De l’impossibilité de juger ou de déposer un VRAI PAPE
Si François est un vrai Pape, vous voilà coincés avec !
De l’impossibilité de juger ou de déposer un vrai Pape
(Photographie : Hulton-Deutsch Collection/CORBIS)
Le Pape : il juge tout le monde et n’est jugé par personne
d’après Novus Ordo Watch
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Reconnaître la secte Conciliaire comme étant l’Église catholique ne va pas sans conséquences. Idem pour le fait de croire que Jorge Bergoglio est le Vicaire du Christ bien que ce soit un apostat public. Si Bergoglio est validement Pape, alors aucun pouvoir sur terre ne peut le priver de sa papauté. S’il est vraiment le successeur de Pierre, il peut démissionner volontairement, mais nul ne peut lui ôter son pontificat.
Cette vérité évidente met à mal la position du camp des “R&R” « Reconnaître-tout-en-résistant » (c’est-à-dire les « semi-traditionalistes »), maintenant que François se comporte de manière si évidemment non catholique, nuisant ainsi au catholicisme gravement et aux yeux de tous.
La situation devenant de plus en plus intenable au fil des jours, on entend tout et n’importe quoi : de ridicules pétitions exigeant que François devienne catholique ou démissionne, ou bien encore des appels ouverts à sa destitution par les « évêques » ou les « cardinaux ». Le nouveau livre anti-sédévacantiste True or False Pope? (vrai ou faux Pape ?) de John Salza et Robert Siscoe tente même de fournir une justification théologique pour déposer le Pape et prétend montrer comment cela peut se faire.
Oui, vous avez bien lu : Ceux-là même qui ne cessent de rabâcher qu’on ne peut « juger le Pape » lancent à présent des appels… pour que le « Pape » soit jugé. Tout se passe décidément de façon bizarre dans le Novus Ordo-Land : les sédévacantistes se font vivement réprimander pour « juger le Pape », conscients qu’ils sont que si les enseignements catholiques ont un sens, Jorge Bergoglio ne peut absolument pas être un Pape valide, tandis que ceux qui croient que François est bel et bien un Pape valide peuvent, sans le moindre état d’âme, non seulement le traiter comme l’idiot du village, le contredire, le tourner en dérision et le critiquer à volonté, mais aller jusqu’à exiger que d’autres membres de l’« Église » procèdent à sa destitution, le tout – bien entendu – sans « juger le Pape ». Bienvenue au Far West ! De toute évidence, il est grand temps que nous examinions ce que l’Église catholique enseigne sur la possibilité ou l’impossibilité de juger un Pape validement régnant ou de le « déposer ».
Que signifie « juger le Pape » ?
L’Église catholique enseigne de manière dogmatique que nul n’est autorisé ou apte à juger le Pape. Ainsi en a décidé le Concile du Vatican (1869-70) :
Comme nul ne peut juger le Pape, il est de la plus haute importance de savoir ce que constitue au juste le fait de juger le Pape. Disons-le sans ambages : « juger le Pape », cela ne signifie pas juger du point de savoir si quelqu’un est Pape, car il va de soi que cela équivaudrait à un raisonnement circulaire. Cela signifie placer son propre jugement au-dessus de celui du Pape (reconnu), soit en rejetant la sentence définitive rendue par le Vicaire du Christ sur toute question relevant de la Foi, de la morale ou de la discipline, soit en prétendant rendre ses enseignements, lois ou décisions disciplinaires sujettes à révision ou à validation par quelqu’un d’autre que lui. Le Pape étant la plus haute autorité de l’Église, nul ne peut mettre en question son jugement, faire appel de ce dernier ou l’annuler.
Mais, demandera-t-on, pourquoi nul ne peut juger le Pape ? La réponse est bien simple : au sens strictement canonique du terme, juger est l’apanage d’un supérieur, et le Pape, étant la plus haute autorité de l’Église, n’a aucun supérieur sur terre. C’est pourquoi nul ne peut citer le Pape à comparaître devant un tribunal pour y être soumis à un interrogatoire, et moins encore pour y faire l’objet d’un jugement. Nul n’étant au-dessus du Pape, personne ne peut le juger, pas même l’ensemble des évêques ou des cardinaux, par même l’Église militante tout entière. Et non, ce n’est pas là notre idée, c’est l’enseignement contraignant de l’Église, ainsi que nous allons le voir.
Avant de fournir diverses citations à l’appui de notre position sur la manière dont l’Église comprend son enseignement selon lequel un Pape ne peut être jugé, il nous faut souligner qu’elles ont toutes été délibérément choisies au cours de la période écoulée depuis 1870, c’est-à-dire depuis l’époque du Concile du Vatican, qui a énoncé un important corpus de doctrine catholique au sujet de la papauté et radicalement empêché de soutenir des théories que l’on pouvait encore professer jusqu’alors. Nous nous distinguons en cela des tenants du “R&R” « Reconnaître-tout-en-résistant », notamment MM. Salza et Siscoe, qui avancent en grande partie des idées abandonnées après le Concile Vatican (1870) parce qu’elles ne tenaient plus face aux enseignements de ce Concile — raison pour laquelle presque tous les textes qu’ils invoquent à titre de preuves sont dus à des théologiens et canonistes ayant écrit avant le Concile du Vatican : le Cardinal Thomas Cajetan, le Père Francisco Suarez, Jean de Saint-Thomas, le Père Paul Laymann et d’autres. Or, si ces théories étaient encore valables après Vatican I, comment se fait-il que Salza et Siscoe ne citent jamais aucun théologien ou canoniste du vingtième siècle à leur sujet ?
Le premier concile œcuménique du Vatican, convoqué par Pie IX.
Nous y reviendrons par la suite. Pour l’instant, examinons ce que l’Église enseigne concernant le fait de « juger le Pape ». Tout d’abord, voyons un peu le principe effectivement énoncé dans le Code de Droit Canonique de 1917 : « Prima Sedes a nemine indicatur » (Canon 1556) — « Le premier Siège n’est jugé par personne ». Telle est la version canonique de l’enseignement de Vatican I sur la non-permissibilité de juger le Pape. Qu’est-ce que cela signifie au juste ? Pour bien comprendre ce principe, regardons simplement ce que disent de lui divers commentaires et études catholiques sur le Code de Droit Canonique.
Commençons par le Père Charles Augustine (un Bénédictin, Charles Augustine Bachofen, photo ci-dessus) et par son ouvrage publié en 1921 sous le titre Commentary on the New Code of Canon Law :
Passons maintenant au commentaire bien connu de Woywod et Smith, qui ont ceci à dire sur le Canon 1556 :
Voyons à présent l’explication du Père Sylvester Berry selon laquelle le Canon 1556 ne traite pas d’une simple question disciplinaire sujette à modification, mais exprime effectivement le principe enraciné dans l’immuable loi divine :
Comme le signale le Père Berry, la doctrine selon laquelle le Saint Siège n’est soumis au jugement de personne était déjà professée par saint Robert Bellarmin (1542-1621), dont l’enseignement sur la papauté a été adopté pour l’essentiel – et parfois même textuellement – par le Concile du Vatican. Il est bon de le rappeler à la face de nos opposants, qui aiment tant s’en remettre aux contradicteurs de Bellarmin sur diverses questions relatives à la papauté : Cajetan, Suarez et Jean de Saint-Thomas, qu’ils citent abondamment. C’est pourtant l’enseignement de Bellarmin, et non pas celui des autres, qu’adopta le Concile, et c’est pourtant Bellarmin qui fut canonisé et déclaré Docteur de l’Église, non pas Cajetan, Suarez et Jean de Saint-Thomas. (Il existe certes un saint Cajetan, mais ce n’est pas le cardinal Tommaso de Vio Gaetani, dit Cajetan, dominicain (1469-1534).)
Dans une dissertation sur le Droit Canonique publiée en 1922, le Père Thomas Burke fournit un résumé succinct de la question, assorti de quelques utiles informations complémentaires :
Voilà l’enseignement catholique. Étant d’une logique extrême, il n’est pas difficile à comprendre ou à accepter. En somme, la maxime « nul ne peut juger le Pape » signifie que le Pape n’a pas de supérieur et, par conséquent, que ses enseignements, jugements et décisions sont définitifs et non sujets à révision ou à validation par quiconque. Dans la mesure où telle de ses sentences ou décisions serait en soi modifiable, elle ne pourrait être modifiée que par un successeur qui, bien que n’étant pas supérieur à lui, serait néanmoins son égal. (Ainsi, par exemple, on relève dans l’histoire de l’Église que la suppression de l’ordre des Jésuites ordonnée par le Pape Clément XIV en 1773 a été rapportée par le Pape Pie VII en 1814.)
Jésus remettant à saint Pierre les clés du Paradis
de Jean-Auguste-Dominique Ingres – 1820
Seul le Christ peut juger le Pape !
Maintenant que nous savons avec précision ce que la maxime en question signifie effectivement, il est nécessaire de voir aussi ce que « juger le Pape » ne veut pas dire. On notera que rien dans les références citées ci-dessus ne parle de juger du point de savoir si un prétendant au titre de Souverain Pontife est bel et bien Pape ; car le principe considéré est que nul ne peut juger le Pape, et non pas que nul ne peut juger SI quelqu’un est Pape. Dans le premier cas, il est question du dogme de la papauté, et dans le second de tel individu habilité ou non à être titulaire de la papauté. Le principe qui exempte le Pape de tout jugement ne s’applique donc qu’à tous les titulaires valides de l’office papal et n’a pas la moindre incidence sur ce qui est une question entièrement différente : savoir comment vérifier SI la prétention d’un certain individu à ÊTRE le Pape est justifiée ou non. Cette question-ci est naturellement de la plus haute importance, en particulier pour ce qui concerne la nature et la fonction de la papauté, mais nous réservons son examen approfondi à un futur article de notre blogue.
Au cours des années quatre-vingts, l’apologiste lefebvriste Michael Davies (1936-2004), l’un des hérauts les plus influents de la tendance “R&R” « Reconnaître-tout-en-résistant », a déclaré haut et fort qu’il n’était pas permis de soutenir que Jean-Paul II (qui régnait alors au Vatican) ne fût pas un Pape valide, parce que cela serait revenu à « juger le Pape », chose rigoureusement interdite à un catholique. Dans une critique sévère et exhaustive de Davies, l’auteur sédévacantiste John Daly expose en ces termes l’absurdité d’une telle position :
Il est clair, par conséquent, que l’enseignement ayant force de loi selon lequel nul ne peut juger le Pape n’a rien à voir avec le fait de déterminer si tel prétendant est effectivement Pape ; en revanche, il a tout à voir avec le fait que le Pape est la plus haute autorité de l’Église et que pour cette raison, nul ne peut mettre en doute sa décision, en faire appel ou l’annuler. C’est cela que veut dire l’Église lorsqu’elle enseigne que nul ne peut juger le Pape.
Nous en arrivons donc à la conclusion ironique que voici : nos opposants de variété “R&R” « Reconnaître-tout-en-résistant » nous accusent à tort de « juger le Pape » lorsque nous disons que Jorge Bergoglio n’est pas le Pape ; en revanche, étant donné ce que veut vraiment dire « juger le Pape », il va de soi que ce sont justement eux qui jugent leur pape putatif, puisqu’ils ne cessent de rejeter, de mettre en cause ou de prétendre annuler ses enseignements, ses lois, ses sentences et ses décisions. La Fraternité Saint-Pie X offre un parfait exemple de cette attitude, car elle gère pour l’essentiel une église parallèle dotée de ses instances bidon d’annulation de mariages et professe un quasi-magistère entaché de fausseté, non sans soumettre constamment le « Saint Siège » à son jugement, renversant ainsi la situation. Pour trouver des exemples plus précis de cela, se reporter à notre article : « Le Pape parle – C’est vous qui décidez ? »
Toujours pas convaincu ? Alors, jetez plutôt un coup d’œil aux citations pontificales ci-après, et voyez si vous n’y trouvez pas la condamnation de ces choses mêmes que la FSSPX et autres adeptes du “R&R” « Reconnaître-tout-en-résistant » font ou préconisent habituellement :
Ces trois citations représentent une parfaite condamnation de la position maintenue par la Fraternité Saint-Pie X et ses partisans, et elles réitèrent le point de vue catholique selon lequel le Pape ne peut être jugé par personne sur terre, parce qu’il n’a aucun supérieur humain et qu’un jugement légalement contraignant ne peut être rendu que par un supérieur.
Voici pourquoi nous appelons « semi-traditionnalistes » ou « néo-traditionnalistes » les tenants de la position “R&R” « Reconnaître-tout-en-résistant » : ils n’adhèrent à la Tradition qu’en partie, dans une certaine mesure ; la compréhension qu’ils ont d’elle est tout à fait inédite et n’a donc rien de traditionnel.
Ayant ainsi clarifié ce que veut dire « juger le Pape », nous pouvons passer maintenant à la deuxième question qui se présente : un Pape authentique peut-il être déposé ?
Un Pape authentique peut-il être déposé ?
Si nul ne peut juger le Pape, puisque seul un supérieur pourrait le faire et que le Pape n’en a aucun sur terre, il s’ensuit nécessairement qu’a fortiori, il ne peut être relevé de ses fonctions, ou déposé, car un tel acte représenterait bien davantage que le simple fait de juger l’intéressé.
La question de la déposition est assez épineuse, car dans l’histoire de l’Église, notamment au cours des premiers siècles, le mot « déposition » n’avait pas toujours la signification bien définie qu’il a aujourd’hui (voir le Père H. A. Ayrinhac, Penal Legislation in the New Code of Canon Law [New York : Benziger, 1920], p. 145). Toutefois, la définition du terme est arrêtée, au moins dans le Code de Droit canonique de 1917, ainsi que le souligne le Père Ayrinhac dans son commentaire sur le Canon 2303 :
On voit donc que la déposition n’est en aucun cas synonyme du retrait d’office. En fait, bien qu’elle inclue ce dernier (« elle retire l’office »), elle représente beaucoup plus que cela (voir aussi le Canon 2288). Il importe de s’en souvenir quand on lit les sources canoniques ou théologiques traitant de la déposition.
Une autre distinction importante, qu’il faut garder présente à l’esprit, est qu’une privation d’office – à savoir le retrait d’un office – est essentiellement différente de la perte automatique d’office qui se produit ipso facto et sans la nécessité d’une déclaration lorsqu’un ecclésiastique apostasie publiquement de la foi catholique (voir Canon 188 n. 4). Le Code de Droit Canonique appelle du reste cette perte d’office « renonciation tacite », et non pas privation, retrait ou déposition :
« En vertu de la renonciation tacite admise ipso jure, sont vacants “ipso facto” et sans aucune déclaration, quelque office que ce soit si le clerc :
[…]
4° Apostasie publiquement la foi catholique. »
Un examen approfondi du Canon 188 n. 4 dépasserait la portée du présent article. Il sera donc gardé pour plus tard, mais si nous mentionnons ce canon ici, c’est pour souligner le fait suivant : on aurait tort de penser que parce que la déposition et le retrait d’office sont impossibles dans le cas d’un Pape, il serait donc impossible aussi pour un Pape authentique de perdre automatiquement son office par renonciation tacite pour avoir apostasié publiquement de la foi catholique. Ce sont là, en effet, deux choses tout à fait différentes, et bien que nous n’admettions pas qu’il soit possible à un Pape authentique de jamais apostasier publiquement de la Foi, nous n’en soulignons pas moins, avec Vatican I, saint Robert Bellarmin et le Code de Droit Canonique, que si un Pape pouvait faire une telle chose, il cesserait immédiatement d’être Pape.
Une excellente étude antérieure au conciliabule Vatican d’Eux sur la renonciation tacite se trouve dans l’œuvre du Père Gerald McDevitt intitulée The Renunciation of an Ecclesiastical Office (1945), actuellement rééditée. Nous ne saurions nous étonner que dans les plus de sept cents pages de leur livre True or False Pope? (Vrai ou faux Pape ?), Salza et Siscoe aient réussi à ne pas mentionner une seule fois l’ouvrage en question. Au lieu de cela, ils consacrent toute leur encre à exposer les positions de Cajetan, Suarez et Jean de Saint-Thomas ; or, ceux-ci écrivaient bien plus de deux cents ans avant le Premier Concile du Vatican, dont les enseignements ont rendu intenables leurs théories relatives à la déposition d’un pape, ainsi que nous l’avons dit.
Elle n’est pas nouvelle, cette tactique consistant à invoquer à l’appui d’une position théologique personnelle des textes et arguments d’un autre âge, révoqués ensuite par un jugement définitif de l’Église. À l’époque du Concile Vatican, par exemple, un évêque français, Mgr Henri Maret, y a recouru pour tenter de justifier certaines doctrines gallicanes contre la position théologique du parti dit ultramontiste, dont le Concile devait ensuite confirmer l’orthodoxie. Maret, qui avait publié un ouvrage en deux volumes sous le pseudonyme « Évêque de Sura », s’attira la réplique du célèbre Dom Prosper Guéranger, Abbé de Solesmes (France). La réplique de Dom Guéranger à toutes les erreurs de Maret parut sous le titre De la Monarchie Pontificale et reçut l’approbation explicite du Pape Pie IX.
Voici ce que Dom Guéranger avait à dire au sujet de la tactique de Maret :
Tout cela est étrangement analogue à ce que Salza et Siscoe veulent faire dans « True or False Pope? », à savoir exciper de théories théologiques avancées à une époque où elles étaient encore acceptables, ou du moins tolérées, et prétendre qu’elles sont toujours tenables aujourd’hui, bien que depuis le Concile de Vatican et la promulgation du Code de Droit Canonique de 1917, elles ne puissent plus être maintenues, ce pourquoi Salza & Siscoe sont bien en peine, justement, de citer le moindre théologien du vingtième siècle qui soit d’accord avec elles.
On les voit recourir au même procédé sur leur site, où ils ont posté un article pompeusement intitulé « Un canoniste en renom du dix-septième siècle réfute le sédévacantisme ». Demandez-vous pourquoi ils sont remontés jusqu’au dix-septième siècle pour y chercher un soutien à leur position : parce qu’à l’époque, il était encore permis de soutenir la thèse avancée par le canoniste en question (le Père Paul Laymann), alors que depuis le Concile du Vatican de 1870 et l’adoption du Code de Droit Canonique de 1917, la chose n’est plus possible.
Vous ne le croyez pas ? Vérifiez donc par vous-même en vous référant au Cardinal Louis Billot, S.J. (1846-1931). Dans son Tractatus De Ecclesia Christi (Traité de l’Église du Christ), le grand théologien jésuite traite de la question de savoir si un Pape peut être déposé, et il le fait à la lumière non seulement des enseignements de saint Robert Bellarmin, écrits au douzième siècle, mais aussi à celle des décrets du Premier Concile du Vatican et du Code de Droit Canonique.
Ayant ainsi mis en pièces l’idée selon laquelle un Pape peut être déposé, Billot s’attaque ensuite à la question de la défection de l’Église, c’est-à-dire au point de savoir ce qui se passerait si un Pape devenait hérétique, schismatique ou apostat (on notera ici un parallélisme avec notre étude précédente, dans laquelle nous distinguions entre le retrait d’office qui intervient en cas de déposition et la renonciation tacite qui se produit concomitamment avec l’apostasie publique). Il n’est pas surprenant que Billot se range à nouveau de notre côté, celui du sédévacantisme :
Billot réfute en cela la position erronée que le Cardinal Cajetan et d’autres personnalités ont adoptée avant le Premier Concile du Vatican, position que promeuvent largement, désormais, Salza et Siscoe, ainsi que d’autres traditionalistes de la FSSPX ou d’ailleurs, adeptes de ce type de résistance. Nous pourrions fournir beaucoup d’autres citations de la Thèse de Billot, mais nous ne le ferons pas ici, car ce serait beaucoup trop long ; nous vous invitons plutôt à parcourir vous-mêmes cette Thèse, car elle mérite d’être lue en entier et dans un contexte approprié (3).
Dans cette Thèse, le Cardinal Billot énonce brièvement aussi l’idée selon laquelle l’adhésion pacifique de l’Église tout entière à tel prétendant au trône de Pierre constitue un signe infaillible que l’individu en question est en fait un Pape légitime. Salza & Siscoe ont fait de cette idée un de leurs principaux arguments contre le sédévacantisme, et nous ne la mentionnons ici que par honnêteté, de crainte qu’on nous accuse de « cacher » ce que Billot a dit à ce sujet. Nous traiterons in extenso la question de l’adhésion pacifique universelle dans un article ou un « post » ultérieur, mais nous ferons ici l’impasse sur elle, parce que l’acceptation pacifique n’a rien à voir avec l’impossibilité de juger ou de déposer un Pape.
Dans leur ouvrage « True or False Pope? », les deux auteurs anti-sédévacantistes consacrent un chapitre entier à soutenir, quoique avec d’innombrables nuances, qu’un Pape peut être déposé (pp. 331-368). Malheureusement, ce chapitre ne contient pas la moindre allusion à la Thèse XXIX du Cardinal Billot. Dans tout leur livre, en fait, Salza & Siscoe citent le Cardinal Billot principalement sur la question de l’adhésion pacifique universelle, mais pour ce qui est de savoir si un Pape peut être déposé, ils ne citent pratiquement pas cet auteur, et quand ils le font, ils trahissent sa pensée (voir, par exemple, page 151).
En tout état de cause, ce qui précède suffit à réfuter l’idée selon laquelle un Pape peut être déposé ou retiré de son office. Il est cependant un argument de Salze et Siscoe qui mérite que l’on s’y arrête, à savoir que quoique la faculté de juger appartienne de plein droit à un supérieur, même un inférieur peut juger son supérieur en cas d’hérésie. Salza & Siscoe prétendent que telle est la position de saint Robert Bellarmin, qu’ils présentent comme une « dérogation » au principe suivant lequel le Premier Siège ne peut être jugé par personne (pp. 300-303). Voici le passage sur lequel ils fondent leur affirmation :
À première vue, il peut en effet sembler que saint Robert Bellarmin aille à l’encontre de ce que le Concile du Vatican de 1870 devait définir ensuite, à savoir que nul ne peut juger le Premier Siège. Mais comme nous l’avons dit précédemment, « Pris sous l’angle juridique comme sous l’angle dogmatique, ce principe ne souffre aucune exception » (Burke, Competence in Ecclesiastical Tribunals, p. 87). Alors, qu’en est-il au juste ? Pour le savoir, on peut se tourner en toute confiance vers le Cardinal Billot, qui évoque les exemples – fournis par Bellarmin – des Papes Innocent III, Adrien II et autres, quoique dans un contexte légèrement différent :
Dit simplement, quand saint Robert Bellarmin écrit qu’un Pape peut être jugé en cas d’hérésie, ce n’est là, de sa part, qu’une façon de s’exprimer, tout comme lorsque saint Paul écrit qu’un ange du Ciel qui prêcherait un faux Évangile serait anathème (voir Gal 1 : 8-9). Bellarmin ne veut pas dire qu’un inférieur peut légitimement rendre un jugement canonique contre le Pape, son supérieur, en vertu de quelque mystérieuse exception à la règle, alors que c’est bien là ce que Salza et Siscoe présentent de manière insistante comme étant sa position. En réalité, Bellarmin veut simplement dire que si un Pape devenait un hérétique public, il pourrait alors être jugé par ses inférieurs parce qu’il ne serait plus Pape, et c’est exactement là ce qu’il soutient dans le même chapitre d’où est extrait le passage en question.
De même, si le Pape Adrien II a pu dire qu’« en cas d’hérésie, un Pape peut être jugé », ce n’est pas parce que l’hérésie constitue en quelque sorte une exception au principe codifié par Vatican 1870 selon lequel nul ne peut juger le Pape, c’est parce que seule l’hérésie publique — avec le schisme et l’apostasie — est un péché qui, de par sa nature même, peut faire qu’un vrai Pape cesse d’être Pape : « Car toute faute, même un péché grave, n’a pas de soi pour résultat — comme le schisme, l’hérésie ou l’apostasie — de séparer l’homme du Corps de l’Église. » (Pape Pie XII, Encyclique Mystici Corporis, n. 23.)
Voici la raison pour laquelle un supérieur ne peut être jugé, pour ainsi dire, par ses inférieurs : parce qu’il n’est plus alors leur supérieur légitime et qu’étant un hérétique, il est coupé du Corps de l’Église.
C’est ce que veut dire saint Robert Bellarmin, et c’est également ainsi que le Cardinal Billot comprend ce Docteur de l’Église ; en effet, il ne contredit en rien saint Robert, ce qui serait pour le moins bizarre parce que c’est lui qui soutient, comme on l’a vu, qu’« en matière de responsabilité légale, le Souverain Pontife relèverait toujours du jugement d’inférieurs, ce qui constitue une parfaite contradiction » et que si l’on prévoyait une seule exception même pour le cas d’hérésie, il « n’existe plus la moindre raison pour laquelle la possibilité d’une déposition devrait se restreindre au seul cas d’hérésie […] et il ne reste plus rien qu’une règle volontariste sur laquelle vient se greffer une exception arbitraire. »
Il est vrai qu’un pape en carton peut PARFAITEMENT être retiré…
Nous voici enfin arrivés au terme de notre petite excursion. Nous sommes sûrement en train de décevoir les grandes gueules semi-traditionalistes qui se répandent actuellement sur l’Internet pour appeler à la déposition de François : désolés, les gars, mais si François est actuellement un vrai Pape, personne n’a le pouvoir de lui reprendre son pontificat. Il ne peut être ni retiré de son office, ni déposé. Vous êtes tout bonnement coincés avec lui. Bienvenue dans l’enseignement catholique relatif à la papauté.
La bonne nouvelle, cependant, c’est que François n’est pas actuellement un Pape valide et qu’il ne l’a d’ailleurs jamais été. Il n’est pas catholique, et il ne saurait donc être Pape, quel que le soit le nombre des « cardinaux » qui l’ont élu. Rappelez-vous ceci : ceux-là mêmes qui crient le plus fort que les sédévacantistes ont tort et que François est un Pape valide se précipitent pour refuser à ce « vrai Pape » la soumission qu’ils lui doivent. Ainsi que nous l’avons souligné dans notre “TRADCAST 012” (pour les anglophones !), ce n’est pas seulement que les traditionalistes de variété “R&R” « Reconnaître-tout-en-résistant » ont tort de croire que François est Pape, c’est bien pire encore : ils ont tort au sujet de la papauté.
Reconnaître Jorge Bergoglio comme Pape ne va pas sans conséquences. Nos opposants payent à présent le prix de leur position erronée selon laquelle un apostat public peut être un véritable et légitime successeur de saint Pierre.
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Source : Novus Ordo Watch : http://www.novusordowatch.org/wire/judging-deposing-true-pope.htm
Traduction : le CatholicaPedia.net
(Que notre traducteur soit encore une fois et toujours remercié pour son travail professionnel)
[1] Ndlr : En dehors d’un manuscrit par Chastillon, secrétaire du Cardinal du Perron (https://archive.org/stream/bibliothquedelac01back#page/n607/mode/1up), l’ouvrage « De Romano Pontifice » de Saint Robert Bellarmin, Docteur de l’Église, appartenant à ses Controverses « Disputationes de controversiis christianae fidei adversus hujus temporis haereticos » en 4 volumes :
Tome 1 : http://reader.digitale-sammlungen.de/de/fs1/object/display/bsb10635640_00003.html ;
Tome 2 : http://reader.digitale-sammlungen.de/resolve/display/bsb10635641.html ;
Tome 3 : http://reader.digitale-sammlungen.de/de/fs1/object/display/bsb10635642_00005.html ;
Tome 4 : http://reader.digitale-sammlungen.de/de/fs1/object/display/bsb10635643_00005.html ; avec le texte en cause extrait de « De Summo Pontifice » livre II, Chapitre XXVI (http://reader.digitale-sammlungen.de/de/fs1/object/display/bsb10635640_00426.html) n’a pas été édité publiquement en traduction française.
Cependant, une traduction française d’un résumé des Controverses, est parue en 1855, en 3 volumes, sous le titre de « Démonstration victorieuse de la foi catholique, extraite des controverses du R. Cardinal Bellarmin », traduite du latin par M. l’abbé Ducruet, Paris : Louis Vivès, 1855. Malheureusement, l’ouvrage de l’abbé Ducruet, « Démonstration victorieuse de la foi catholique » comprenant donc une traduction en français du « De Romano Pontifice » de Saint Robert Bellarmin, n’est pas disponible en lecture directe sur Internet, ni même disponible en achat d’occasion, on le trouve sur la catalogue de la BNF : http://cataloguelabs.bnf.fr/ark:/12148/cb300795591. Il semblerait que l’on puisse en obtenir la reproduction, au format PDF, sous forme de texte numérisé intégral, http://www.bnf.fr/fr/collections_et_services/reproductions_document/a.reproduction_document_tarifs.html.
[2] NdT (Wikipedia) : El Palmar de Troya est une entité locale autonome (entidad local autónoma) de la commune espagnole d’Utrera, dans la province de Séville, en Andalousie.
Ndlr : Ce fut un phare de la Tradition bien avant Mgr Lefebvre et Écône…
[3] NdT : Je n’ai malheureusement trouvé nulle part une traduction française de cette thèse écrite en latin ; cependant, pour les anglicistes, le site Novus Ordo Watch fournit la référence suivante : Cardinal Louis Billot on the Legitimacy of the Roman Pontiff (extrait de Tractatus de Ecclesia Christi, 5ème ed., 1927, Question 14, Thesis 29.