LHR : Mon témoignage sur Marthe Robin
Mon témoignage sur Marthe Robin
Louis-Hubert REMY
À la demande d’un ami à qui j’avais confié ce que je savais de Marthe Robin, je me décide à donner ce témoignage public suite à la décision romaine conciliaire de la déclarer vénérable.
Je suis obligé de remonter à des explications antérieures pour permettre au lecteur de bien comprendre.
1° Voici l’événement vécu en 1974 qui a tout enclenché
Une page d’histoire
L’auteur de ces lignes a été témoin d’un événement qui peut permettre à certains de réfléchir.
Un mois environ avant l’élection présidentielle de 1974 (5 mai), il avait été envoyé par Michel de Penfentenyo au PC d’un candidat à la présidence, Jean Royer. Cela s’était passé au congrès de Lausanne, où Michel de Penfentenyo lui avait dit : « Louis-Hubert, vous qui habitez près de Tours, pouvez-vous consacrer 15 jours à aider Jean Royer dans son aventure ? Je prépare tout, arrivez le 15 avril ».
En effet, mon arrivée était annoncée. On m’intégra dans l’équipe d’une dizaine de personnes qui servait d’état-major à Jean Royer, l’Office ayant alors avec lui des liens étroits et disposant de moyens de pression.
Dès le premier soir, comme chaque soir suivant, j’assistais à la réunion confidentielle pour faire le point de la journée. Je leur proposais alors un calcul que j’avais fait quelques jours plus tôt :
« Il ne faut que 18% des voix pour que Jean Royer soit élu. »
Chacun sait que ne restent pour le second tour des présidentielles que les deux candidats ayant obtenu le meilleur score au premier tour.
Comment se présentait ce premier tour ?
4 candidats importants : Giscard, Chaban, Royer, Mitterand.
8 petits candidats dont Le Pen.
Je leur présentais donc ce calcul :
Mitterand plus les 8 petits candidats feront 50%.
Reste 50% à diviser en trois.
Chaban devrait faire 14% (électorat du RPF + 2%).
Reste 36%
Le premier qui fait 18% + 1 voix impose à l’autre de ne faire que 18% – 1 voix. C’est mathématique.
Étonnement de tous. Grand silence.
Trois semaines plus tard, la réalité me donnait raison : Mitterrand et divers firent 49%, Chaban 15%, Royer + Giscard 36%.
Était-il impossible que Royer fasse 18% ?
Je prétends que non puisque en 1965, Lecanuet + Tixier contre De Gaulle et Mitterrand firent 21% dès le départ.
Que se passa-t-il alors ?
Tout de suite, un membre de l’assistance (un Énarque), sans qu’on le lui dise, envoyait un télex à une agence de presse, donnant le détail de ce calcul. Sans commentaires.
Alors que la campagne battait son plein depuis une quinzaine, on vit Giscard durcir ses interventions et changer de slogan en disant : « Votez Giscard, Votez utile ».
On vit 200 à 400 gauchistes suivre Royer de ville en ville, payés m’a-t-on dit par le ministère de l’Intérieur.
On vit les journalistes n’utiliser leurs magnétophones, ou ne parler et écrire que lorsque Royer parlait de l’avortement. La télévision ne prit que des angles en contre-plongée, le faisant passer pour Savonarole.
Surtout, les sondages commencèrent à matraquer l’opinion avec des 6% puis 3% pour Royer.
Pourquoi la candidature Royer avait-elle été présentée ?
On savait la lutte du deuxième tour entre Giscard et Mitterrand très dure. En effet, Giscard ne l’emportait que de 400.000 voix. Il suffisait d’un déplacement de 200.000 voix pour que Mitterrand passe. On estimait que Royer, ministre et réputé dans sa région fixerait au second tour, quelques centaines de milliers de voix venant d’abstentionnistes ou d’électeurs tentés de voter contre la droite.
Lors de cette aventure, j’ai beaucoup appris sur l’utilisation et l’influence des sondages en particulier. Ayant eu l’occasion de m’entretenir avec un spécialiste, il me dit : « regardez d’abord qui sont les propriétaires des sociétés de sondage ». C’est en effet très instructif. Ces sociétés travaillent au millimètre, non pas sur les intentions de vote au jour le jour, mais sur la manière de faire évoluer l’électorat pour que le jour J (le 5 mai), tout se passe comme ils l’avaient souhaité.
Nous avions d’ailleurs chaque soir les sondages des Renseignements Généraux. Je ne sais quelles sont leurs méthodes de travail, mais il paraît que leurs calculs sont très sérieux et considérés comme tels dans le monde politique. Royer eut longtemps 12% (alors que le même jour les sondages annonçaient 3% ou 6%), puis petit à petit le % descendit pour arriver aux 3% prévus et décidés.
Voilà ce que j’ai vu et appris d’essentiel.
Pour moi, il ne fait aucun doute que tout cela est très organisé, que les gens sont aux ordres et que surtout personne ne peut réellement exister dans le monde politique sans un feu vert et la permission d’un pouvoir supérieur. Je l’ai terriblement ressenti pendant ces quinze jours. Ce pouvoir, je ne l’ai pas vu, et j’aurais tendance à le qualifier d’occulte.
Tous nos milieux catholiques traditionalistes avaient œuvré avec passion pour Royer, alors qu’en fait cet homme était de leur bord et à leurs ordres.
Dix ans après, on nous refait le même coup avec Le Pen.
Que cette expérience puisse servir à quelques uns.
Le 5 mai 1974, je votais pour Royer. J’avais 31 ans. Je n’ai jamais plus revoté depuis. J’ai réfléchi, étudié et j’ai compris qu’un catholique ne peut et ne doit jamais voter dans de telles conditions.
Juin 1984,
de Saint-Hilaire (1).
2° CHÂTEAUNEUF-DE-GALLAURE
Durant ces quinze jours je fus très souvent en rapport avec Marcel Clément, directeur de l‘Homme Nouveau. Il me proposa de demander à Jean Royer de se consacrer au Sacré-Cœur, nous assurant que de nombreux jeunes seraient présents au Sacré-Cœur de Montmartre, l’attendant avec ferveur. J’en parlais à Jean Royer qui me donna son accord. Ils l’attendirent jour et nuit pendant huit jours, mais je ne sais pourquoi Royer ne vint jamais.
À la suite de ces différents contacts, Marcel Clément m’invita à Paris pour m’offrir de collaborer avec lui à l’Homme Nouveau. C’était l’époque où il mariait son fils, le futur ministre de la Justice. Je fus invité à ce mariage. Soulignons que le fils faisait campagne avec Giscard et le père avec Royer,
Pour cette collaboration M. Clément me demanda de faire une retraite à Châteauneuf-de-Gallaure. C’est ce qui m’amena à rencontrer Marthe Robin.
Ayant déjà fait plusieurs retraites avec Chabeuil, je connaissais les reproches faits aux Foyers de Charité et aux retraites de Châteauneuf.
Dès l’ouverture et la première causerie du P. Finet, j’avais compris et décroché. Ce prêtre avait un visage de mort qui m’avait surpris et un enseignement bien différent de celui que je connaissais par les Exercices de saint Ignace.
Je passais donc un certain temps à essayer d’avoir des renseignements concernant Marthe Robin, interrogeant :
– le P. de Lestapie, un de nos prédicateurs, pour savoir si une enquête canonique avait été faite ; il me répondit qu’à sa connaissance, il n’y en avait jamais eu ;
– les quelques médecins des environs, pour savoir qui soignait Marthe ; aucun n’a pu me répondre ;
– l’infirmière, pour savoir ce qu’il en était des stigmates de Marthe ;
– la sœur de Marthe Robin avec qui je passais un après-midi à garder les chèvres ; elle me fit de nombreuses confidences, terminées par une peur panique : surtout ne dites rien, le Père Finet nous ayant interdit de parler de Marthe ;
– et surtout Marthe, avec qui je passais une demi-heure ; je fus très surpris et déçu par ses réponses à mes questions.
Je ne peux préciser au lecteur ce que j’ai dit à Marthe Robin et à sa sœur. J’ai cela dans mes archives, mais ce document est indisponible et, préférant être très précis, je ne peux
3° Le Procès de Canonisation
Ayant bien connu Mgr Bouvier, dans les années 80, je lui fis part de ces réflexions. Il m’invita peu avant Noël 1994, à être entendu par la commission qui s’occupait du procès de béatification de Marthe Robin, ayant été nommé promoteur de justice, autrefois appelé avocat du diable.
Je fus entendu 2h30 environ, par Mgr Lebourgeois, archevêque émérite d’Autun qui présidait, par le RP Charbel, notaire de la commission, et par Mgr Bouvier, promoteur de justice (et qui était alors le n° 2 de la Rote). Mgr Bouvier vit toujours.
J’avais beaucoup prié et médité, lisant avec attention quelques livres sur la théologie mystique (Tanquerey, Ribet, Bizouard, Mirville, Gougenot entre autres). Je savais la gravité de mes propos et m’étais abandonné à la Providence pour répondre. Mes réflexions m’avaient amené à conclure que Marthe Robin ne pouvait être de Dieu à cause des fruits qu’elle avait engendrés, à savoir l’œcuménisme et le charismatisme, supportant la révolution conciliaire.
Pendant 2h30 environ, on me posa quelques 80 questions. C’est remarquablement bien fait pour juger et de la qualité du témoin et de la qualité de ses réponses.
Au bout d’une heure environ, Mgr Lebourgeois, à l’étonnement de ses deux confrères, fit une grosse colère, me disant : c’est inadmissible et insupportable ce que vous dites ; on arrête tout ! Je ne savais pas qu’il était alors un des principaux apôtres de l’œcuménisme.
Je lui répondis : vous voulez qu’on arrête, eh bien arrêtons-nous, mais vous savez que ce que je dis est vrai et la vérité s’imposera un jour ; dans 10 ans, dans 50 ans, mais elle s’imposera.
Mgr Bouvier intervint et dit à Mgr Lebourgeois : Excellence, nous étions à la 28ème question, puis-je poser la 29ème question au témoin ? Et l’on continua.
Une demi-heure après, nouvel incident. J’expliquais que les sacrements institués par Notre-Seigneur Jésus-Christ entre la Résurrection et l’Ascension ne pouvaient être changés. Et Mgr Lebourgeois de répondre, à l’étonnement là encore de ses deux confrères : mais alors la messe que je dis est invalide ?
J’aurais dû répondre : la mienne (celle de toujours) est valide et cela suffit ! Mais je m’attardais à essayer de lui prouver l’invalidité, sans résultat. Ma seule satisfaction avait été de découvrir que j’avais pu déstabiliser un évêque sur ce sujet.
À la fin de l’entretien ils me posèrent la dernière question : alors pour vous qui est Marthe Robin ? Je leur répondis : ce n’est pas à moi d’y répondre, mais à vous. Ce n’est pas de ma compétence mais de la vôtre. Pour moi je ne peux que dire que les fruits sont mauvais.
Aux environs de Pâques, Mgr Bouvier m’appela de Rome pour me dire : la commission a décidé de tout arrêter, mais je veux que votre témoignage soit inattaquable. Il avait vérifié toutes les références et tous les auteurs que j’avais cités, mais comme j’avais fait quelques lapsus, il voulait contrôler.
Je lui avais conseillé d’inviter Mlle Michèle Reboul, qui, ayant été secrétaire et confidente de Jean Guitton, avait des choses à dire. C’est ce qu’il fit, non pas en la faisant écouter par la commission mais en lui demandant un mémoire. Ayant eu Michèle ces derniers jours, elle m’envoya l’eMail suivant :
Voici maintenant ci-dessous la lettre que Mgr Lefebvre a envoyé à Madame Lucien Peyret, 128bis rue de Bregeon, 42600 Saint-Étienne, le 9 janvier 1983 :
Remarque : « Heureusement que cette Messe est encore célébrée en ce monde ! »
Ce genre de réflexion me laisse pantois ! Si on applique le principe de non-contradiction, cela veut dire que la nouvelle messe est malheureusement célébrée en ce monde ! De la part d’une « sainte » ? De la part d’une « sainte » qui a laissé partout appliquer cette nouvelle messe ?
Tout cela n’est pas du camp de la Vérité. Et le résultat le confirme : c’est bien une vénérable conciliaire de la religion conciliaire. En aucun cas ce n’est une vénérable de la religion catholique.
Jusqu’à qu’en Seigneur ?…
Louis-Hubert REMY,
le 21 novembre 2014,
en la fête de la Présentation de la Très Sainte Vierge Marie.
Lettre de Mgr Lefebvre à Mme Lucien Peyret
[1] Mon pseudo à l’époque, pour honorer le grand saint Hilaire, ayant été baptisé à Saint-Hilaire de Poitiers et ma famille vivant sur cette paroisse depuis plusieurs générations. Ce texte fut écrit pour un petit bulletin auquel je collaborais alors.