les Membres de l’Homme de Douleur, de l’Homme qui n’est Joie, Amour, Vérité, Beauté, Lumière et Vie suprêmes que parce qu’il est l’Amant éternellement éperdu de la suprême Douleur, le Pèlerin du dernier supplice, accouru pour l’endurer à travers l’infini, du fond de l’éternité et sur la tête de qui se sont amoncelés en une unité effroyablement tragique de temps, de lieu et de personne, tous les éléments de torture amassés dans chacun des actes humains accomplis dans la durée de chaque seconde, sur toute la surface de la terre, pendant soixante siècles !!!

Les Saints ont vu que la seule révélation d’une seule minute de la souffrance de l’enfer serait capable de foudroyer le genre humain, de dissoudre le diamant et d’éteindre le soleil. Or, voici ce que déduit la raison toute seule, la plus débile raison qui puisse palpiter sous la lumière divine :

Toutes les souffrances accumulées de l’enfer pendant toute l’éternité sont en présence de la douleur d’une seule seconde de la Passion comme si elles n’étaient pas, parce que Jésus souffre dans l’Amour et que les damnés souffrent dans la Haine ; parce que la douleur des damnés est finie et que la douleur de Jésus est infinie ; parce qu’enfin, s’il était possible de croire que quelque excès a manqué à la douleur du Fils de Dieu, il serait également possible de croire que quelque excès a manqué à son Amour, ce qui est évidemment absurde et blasphématoire puisqu’Il est l’Amour lui-même.

Nous pouvons partir de là pour mesurer toutes choses. En nous déclarant Membres de Jésus-Christ, l’Esprit-Saint nous a revêtus de la dignité de rédempteurs et lorsque nous refusons de souffrir, nous sommes exactement des simoniaques et des prévaricateurs. Nous sommes faits pour cela et pour cela seul. (11) Lorsque nous versons notre sang, c’est sur le calvaire qu’il coule et de là sur toute la terre. Malheur à nous par conséquent, si c’est un sang empoisonné ! Lorsque nous versons nos larmes qui sont « le sang de nos âmes », c’est sur le Cœur de la Vierge qu’elle tombent et de là sur tous les cœurs vivants. Notre qualité de Membres de Jésus-Christ et de fils de Marie, nous a faits si grands que nous pouvons noyer le monde dans nos larmes. Malheur donc et trois fois malheur sur nous si ce sont des larmes empoisonnées ! (12) Tout en nous est identique à Jésus-Christ à qui nous sommes naturellement et surnaturellement configurés. Lors donc que nous refusons une souffrance, nous adultérons autant qu’il est en nous, notre propre essence, nous faisons entrer dans la Chair même et jusque dans l’Aine de notre Chef, un élément profanateur qu’il lui faut ensuite expulser de Lui-même et de tous ses Membres par un redoublement de tortures. (13)

Le collier de Notre Dame de La SaletteTout cela est-il bien clair ? Je n’en sais rien, Le fond de ma pensée est que dans ce monde en chute, toute joie éclate dans l’ordre naturel et toute douleur dans l’ordre divin. En attendant les assises de Josaphat, en attendant que tout se consomme, l’exilé du Paradis ne peut prétendre qu’au seul bonheur de souffrir pour Dieu.

La généalogie des vertus chrétiennes a poussé ses premières tiges dans la Sueur de Gethsémani et dans le Sang du Calvaire. Saint Paul nous crie que nous ne devons connaître que Jésus Crucifié et nous ne voulons pas le croire. Nous oublions sans cesse que nous n’avons qu’un seul Type pour tout concevoir et pour tout expliquer dans la vie morale, et ce Type, c’est la Douleur même, l’essence divinement condensé dans toute douleur imaginable et inimaginable, contenue dans le vase humain le plus précieux que la Sagesse éternelle ait jamais pu concevoir et former. Le point de vue qui doit tout embrasser et tout résumer à la fin dans les trois ordres de nature, de grâce et de gloire, est d’une simplicité absolue et presque monotone à force de sublimité : la Pureté même, c’est l’Homme de Douleur ; la haut de cette montagne symbolisée, à ce qu’il semble, par la montagne de la Tentation, on découvre tous les empires, c’est-à-dire toutes les vertus morales, invisibles de tout autre point et l’Amour seul, le grand, le passionné, le ravissant Amour peut donner des forces pour y parvenir. La patience même, c’est l’Homme de Douleur ; la Beauté, la force infinies, c’est l’Homme de Douleur ; l’Humilité qui est le plus insondable des abîmes et la Douceur, plus vaste que le Pacifique, c’est encore Lui ; la Voie, la Vérité, la Vie, la Résurrection, c’est toujours Lui ; omnia in ipso constant.

Les saints ont recherché la Société de la Passion de Jésus. Ils ont cru la Parole du Maître quand Il dit que celui-là possède le plus grand amour qui donne sa vie pour ses amis. Dans tous les temps, les âmes ardentes et magnifiques ont cru que pour en faire assez, il fallait absolument en faire trop et que c’était ainsi que l’on ravissait le royaume des cieux. Mais le très profond enseignement des souffrances de Jésus-Christ marqué par le marteau et les tenailles de La Salette, c’est-à-dire par les instruments du Crucifiement et de la Descente de la Croix, ce rudiment authentique de la Folie Sainte n’avait pas encore été donné au monde aussi ostensiblement. Il fallait pour cela la Mère, la Mère aux Sept Glaives, Celle qui représente la Gloire de Dieu et en qui Dieu habite et on sait comment elle est venue. Seule, assise sur cette pierre mystérieusement préparée qui fait penser à l’autre Pierre sur qui repose l’Église, le sein chargé des instruments de torture de Son Enfant et pleurant comme on n’avait pas pleuré depuis deux mille ans : « Depuis que je souffre pour vous qui n’en faites pas cas », dit-elle.

Qu’on se représente cette Mère Douloureuse restant assise sur cette pierre, continuant de sangloter dans ce ravin et ne se levant jamais, jusqu’à la fin du monde ! On aura ainsi quelque idée de ce qui subsiste éternellement sous l’œil de Celui dont Elle est la Mère et pour lui nulle chose n’est passée ni future. Qu’on essaie ensuite de mesurer la puissance de cette perpétuelle clameur d’une telle Mère à un Tel Fils et en même temps l’indignation absolument ineffable d’un tel Fils contre les auteurs des larmes d’une telle Mère !

En attendant que tout se consomme, tout ce qu’on pourrait dire ou écrire sur ce sujet est exactement au-dessous de rien.

Procession à La Salette

 

 

 

Source du livre : https://books.google.fr/books?id=R8MnCQAAQBAJ&dq=%C3%89dition++++AEMC&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 

À suivre…

 

 


[1] Écrivain véhément, douloureux, exaspéré par l’apathie de nombre de ses contemporains et la dérive de trop de clercs, Léon Bloy, fut souvent assez vivement critiqué pour sa plume acérée, quoique d’incontestable talent. Il défendit ardemment l’Apparition de La Salette (Celle qui pleure).

La profondeur de sa méditation sur le Symbolisme de l’Apparition de La Salette, est remarquable par son souffle mystique, édifiante et tout à fait orthodoxe, encore que l’on eût préféré pour titre Enseignement de l’Apparition au lieu de Symbolisme, lequel concerne l’aspect extérieur du Miracle plusieurs expressions claquent comme les coups de fouet d’un prophète. Certains passages nécessiteront un commentaire qui sera placé en note de bas de page.

Nous retranscrivons le chapitre II qui nous paraît propre à secouer quelque torpeur et à rappeler que la croix est la seule clé qui ouvre le Ciel, la croix par Amour ou, comme dit Mélanie » « Le cœur à la Croix et la Croix dans le cœur. »

NDLR du CatholicaPedia Blog : Ce livre et cet auteur (Léon Bloy) ne fait pas l’unanimité ! loin de là…

Raymond Barbeau

Raymond Barbeau

Un contemporain de Léon Bloy, Raymond Barbeau écrivait un livre intitulé « Un prophète luciférien, Léon Bloy » dont Henri Desroche fait cette rubrique dans : « Archives de sociologie des religions ». N. 5, pp. 171-172.

Barbeau

 

 

83                                  BARBEAU (Raymond).

Un prophète luciférien, Léon Bloy. Paris, Aubier, 1957, 287 p.

Sous le titre « Le secret de Léon Bloy, para­elétiste luciférien », R. B. avait présenté en Sorbonne une thèse dont on pouvait déjà lire à la Bibliothèque un exemplaire dactylogra­phié. C’est une partie majeure de ce texte qui se trouve publiée ici sous un titre modifié… l’auteur renvoyant pour le reste à une publi­cation ultérieure à laquelle s’ajouteraient deux études de luciférisme comparé (E. Levi et H.P. Blavatsky) (p. 14) et (p. 281), une étude documentaire critique sur la transformation posthume de L. Bloy par sa postérité litté­raire.

Quant à cette documentation promise, on la souhaitera d’autant plus décisive que, indubitablement, l’œuvre de Léon Bloy a fait l’objet d’une sublimation subtile. Faut-il parler de « l’aveuglement général » de ceux qui consacrèrent de leur autorité — en les cou­vrant — les erreurs du message bloyen et dont R. B. offre un trop rapide et trop peu méthodique échantillonnage (pp. 13-14) ? L’auteur ne peut pas ne pas opter pour l’affirmative, car pour lui les choses sont finalement simples. Le fameux « secret » de Léon Bloy n’est autre que l’identification du Paraclet à Lucifer : Apôtre du Troisième Âge, Léon Bloy n’en a pas seulement escompté l’imminence, il en a pronostiqué sournoisement l’immanence, une immanence qui fait sortir de l’Antéchrist le Christ, du Maudit le Béni, du Damné l’Élu, du Diable le Bon Dieu. C’est cette révélation que Bloy aurait pour­suivie à travers toutes les figures historiques qui jalonnent son œuvre : « Christophe Colomb, les Juifs, Naundorff, Napoléon, Jeanne d’Arc. La France avait partie liée avec le Proscrit, le Débauché, le Damné, l’Excommunié, la Perdu, le Luxurieux, l’Antéchrist, pseudo­nymes dont Bloy affublait son Saint Es­prit » (p. 11).

On peut estimer ce coup de boutoir salu­taire. Il n’est pas décisif et pour plusieurs raisons dont l’absence, fût-elle provisoire, d’une documentation critique n’est que la première. L’auteur tout en se déclarant disposé à rectifier ses « erreurs involontaires » ajoute : « nous tiendrons toutefois pour nulles les origines ou les menaces de damnation éternelle, comme celles que nous avons reçues ». La proclamation est significative du plan où ne devrait pas se placer le débat, mais où pourtant R. B. tend à la maintenir pour son compte à l’endroit de ses adversaires « bloyens, bloyistes, bloyaudiens ou bloyolâtres » (p. 19). Sa réduction de L. B. en personnage démoniaque est une contre-partie assez exacte de la subli­mation du même L. B. en archange de l’ortho­doxie. La première s’appuie sur des faits comme le millénarisme paraclétiste de Bloy et ses démarches à Paris ou à la Salette pen­dant les grandes années 1878-1882 ; R. B. a le mérite de les exhumer des circonlocutions allusives. Mais la seconde s’appuie également sur des faits comme les pratiques religieuses du dévôt et la fécondité assez claire de son œuvre de convertisseur.

Mais ces faits pris ensemble ne justifient une interprétation manichéenne ni dans un sens ni dans l’autre. Il y a en Léon Bloy assez de lumière et assez de ténèbres pour ne pas être annexé à l’un quelconque des deux Royaumes, quel que soit le point où se situe le clivage. Toutes les questions dès lors se nouent autour de son millénarisme intempestif et ambigu, questions d’autant plus importantes que le personnage demeure le centre d’une constel­lation (Tardif de Moidrey, Huysmans p. ex.) où s’origine un renouveau catholique du monde littéraire français. R. B. accuse les fils de ce Noé d’avoir jeté le voile sur l’ivresse prophétique de leur père. Il a, je crois, raison. Mais l’interprétation de cette même ivresse par un diabolus ex machina (Léon Bloy victime du séducteur, p. 281) n’est-elle pas encore un autre voile dont on a seulement changé la couleur ?

H. D.

 

 

[2] Lire Appendice 3 : La Toute-Puissance suppliante.

[3] Prou. VIII 24 et 25. Office de l’Immaculée Conception.

[4] Cant. II, 14.

[5] Gen. XXI, 16.

[6] Philip. III, 10.

[7] L’argent et le sexe, la fuite systématique des difficultés et la douceur de vivre, l’orgueil intellectuel et l’infidélité.

[8] Porphyrogénète « né dans la Porphyra » (chambre de la Pourpre), épithète des empereurs byzantins nés d’un père régnant au moment de leur naissance. Dans l’antiquité et jusqu’au début de l’ère chrétienne, la pourpre était une étoffe de grand prix. L’Église a fait de la pourpre le symbole du cardinalat.

[9] Le Livre des visions et instructions.

[10] Abbé J-B Aubry « Ne trouvez-vous pas, qu’il y a une sorte de volupté dans les plus délicats sacrifices, quand on sait leur valeur, la compensation que Dieu leur donne et les ravissantes espérances qu’il nous présente, au milieu et en raison même de nos larmes ? » (p. 357). Padre Pio « La douleur a été aimée avec volupté par les grandes âmes. C’est elle qui est l’auxiliaire de la création après la mésaventure de la chute ; c’est elle qui est le levier le plus puissant pour nous relever ; c’est elle qui est le second bras de l’Amour infini pour notre génération. » Sainte Thérèse d’Avila : « Ou souffrir ou mourir ! ». Saint L-M Grignion de Montfort : « Pas de croix, quelle croix ! » Francisco Marto : « Oui [je souffre beaucoup], mais ça ne fait rien. Je souffre pour consoler Notre-Seigneur. Je voudrais souffrir davantage, mais je ne peux pas. » [11 ans !]. Jacinta Marto : « J’aime tellement souffrir pour leur amour (de Jésus et Marie] et pour leur faire plaisir ! Ils aiment beaucoup ceux qui souffrent pour la conversion des pécheurs. […] Ô mon Jésus, je vous aime, et je veux souffrir beaucoup pour votre amour. [10 ans !] »

[11] Dans notre état de déchéance, il y a l’attrait du fruit défendu, l’aversion pour le devoir pénible et conséquemment, les déchirements de la lutte. Nous avons besoin d’être purifiés, détachés, enrichis, guéris de l’orgueil par les humiliations, de la sensualité par la souffrance et la privation. Si nous ne passons pas par ce creuset, point de ciel à espérer. Il est vrai que l’onction de la grâce adoucit la souffrance et la vertu affermit la volonté. Saint Augustin le déclare : « Là où règne l’amour, il n’y a pas de peine ; ou bien, si la peine existe, on l’aime. » (De Bono vid., c. XXI) Notre divin Modèle, Notre-Seigneur, s’est offert à son Père pour être la victime universelle ; sa vie entière fut croix et martyre. Le chrétien complète en sa chair ce qui manque à la passion du Christ.

[12] La solidarité dans le mal, dans l’erreur, dans le péché et dans la damnation repose, selon Louis Jugnet, sur une « symétrie supposée et parfaitement fausse entre l’ontologie de l’être et du néant, du bien et du mal [qui indique que] la métaphysique naturelle est indispensable à l’orthodoxie religieuse » (L’œuvre étrange de Léon Bloy, “Le Sel de la terre” n° 52). Cependant, Léon Bloy se souvient que le péché originel se transmet nécessairement de génération en génération, et que sans la Rédemption le genre humain tout entier aurait été condamné par la faute du premier couple. « Si la foi nous révèle en effet la communion des saints et la réversibilité des mérites, l’inverse est également vrai et nous pouvons constater tous les jours la communion des coupables sous l’égide de Satan et la réversibilité des fautes. De même que l’eau aspirée dans les océans et dans les fleuves par le soleil retombe sur la terre en pluie et en neige, de même retombent non seulement sur ceux qui les commettent, mais aussi sur ceux qui les tolèrent, et cela même sous la forme matérielle d’explosifs et de ruines, les erreurs, les méprises et les forfaits. » (De la Bigne de Villeneuve, Satan dans la cité, p. 138). L’atavisme n’est-il pas aussi la tendance des vivants à reproduire, même inconsciemment, les inclinations bonnes ou mauvaises de leurs ascendants ? Peut-on reprocher à L. Bloy un « équipement conceptuel insuffisant » (Jugnet) et des outrances rhétoriques, sans blesser le docte et habituellement si modéré Bourdaloue quand il s’écriait : « L’abomination de la désolation dans notre misère, c’est qu’au lieu que la grâce, qui sanctifia la Conception de Marie, a parfaitement et absolument triomphé dans sa personne du péché originel, nous, au contraire, malgré la grâce du baptême, qui efface en nous ce péché, par un dernier désordre qui ne peut être attribué qu’à la dépravation de notre cœur, nous suscitons encore tous les jours dans le christianisme, si j’ose ainsi m’exprimer, de nouveaux péchés originels, pires que le premier, et d’une conséquence pour nous plus pernicieuse. Qu’est-ce à dire, nouveaux péchés originels ? C’est-à-dire, certains péchés dont nous sommes les auteurs, et qui, par une fatale propagation, se communiquant et se répandant passent de nos personnes dans celles des autres. J’appelle péchés originels, ces péchés de scandale contre lesquels le Fils de Dieu a prononcé dans l’Évangile de si foudroyants anathèmes… » (Conférence sur la Conception de la Vierge, Œuvres complètes, T. 9, p. 20-21, Méquignon-Havard, Paris, 1825).

[13] Que veut dire exactement Léon Bloy ? Le refus et la révolte augmentent la mortelle tristesse dans l’âme du Sauveur et Le blessent au Cœur par l’infidélité, l’ingratitude et la défiance. Il est vrai que notre Sauveur ne s’est épargné aucune souffrance pour ramener la brebis perdue. Padre Pio disait : « Les âmes ne se donnent pas : elles s’achètent. Vous autres, vous ignorez ce qu’elles coûtèrent à Jésus. Or, c’est toujours avec la même monnaie qu’il faut les payer. »

 

 

La soi-disant prédiction du Père Amorth : Nouvelles du “Père” Nicholas Gruner…

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Le “Père” Nicholas Gruner, ardent propagateur des messages de Fatima, spécialement du troisième secret de Fatima et de la Consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, est décédé subitement (d’une crise cardiaque alors qu’il travaillait dans son bureau du Fatima Center) le 29 avril 2015. Peu de temps avant sa mort et au retour d’un séjour à Rome, il envoya, le 12 mars 2015, un dernier courrier à ses abonnés :

Nicholas Nightingale Gruner[…] Je reviens de Rome où je suis allé assister en février à l’installation des nouveaux cardinaux. Mais pendant que je m’y trouvais, quelque chose d’inattendu se produisit – quelque chose qui fit trembler mon âme ! – chose à laquelle je ne m’attendais pas !

J’ai parlé avec le Père Gabriel Amorth, chef exorciste de la cité du Vatican et du diocèse de Rome depuis 1986, l’exorciste le plus célèbre du monde, et ses paroles me secouèrent comme peu de choses ne l’ont jamais fait auparavant !

Le Père Amorth m’a dit que nous bénéficions encore d’un temps très court avant les châtiments annoncés par Notre Dame de Fatima. Ils commenceront à déchirer notre monde de manière que nous pouvons à peine imaginer !

Dans combien de temps : Moins de 8 mois !

Le Père Gabriel Amorth m’a dit qu’à moins que la consécration de la Russie ne soit faite – comme Notre Dame l’a demandé ! – avant fin Octobre 2015, les sombres prophéties de Fatima pourraient se produire à partir de ce moment !

Le “Père” Nicholas Gruner est un de « laïcs déguisés en prêtres » qui ayant été « ordonné » dans le nouveau rite selon la réforme de Pontificalis Romani du 18 juin 1968 et qui se croyant « prêtre » a toujours trompé ses « fidèles’…

Nicholas Gruner (4 Mai 1942 – 29 Avril 2015), fondateur et Directeur de la Croisade Internationale du Rosaire de Fatima, avait 73 ans ; il était né à Montréal, Canada. Bachelier de l’université de McGill, il a fait ses études de docteur de la théologie à l’Université Pontificale de St.Thomas Aquinas à Rome (l’Angelicum) où il a obtenu une licence en Théologie Sacrée (S T L) avec mention honorable. Il a été « ordonné » par Mgr Pasquale Venezia (vrai évêque de l’Église catholique ayant apostasié lors du conciliabule Vatican d’Eux) au sanctuaire de Notre Dame de Bon Conseil à Frigento en Italie en août 1976.

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Lou Ravi de la crèche : il y a eu méprise sur la personne

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Lou Ravi de la crèche :
…il y a eu méprise sur la personne

Publié le mardi 25 décembre 2012 à 10H57 par LaProvence.com

L’un des santons provençaux les plus populaires n’était pas, à l’origine, le benêt de la crèche. Un malentendu entretenu par certaines pastorales et amplifié par Mistral.

 Lou-Ravi

Une version de “Lou ravi”, moins fada que ce que l’on croit, conservée au musée du terroir marseillais.

Photo Guillaume Ruoppolo

Les bras levés, il est le santon d’argile le plus heureux de la naissance de l’enfant Jésus. Positivement Ra-vi ! Une présence joyeuse qui lui vaut d’être avant chaque Noël, placé parmi les premiers dans la crèche familiale. Certains pensent même qu’il porte bonheur. Tout le monde s’accorde à voir en lui un gentil fada, désigné comme le premier des idiots du village, avec son sourire à la Paul Préboist éternellement dessiné sous son bonnet trop enfoncé. Souvenez-vous de la chanson de Tino Rossi écrite en 1935 par René Sarvil : « Dans une boîte en carton sommeillent les petits santons. Le berger le rémouleur et l’Enfant Jésus rédempteur. Le Ravi qui le suit est toujours ravi. » Mais il y a peut-être erreur sur la personne.

Au tout début du XVIIIe siècle, le Marseillais Jean-Louis Lagnel, “figuriste” de son état, réinvente l’art du santon. Depuis la Révolution qui a temporairement fermé les églises à partir de 1794, le marché des crèches domestiques est en plein boum. Les enfants ne sont plus seuls à reproduire la scène de la nativité en miniature. Toute la famille s’y attelle. Lagnel est le premier à leur proposer des santouns en argile (petits saints en Provençal). Au premier cercle sacré (Marie et Joseph, Jésus et les rois mages), il ajoute des dizaines de personnages contemporains à son siècle, villageois, paysans et artisans.

Dans ce petit monde de Lagnel, apparaissent à la fenêtre un Ravi… et une Ravie, tous deux bras tendus vers le ciel. Pour l’historien Régis Bertrand, auteur de Crèches et santons de Provence (Éditions Barthélémy), « cela correspond à une gestuelle ancienne dont le sens et même la pratique ont presque disparu. Ou plutôt s’est métamorphosée : car j’ai noté une certaine tendance à la reprendre en écartant les bras dans le cas d’embrassements pour poser les mains sur les épaules de la personne que l’on embrasse. Or ces embrassements publics, extra-familiaux, se sont considérablement développés en trente ans ».

Sur le site internet de l’Évêché de Marseille, Pierre Gérard, prêtre de Marseille, confirme : « Le ravi, on le connaît très mal. Souvent on croit qu’il passait son temps les bras en l’air et que c’était l’idiot du village… Pas du tout ! »

Le Ravi est surpris mais ce n’est pas un couillon

Le Ravi est surpris mais ce n’est pas un couillon. En 1841, l’écrivain Joseph Désanat évoque « l’illustre Ravi, grandiose et superbe, les bras dressés au ciel, type des étonnés ». Lachamp voit alors en lui un santon qui « résume en sa personne l’admiration pieuse de tous les autres santons et qui, gênés par les comestibles qu’ils apportent, ne sauraient comme lui tendre les bras vers le ciel ».

Les pastorales, immense succès populaire dès le XIXe siècle, vont lui faire perdre des points de QI. Dans la Pastorale Maurel, Régis Bertrand « pense qu’il a été contaminé à la fois par Roustido, le notable qui apparaît à sa fenêtre en bonnet et chemise de nuit, tout surpris qu’on le réveille et qui à l’annonce de la “grande nouvelle” lève les bras au ciel dans beaucoup de mises en scène et par Jiget, le valet de ferme un peu stupide, qui se trouve avoir un costume assez proche, en particulier un bonnet ». À la fin du XIXe siècle, Mistral enfonce définitivement le clou dans Lou tresor dau Felibrige : « Sèmblo lou ravi de la crecho : il est tout ébahi ».

L’image est restée : dans sa pastorale de 1986, Yvan Audouard parle de lui comme d’un habitant… de Bethléem qui « restait à sa fenêtre, les bras en l’air, en regardant les gens, le ciel, les bêtes, les fleurs, et en disant : “Que le monde est joli ! C’est pas possible qu’il soit aussi joli !” ». Cette posture, inconfortable à la longue, n’est pas toujours bien comprise par les plus jeunes. Signe des temps modernes, Régis Bertrand a même repéré sur un site d’enchères en lignes, un ravi avec le titre : « Haut les mains ! ».

Patrice MAGGIO

LaProvence.com

Source : http://www.laprovence.com/article/actualites/lou-ravi-de-la-creche-il-y-a-eu-meprise-sur-la-personne


 

Ndlr du CatholicaPedia : L’Enfant Jésus dans les bras de « la Bonne Mère » (en provençal : Boueno Mèro) de Marseille, Notre-Dame de la Garde, est la seule représentation à notre connaissance, de Notre Seigneur enfant, avec les deux bras levés :

Lequesne_-_Notre-Dame_De_La_Garde

Eugène Lequesne, Notre-Dame-de-la-Garde, statue en cuivre, 1870
6e arrondissement

En 1866, le conseil de fabrique décide d’ouvrir un concours entre trois grands prix de Rome parisiens pour le couronnement de la basilique, une statue de la Vierge de 9 m de hauteur : Charles Gumery (1827-1871) qui travaille alors à la préfecture des Bouches-du-Rhône, Eugène Lequesne (1815-1887) qui œuvre au Palais Longchamp et Aimé Millet (1819-1891) auteur du Versingétorix d’Alésia.

Le 2 août 1866, après une exposition de dix jours au musée, le jury – le maire Bernex, le président du tribunal de grande instance et membre de l’administration du sanctuaire Luce, le directeur de l’école municipale des Beaux-Arts Jeanron, le professeur de sculpture de ladite école Bontoux et l’architecte de l’édifice Espérandieu – juge les esquisses des artistes. La première, de style néogothique, est éliminée ; il en va de même pour la seconde dont l’expression ne paraît pas satisfaisante ; la troisième – celle de Lequesne – est choisie à l’unanimité. Le contrat entre l’administration du sanctuaire et le sculpteur est signé le 3 juin 1867.

La question du matériau fait aussi l’objet d’un vaste débat à l’hiver 1866-1867. Finalement la galvanoplastie – technique récente mise au point en Angleterre – est préférée au cuivre repoussé – technique ancienne ; quant au bronze, trop lourd, il est écarté dès le départ. La réalisation est confiée à la maison Christofle, les 18 et 23 juin 1867. La statue qui mesure en définitive 9,5 m est réalisée en quatre tronçons de cuivre, envoyés tels quels à Marseille.

La statue colossale est installée puis dorée à la feuille d’or pour protéger le cuivre de l’oxydation due à l’air marin. Elle est bénie par Mgr Place, évêque de Marseille, le 24 septembre 1870, ce que rappelle une plaque de marbre scellée à l’intérieur de la sculpture. La réalisation a coûté 63480 francs-or.

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Notre-Dame-de-la-Garde sortant des ateliers Christofle, vers 1870
Carte postale

 

 

 


 

La précédente statue, de 1834, représentait l’Enfant Jésus les bras ouvert :

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Lithographie de Notre-Dame de la Garde vers 1830

Lors de son passage à Marseille en 1823, la duchesse d’Orléans fait un don pour la confection d’une nouvelle statue de la Vierge afin de remplacer celle qui avait été fondue à la Révolution. La commande est passée auprès de l’orfèvre marseillais Jean-Baptiste Chanuel qui termine la statue  cinq ans plus tard en 1834.


http://www.marseille-ancienne.fr/geo_notre_dame_de_la_garde.php

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Le “Joyeux Noël” de Jean-Paul Sartre

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Écrit en 1940 pendant sa captivité en Allemagne, voici un texte de Jean-Paul Sartre sur Noël . Étonnant, non ?

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Le “Joyeux Noël” de Jean-Paul Sartre

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Athée, critique de l’aliénation religieuse… et auteur d’une très belle description de la Nativité. C’est en 1940, alors qu’il est prisonnier en Allemagne que le futur auteur de L’Être et le Néant signe cette « crèche vivante » à la demande de ses compagnons de détention. Cette expérience contribue à faire muer cet individualiste en philosophe de la liberté.

« Mais, comme c’est aujourd’hui Noël, vous avez le droit d’exiger qu’on vous montre la crèche. La voici. Voici la Vierge et voici Joseph et voici l’Enfant Jésus. L’artiste a mis tout son amour dans ce dessin mais vous le trouverez peut-être un peu naïf. Voyez, les personnages ont de beaux atours mais ils sont tout raides : on dirait des marionnettes. Ils n’étaient sûrement pas comme ça. Si vous étiez comme moi dont les yeux sont fermés… Mais écoutez : vous n’avez qu’à fermer les yeux pour m’entendre et je vous dirai comment je les vois au-dedans de moi. La Vierge est pâle et elle regarde l’enfant. Ce qu’il faudrait peindre sur son visage c’est un émerveillement anxieux qui n’a paru qu’une fois sur une figure humaine. Car le Christ est son enfant, la chair de sa chair et le fruit de ses entrailles. Elle l’a porté neuf mois et elle lui donnera le sein et son lait deviendra le sang de Dieu. Et par moments, la tentation est si forte qu’elle oublie qu’il est Dieu. Elle le serre dans ses bras et elle dit : mon petit ! Mais, à d’autres moments, elle demeure tout interdite et elle pense : Dieu est là – et elle se sent prise d’une horreur religieuse pour ce Dieu muet, pour cet enfant terrifiant. Car toutes les mères sont ainsi arrêtées par moments devant ce fragment rebelle de leur chair qu’est leur enfant et elles se sentent en exil à deux pas de cette vie neuve qu’on a faite avec leur vie et qu’habitent des pensées étrangères. Mais aucun enfant n’a été plus cruellement et plus rapidement arraché à sa mère car il est Dieu et il dépasse de tous côtés ce qu’elle peut imaginer. Et c’est une dure épreuve pour une mère d’avoir honte de soi et de sa condition humaine devant son fils. Mais je pense qu’il y a aussi d’autres moments, rapides et glissants, où elle sent à la fois que le Christ est son fils, son petit à elle et qu’il est Dieu. Elle le regarde et elle pense : « Ce Dieu est mon enfant. Cette chair divine est ma chair. Il est fait de moi, il a mes yeux et cette forme de sa bouche c’est la forme de la mienne. Il me ressemble. Il est Dieu et il me ressemble. » Et aucune femme n’a eu de la sorte son Dieu pour elle seule. Un Dieu tout petit qu’on peut prendre dans ses bras et couvrir de baisers, un Dieu tout chaud qui sourit et qui respire, un Dieu qu’on peut toucher et qui vit. Et c’est dans un de ces moments-là que je peindrais Marie, si j’étais peintre, et j’essaierais de rendre l’air de hardiesse tendre et de timidité avec lequel elle avance le doigt pour toucher la douce petite peau de cet enfant-Dieu dont elle sent sur ses genoux le poids tiède et qui lui sourit. Et voilà pour Jésus et pour la Vierge Marie.

Et Joseph ? Joseph, je ne le peindrai pas. Je ne montrerai qu’une ombre au fond de la grange et deux yeux brillants. Car je ne sais que dire de Joseph et Joseph ne sait que dire de lui-même. Il adore et il est heureux d’adorer et il se sent un peu en exil. Je crois qu’il souffre sans se l’avouer. Il souffre parce qu’il voit combien la femme qu’il aime ressemble à Dieu, combien déjà elle est du côté de Dieu. Car Dieu a éclaté comme une bombe dans l’intimité de cette famille. Joseph et Marie sont séparés pour toujours par cet incendie de clarté. Et toute la vie de Joseph, j’imagine, sera pour apprendre à accepter. »

Extrait de Bariona, ou le jeu de la douleur et de l’espoir, de Jean-Paul Sartre, in Théâtre complet, pp. 1163-1165, Pléiade © Éditions Gallimard.

 

sartre1970La Nativité d’un athée

Jean-Paul Sartre, le philosophe de la liberté, athée, auteur d’une description émerveillée de la crèche de Noël et de la nativité du Christ ? On a du mal à le croire. Et pourtant, ce texte est extrait d’une pièce de théâtre, Bariona, ou le jeu de la douleur et de l’espoir, écrite, mise en scène et jouée par Sartre – grimé en Balthazar, le Roi mage ! – en 1940, alors qu’il était prisonnier au Stalag XII-D de Trèves, en Allemagne. À l’approche de Noël, des compagnons de captivité, dont beaucoup sont catholiques, sollicitent Sartre pour qu’il écrive une pièce qui leur redonnerait espoir.

Source : http://www.philomag.com/les-idees/le-joyeux-noel-de-jean-paul-sartre-6448