1er Mai : Ora et labora !
1er Mai : Ora et labora ! (1)
Revenons un moment sur ce premier Mai que le Monde a fêté dimanche. Fête du Travail pour les uns (les socialo-communistes), Fête de Saint Joseph Artisan pour les chrétiens…
Léon XIII (1810-1903) surnommé le “Pape des ouvriers”, voyant les graves dérives et les injustices dans le monde du Travail avait donné Saint Joseph comme Patron à tous les travailleurs et Pie XII a institué la Fête de St Joseph Artisan en 1955 devant le péril du danger communiste.
Extraits de l’encyclique de Léon XIII “Quamquam pluries” du 15 août 1889
Dans cette encyclique, Léon XIII rappelle d’abord que, dans toutes les périodes de grandes difficultés, l’Église implore Dieu et Marie, avec ferveur et persévérance. Il indique également que la ferveur chrétienne s’étant beaucoup refroidie de son temps, les moyens humains sont impuissants pour porter remède aux graves dangers qui menacent l’Église. Aussi exhorte-t-il les fidèles à prier Marie davantage, notamment pendant le mois d’octobre, mois du Rosaire.
Mais le Saint Père avait un autre dessein, objet de cette encyclique : inciter le peuple chrétien “à invoquer, avec une grande piété et une grande confiance, en même temps que la Vierge, Mère de Dieu, son très chaste Époux, le Bienheureux Joseph ; ce que nous estimons de science certaine être, pour la Vierge elle-même, désiré et agréable.” Cette dévotion est déjà répandue dans le peuple de Dieu grâce à l’action de nombreux Pontifes romains. Mais elle doit “s’enraciner davantage dans les mœurs et les institutions catholiques”, et Léon XIII en donne les principales raisons :
“Saint Joseph fut l’Époux de Marie et il fut le père de Jésus-Christ. De là ont découlé sa dignité, sa ferveur, sa sainteté et sa gloire… Comme Joseph a été uni à la bienheureuse Vierge par le lien conjugal, il n’est pas douteux qu’il n’ait approché, plus que personne, de cette dignité suréminente par laquelle la Mère de Dieu surpasse de si haut toutes les natures créées… En donnant Joseph pour époux à la Vierge, Dieu lui donna non seulement un compagnon de sa vie, un témoin de sa virginité, un gardien de son honneur, mais encore, en vertu même du pacte conjugal, un participant de sa sublime dignité…”
Ainsi, Joseph a été, de par la volonté divine, le gardien du Fils de Dieu, regardé par les hommes comme son père. “Et le Verbe de Dieu lui était humblement soumis, Il lui obéissait et lui rendait tous les devoirs que les enfants sont obligés de rendre à leurs parents.”
De son côté Joseph supportait les charges que la nature impose aux pères de famille. “Il s’appliqua à protéger avec un souverain amour et une sollicitude quotidienne son Épouse et le divin Enfant ; il gagna régulièrement par son travail ce qui était nécessaire à l’un et à l’autre pour la nourriture et le vêtement ; il préserva de la mort l’Enfant menacé par la jalousie d’un roi, en lui procurant un refuge ; dans les incommodités du voyage et les amertumes de l’exil, il fut constamment le compagnon, l’aide et le soutien de la Vierge et de Jésus. Or, la divine maison que Joseph gouverna avec l’autorité d’un père, contenait les prémices de l’Église naissante…”
C’est pourquoi la multitude des chrétiens qui composent l’Église lui est particulièrement confiée. “Il est donc naturel et très digne du bienheureux Joseph que, de même qu’il subvenait autrefois à tous les besoins de la famille de Nazareth et l’entourait saintement de sa protection, il couvre maintenant de son céleste patronage et défende l’Église de Jésus-Christ…”
L’Église admet que le “Joseph des temps anciens, fils du patriarche Jacob, fut la figure du nôtre et, par son éclat, témoigna de la grandeur du futur gardien de la divine famille.” En effet, dans l’ancien patriarche, on reconnaît le nouveau : “Comme le premier Joseph fit réussir et prospérer les intérêts domestiques de son maître et rendit bientôt de merveilleux services à tout le royaume, de même le second, destiné à être le gardien de la religion chrétienne, doit être regardé comme le protecteur et le défenseur de l’Église, qui est vraiment la maison du Seigneur et le royaume de Dieu sur la terre.”
Tous les hommes de la terre et de toutes les conditions peuvent se recommander à Saint Joseph :
— “les pères de famille trouvent en Joseph la plus belle personnification de la vigilance et de la sollicitude paternelle,
— les époux, un parfait exemple d’amour, d’accord et de fidélité conjugale,
— les vierges ont en lui le modèle et le protecteur de l’intégrité virginale,
— les nobles de naissance apprennent de Joseph à garder, même dans l’infortune, leur dignité,
— les riches comprennent par ses leçons, quels sont les biens qu’il faut désirer et acquérir au prix de tous ses efforts,
— les prolétaires, les ouvriers, les personnes de condition médiocre ont comme un droit spécial à recourir à Joseph et à se proposer son imitation.
Car Joseph, de race royale, uni par le mariage à la plus grande et à la plus sainte des femmes, regardé comme le père du Fils de Dieu, passa sa vie à travailler… Joseph, content du peu qu’il possédait, supporta les difficultés inhérentes à cette médiocrité de fortune avec grandeur d’âme… à l’imitation du Seigneur de toutes choses qui s’assujettit volontairement à l’indigence et au manque de tout.”
Saint Joseph est vraiment le modèle de tous ceux qui vivent du travail de leurs mains. Et “s’ils ont le droit de sortir de la pauvreté et d’acquérir une meilleure situation par des moyens légitimes, la raison et la justice leur défendent de renverser l’ordre établi par la Providence de Dieu. Bien plus, le recours à la force et les tentatives par voie de sédition et de violence sont des moyens insensés qui aggravent, la plupart du temps, les maux pour la suppression desquels on les entreprend…”
L’encyclique de Léon XIII conclut :
“Nous prescrivons que, pendant tout le mois d’octobre, à la récitation du Rosaire, …, on ajoute une prière à Saint Joseph. Il en sera ainsi fait chaque année à perpétuité… C’est une pratique salutaire et des plus louables… de consacrer le mois de mars à honorer, par des exercices de piété quotidiens, le Saint Patriarche… Nous exhortons les fidèles à sanctifier autant que possible le 19 mars, par la piété privée, en l’honneur de leur céleste patron.”
Après avoir reconnu officiellement les associations chrétiennes des travailleurs italiens le 11 mars 1945, Pie XII, s’adressant le 1er mai 1955 à 200.000 ouvriers rassemblés sur la place Saint-Pierre à Rome, leur déclara qu’il instituait une fête de Saint Joseph, ouvrier. Cette fête serait célébrée chaque année le 1er mai en sorte qu’elle puisse exercer, sur tous les travailleurs sans exception, sa bienfaisante influence dans le sens voulu par l’Évangile et préconisé par l’Église.
Pie XII institua en 1955, la fête de Saint Joseph artisan, destinée à remplacer celle du patronage de Saint Joseph.
“…Il ne pourrait y avoir de meilleur protecteur pour vous aider à faire pénétrer dans vos vies l’esprit de l’Évangile… Il est certain qu’aucun travailleur n’en fut jamais aussi parfaitement et profondément pénétré que le père putatif de Jésus qui vécut avec lui dans la plus étroite intimité et communauté de famille et de travail. De même, si vous voulez être près du Christ, nous vous répétons encore : allez à Joseph… Nous avons le plaisir de vous annoncer notre détermination d’instituer — comme nous instituons en réalité — la fête liturgique de Saint Joseph artisan, en la fixant précisément au 1er mai…”
L’institution de cette fête fut accompagnée d’une liturgie nouvelle : Messe et Office.
En christianisant la fête socialo-communiste du 1er Mai, Pie XII donnait solennellement aux travailleurs Saint Joseph comme Patron afin de faire régner le Christ, même dans le monde du travail ; de faire régner la justice et la charité entre les classes sociales ; de sanctifier le travail à l’exemple de Jésus qui nous a montré comment associer dans notre vie prière et travail : « Ora et labora », “prier et travailler” (devise bénédictine…)
L’Église, chargée de continuer l’œuvre de Notre Seigneur, a institué la fête de saint Joseph, ouvrier (artisan), pour le donner comme modèle à toute la classe ouvrière afin de lui montrer la dignité de la condition de ceux qui travaillent de leurs mains comme l’a fait l’époux de la Vierge Marie et Jésus-Christ lui-même qu’on pensait être le fils du charpentier de Nazareth.
Voilà ce que disait à ce sujet Pie XII le 1er mai 1956, en haranguant des milliers d’ouvriers réunis sur la place Saint Pierre :
« Dès leurs origines, nous avons mis vos associations sous le puissant patronage de saint Joseph. Il ne pourrait, en effet, y avoir de meilleur protecteur pour vous aider à faire pénétrer dans vos vies l’esprit de l’Évangile.
C’est du cœur de l’Homme-Dieu, Sauveur du monde, que cet esprit passe en vous et en tous les hommes. Mais il est certain également qu’aucun travailleur n’en fut jamais aussi parfaitement et profondément pénétré que le Père putatif de Jésus qui vécut avec lui dans la plus étroite intimité et communauté de famille et de travail. De même, si vous voulez être près du Christ, nous vous disons : « Ite ad Joseph : Allez à Joseph ! » (Gen. 41, 55). (2)
Le monde du travail s’est adjugé le 1er mai comme sa fête propre, avec l’intention que tous reconnaissent la dignité du travail et que celle-ci inspire la vie sociale et les lois fondées sur la juste répartition des droits et des devoirs.
Accueilli de la sorte par les travailleurs chrétiens et recevant pour ainsi dire la consécration chrétienne, le 1er mai, bien loin de réveiller les discordes, la haine et la violence, est et sera une invitation périodique adressée à la société moderne pour achever ce qui manque encore à la paix sociale. Fête donc, c’est-à-dire jour de jubilation pour le triomphe concret et progressif des idéaux chrétiens de la grande famille du travail.
Aussi nous fixons la fête de saint Joseph ce jour-là parce que l’humble artisan de Nazareth, non seulement incarne auprès de Dieu et de la Sainte Église la dignité du travailleur manuel, mais reste toujours votre vigilant gardien et celui de vos familles.
Par votre fidèle adhésion à la doctrine de l’Évangile et aux directives de la Sainte Hiérarchie vous ne collaborerez pas seulement, dans le camp du travail, au triomphe du règne de Dieu dans une société qui souvent oublie sa présence, sa volonté et ses droits sacrés, mais vous vous inscrirez parmi les premières troupes de ces forces saines du corps social engagées dans la pacifique bataille pour le salut commun des peuples- Prenez pleine conscience de l’honneur que comporte cette double collaboration et Dieu ne manquera pas de vous faire goûter les fruits de la justice, de l’ordre et de la paix que vous aurez puissamment contribué à mûrir ».
L’Église avait mené une action continue dans le domaine social depuis plus d’un siècle quand Pie XII institua cette fête. C’est ce que l’on a appelé ensuite “la question sociale” pour les questions liées au travail ; et cette fête s’inscrivait dans la lutte pour le bien commun, soit spirituel, soit temporel, dans la société.
La Doctrine Sociale de l’Église
L’Église n’a fait que continuer la mission de Jésus-Christ sur terre qui passait partout en faisant du bien à tous.
Pour le triomphe du règne social du Christ, sous Pie IX est né un mouvement catholique que l’on a appelé le « Catholicisme social » qui a lutté contre l’État libéral. Le catholicisme social est un courant de pensée qui a été à l’origine de très nombreuses créations. Sa naissance en France est traditionnellement liée à la fondation en 1871 des « Cercles Catholiques d’Ouvriers » et de « l’Union des Œuvres Ouvrières Catholiques » par Albert de Mun et Maurice Maignen. L’expression « catholicisme social » est adoptée même plus tardivement, aux environs de 1890 et elle recouvre depuis des réalités très diverses.
Albert de Mun | Maurice Maignen |
L’État libéral voulait la séparation de l’Église et de l’État et se désintéressait complètement du problème religieux en disant que l’État ne devait absolument pas se soucier du problème religieux… il a fini par attaquer l’Église et obtenir cette séparation sous Saint Pie X.
Ce catholicisme social s’est opposé tout d’abord au libéralisme de l’État qui voulait se séparer de l’Église, et ensuite au libéralisme dans tous les domaines : social, économique, religieux et philosophique.
L’Église a condamné cette “indépendance dans la vie” des lois de l’Église ; des lois de Notre Seigneur Jésus-Christ !
Ce catholicisme social s’est fait connaitre par son opposition au socialisme et ensuite au communisme. Eugène Duthoit en donnait une définition aux Semaines Sociales de France de 1919 à Metz : c’est un mouvement qui tend « à diriger toutes les initiatives privées, à orienter les lois, les institutions, les mœurs, les revendications civiques vers une réforme fondamentale de la société moderne d’après les principes chrétiens. » (3) Tout ce qui s’est greffé sur ce courant de pensée ne peut être recensé et trop nombreux sont ceux qu’on peut qualifier de « catholiques sociaux », mais les étapes de son histoire au cours du XIXe siècle et du XXe siècle révèlent une évolution dans les approches et une grande fécondité dans les réalisations.
Son existence est antérieure à 1871 : un “premier catholicisme social” (4) a existé dès le début du XIXe siècle sans toutefois en avoir encore le nom ni former un mouvement unitaire. Il naît progressivement après une lente et double prise de conscience de la part des catholiques : celle de la question sociale que l’industrialisation du pays va rendre de plus en plus aigüe et dramatique et celle, que le progrès, la rénovation et l’amélioration de l’humanité sont non seulement une réalité historique mais qu’ils ont leur source dans le christianisme. Ce courant d’idées, contemporain et rival du socialisme, culmine en 1848 avant de marquer le pas sous le Second Empire. Réapparu après 1871, il prend de l’ampleur et prépare en quelque sorte la « doctrine sociale de l’Église » dont l’encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII publiée en 1891 est l’acte fondateur. Son développement se poursuit et prend des formes très variées dans la première moitié du XXe siècle avant que les nouvelles donnes du lendemain de la Seconde Guerre Mondiale ne posent la question de sa place et de son avenir dans une société de plus en plus sécularisée et dans un monde où de nouvelles problématiques sont apparues.
Commencé assez timidement à partir des années 1820 : Frédéric Ozanam (1813-1853) fondera la société très connue des Œuvres de Saint-Vincent-de-Paul en 1833, le catholicisme social a pris une plus grande ampleur avec les efforts pour procurer une meilleure condition de vie aux ouvriers de Pauline-Marie Jaricot et avec la création du Prado par le Père Antoine Chevrier au cœur d’un quartier ouvrier à Lyon.
Dès les années 1820, sous la Restauration puis sous la Monarchie de Juillet, les structures économiques et sociales de la France ne sont pas encore profondément modifiées par l’industrialisation. Le pays reste très majoritairement rural, les crises périodiques sont dues à la disette, la pauvreté s’accroit, et dans les quelques régions où naît la grande industrie, les conditions de vie des premières générations prolétariennes sont épouvantables. Le bouleversement social qui va s’opérer n’est cependant pas immédiatement visible. (5)
Le contexte, pour l’Église de France, est encore celui du traumatisme de la Révolution. Les aristocrates, catholiques par tradition se taisent, les masses paysannes et ouvrières sont abandonnées à elles-mêmes et la force vive et neuve du pays, la bourgeoisie, est majoritairement voltairienne.
En 1822, la fondation d’une première œuvre ouvrière, la « Société de Saint-Joseph », due à l’abbé Lowenbrùck (6) et un article de Félicité Robert de Lamennais, paru dans le journal royaliste le Drapeau blanc, sur la démoralisation des travailleurs (7), sont les premières manifestations d’une préoccupation sociale chez les catholiques. Dans les années qui suivent, quelques-uns, particulièrement lucides, attirent l’attention sur le paupérisme et le dénoncent par leurs enquêtes comme Louis René Villermé, par leurs publications comme Joseph-Marie de Gérando (baron de l’Empire) dans Le Visiteur du pauvre en 1824 ; comme François-Emmanuel Fodéré, Essai historique et moral sur la pauvreté des nations, 1825 ; Pierre Bigot de Morogues, De la misère des ouvriers, ou encore Alban de Villeneuve-Bargemon, préfet du Nord, dans L’Économie politique chrétienne en 1834. Ils n’hésitent pas à dire leur indignation mais leurs prises de position se font dans une incompréhension presque générale.
Frédéric Ozanam n’est pas seulement l’apôtre de la charité privée, l’étudiant qui fonde avec d’autres la Société de Saint-Vincent-de-Paul en 1833. Il cherche à apporter une solution collective à la misère ouvrière. Dans son cours de Droit Commercial professé à Lyon en 1839, il souligne que le travail humain ne peut être considéré comme une marchandise ; pour lui une réciprocité de services doit exister entre la société et les travailleurs, « une sorte de contrat sacré ». Si les conditions de travail n’élèvent pas le niveau de vie des ouvriers, si le salaire n’est pas suffisant et librement accepté, l’ordre est violé, le contrat rompu. (8)
C’est surtout dans ses articles pour l’Ère nouvelle, le journal fondé par Mgr Henry Maret, Charles de Coux et Lacordaire entre 1848 et 1850, qu’il précise certaines de ses idées, dénonce avec force « ceux qui ont trop » alors que le plus grand nombre n’a rien. La question est donc véritablement celle de justice sociale à instaurer et son choix est désormais celui de la démocratie avec la fameuse formule « Passons aux Barbares ». Dans les semaines qui suivent la Révolution de février, ce catholicisme social semble avoir du succès. En grand nombre, les mandements épiscopaux rattachent alors les principes de liberté, d’égalité et de fraternité à l’enseignement évangélique. Mais les troubles sociaux, manifestés par l’émeute du 15 mai et par les journées de juin, brisent vite ce mouvement.
L’Ère nouvelle, affaiblie par des difficultés financières et les attaques de certains évêques, ne tarde pas à disparaître. Ses rédacteurs les plus clairvoyants comme Maret et Ozanam s’en écartent tout en n’abandonnant pas leurs idées. Surtout, 1848 crée une rupture définitive à l’intérieur du courant libéral entre ceux, minoritaires, qui restent favorables à la démocratie et les autres qui rallient sans hésiter, comme Charles de Montalembert et Henri-Léon Camusat de Riancey, les conservateurs du « parti de l’Ordre », par crainte du danger socialiste (9). Quant au journal L’Univers, longtemps organe du catholicisme libéral, il devient, sous la direction de Louis Veuillot, l’organe des catholiques intransigeants.
La période de 1848 à 1870 marque le pas en France sur le sujet social, c’est un temps de réaction politique et sociale de la part d’une grande majorité des catholiques. Après les tentatives généreuses de la Seconde République et les essais d’application du socialisme qui ont effrayé la bourgeoisie, le Second Empire amène la prospérité avec le développement de la grande industrie, des chemins de fer, des banques et des échanges. Le mouvement ouvrier progresse et se prépare aux luttes. Le catholicisme français majoritairement conservateur reste quasi silencieux sur le plan social.
Les efforts d’Armand de Melun avec le développement des « Sociétés Catholiques de Secours Mutuels » (10), le mouvement des patronages et les œuvres pour la jeunesse ouvrière (11), l’exemple d’Augustin Cochin pour un patronat social catholique (12) ont peu d’échos, et se heurtent à la déchristianisation de fait de la classe ouvrière et à son nouvel anticléricalisme.
Des initiatives comme celle à Lyon de Marie-Pauline Jaricot (1799-1862), connue surtout pour être la fondatrice de l’œuvre de la Propagation de la Foi, mais aussi d’une tentative d’usine chrétienne de Rustrel (13) ou du Père Antoine Chevrier (1826-1879) avec la création du Prado en 1860 au cœur du quartier ouvrier de La Guillotière pour accueillir et éduquer de jeunes enfants de familles déshéritées, restent encore isolées mais en font eux aussi des pionniers du catholicisme social. Parmi les catholiques sociaux, les tendances paternalistes dominent, c’est la branche politiquement conservatrice du catholicisme social qui s’est imposée et la branche démocrate disparait pratiquement.
Père Antoine Chevrier | Marie-Pauline Jaricot |
Ce fut donc surtout des catholiques dit « intransigeants » à cette époque, “intégraux” qui ont développé le plus d’innombrables œuvres sociales pour l’amélioration du niveau de vie des ouvriers et des paysans.
Rappelons : Albert de Mun (14) et François René de La Tour du Pin, Marquis de La Charce (15) initiateurs de bien des réformes sociales bienfaisantes, qui ensuite ont été appliquées par la société pourtant révolutionnaire. Il y eu par exemple, la réglementation du travail des enfants et des femmes ; l’arbitrage des conflits dans le travail ; l’arrêt obligatoire de travail pour les femmes enceintes ; les caisses d’assurance ; les syndicats ; les syndicats mixtes…
Les Cercles Catholiques Ouvriers, Albert de Mun, La Tour du Pin et les autres
Albert de Mun et La Tour du Pin, ces deux officiers royalistes liés par une profonde amitié et rejoints par Léon Harmel, industriel et bourgeois et par d’autres comme Maurice Maignen et Félix de Roquefeuil, vont, malgré les horizons différents d’où ils viennent, mettre en commun leur esprit chrétien et leur besoin d’agir. La captivité a amené Albert de Mun à réfléchir aux causes de la défaite, et la Commune à mesurer la désorganisation sociale : « Entre ces révoltés et la société légale dont nous étions les défenseurs, un abîme nous apparut. »
Dès 1871 est fondée l’Œuvre des Cercles Catholiques d’Ouvriers dont le but, selon Madame de Brivazac, présidente du Comité des Dames des Cercles Catholiques d’Ouvriers en 1896, est de « rapprocher, sans les confondre, les classes de notre société française, irritées les unes contre les autres par les doctrines irréligieuses et révolutionnaires et par les conséquences d’une transformation économique dont le peuple est la première, mais non pas la seule victime ». Il s’agit en fait de contribuer à une re-christianisation en même temps qu’à la défense des intérêts matériels et moraux du monde ouvrier. Le but est moins d’attirer les masses ouvrières que d’en former une élite. C’est, selon la formule de Georges Hourdin une modeste mais première prise de contact avec la classe ouvrière.
Dans le groupe des fondateurs, les rôles sont complémentaires. Albert de Mun est le propagandiste de l’œuvre des Cercles. Vite occupé par son action politique et parlementaire pratiquement ininterrompue de 1876 à 1914 comme député du Morbihan puis du Finistère, il participe à l’œuvre de législation sociale de la IIIe République soutenant l’existence de syndicats mixtes, la règlementation du travail des femmes en 1888, l’interdiction du travail des enfants de moins de 13 ans en 1890, les réformes du droit du travail sur les accidents professionnels, l’arbitrage dans les conflits, la législation sociale internationale etc. Sa proposition pour les femmes enceintes d’un arrêt de travail obligatoire et d’une indemnité, rejetée en 1892, est reprise sept ans plus tard. En précurseur aussi il préconise la création de caisses d’assurances spéciales alimentées conjointement par les patrons et les ouvriers et propose de substituer à la théorie de la responsabilité délictuelle, le principe du risque professionnel. Il propose également l’organisation de caisses de secours et de retraite pour améliorer le sort des ouvriers âgés (16). « Orateur brillant, il est un représentant typique du catholicisme intransigeant et un opposant au « monde moderne », dont il fait une critique impitoyable ; pour cela même, il se montre hardi dans ses idées sociales (17) » ; au départ légitimiste et contre-révolutionnaire, antilibéral et antisocialiste, il accepte en 1892 le « ralliement » à la République demandé par Léon XIII aux catholiques français.
François René de La Tour du Pin, Marquis de La Charce |
Léon Harmel
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René de La Tour du Pin, intellectuel rigoureux dans sa pensée et rigide dans ses fidélités politiques est le théoricien du groupe développant en particulier l’idée corporative et les syndicats mixtes ; il anime de ses avis et de ses articles le « Conseil des Études » créé à côté des Cercles d’Ouvriers. Aux côtés du Père de Pascal, de Keller, de Duthoit, de Milcent et de Félix de Roquefeuil, il est au départ d’un mouvement continu de recherches et d’adaptations doctrinales.
Léon Harmel qui appartient à ces nouvelles classes dirigeantes et que sa profession fait côtoyer quotidiennement les réalités économiques et les milieux populaires est celui qui met en pratique les principes de l’Œuvre dans ses usines ; il cherche à développer l’action populaire des masses et fait confiance au prolétariat même dans sa propre usine ; il multiplie les congrès, il amène tous les deux ans depuis 1885 avec le cardinal Benoît-Marie Langénieux, industriels et ouvriers en pèlerinage à Rome.
Maurice Maignen, l’initiateur des premiers cercles d’ouvriers dès les années 1860, est plus tourné vers l’action sociale et l’évangélisation du prolétariat.
Socle doctrinal : Rerum Novarum du pape Léon XIII
Ces catholiques dit « intransigeants » — parce qu’ils ne voulaient pas se séparer de la doctrine intègre de l’Église — se sont opposés à l’esprit moderniste du Monde qui voulait lui, se séparer de l’Église et de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ils furent hardis et innovants dans leurs idées sociales et plusieurs de leurs idées ont été reprises par l’Église Elle-même. Spécialement — mise en forme et précisées — dans l’encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII publiée en 1891 :
Le mouvement initié par Albert de Mun et La Tour du Pin est volontairement et systématiquement à la recherche de contacts avec l’étranger, en particulier avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie où des cercles d’études similaires, opposés au libéralisme économique et au socialisme existent. Incité peut-être par l’exemple de l’Internationale Socialiste, La Tour du Pin et Mgr Gaspard Mermillod, évêque de Lausanne et Genève, ont l’idée de provoquer en 1884 la création d’un comité chargé de coordonner les recherches des différents groupes. Le siège choisi est Fribourg et la présidence en est confiée à Mgr Mermillod.
Les rencontres prennent de l’ampleur puisque cette Union de Fribourg compte soixante membres en 1891. Les Français Louis Milcent et René de la Tour du Pin s’y distinguent, défendant en particulier l’idée de corporatisme ; les princes Karl von Löwenstein et Aloys von Liechtenstein, ainsi que les comtes Gustav von Blome et Franz von Kuefstein dominent la délégation germano-autrichienne. Parmi les quinze membres suisses, Gaspard Decurtins joue un rôle actif, préconisant entre autres une conférence internationale sur le travail. Il y a aussi le Père Liberatore, jésuite italien, disciple en matière sociale et politique de Taparelli d’Azeglio. Des thèmes communs se dégagent de leurs travaux qui abordent de nombreuses questions comme le syndicalisme, le régime corporatif, l’organisation de l’industrie, la question agraire, le salaire, les assurances ouvrières, la réglementation internationale de la production industrielle (18).
Certains des principes élaborés dans ce centre d’études de Fribourg sont repris au moment de la préparation de l’encyclique de Rerum Novarum : Gaspard Mermillod fait partie du « comité intime » que Léon XIII, soucieux de la misère ouvrière et de la question sociale a mis en place dès 1882 pour étudier le sujet ; le Père Liberatore est choisi pour être le rédacteur de la toute première version de 1890 et le relecteur de la seconde (19). Cette validation de la part du Saint-Siège (même si toutes les idées de l’Union de Fribourg ne sont pas retenues, comme celle du corporatisme, et que la rédaction finale de Léon XIII garde une indépendance par rapport aux différentes écoles) donne à l’Union le rôle prestigieux d’atelier de la doctrine sociale de l’Église.
Les intuitions du premier catholicisme social, les réalisations accomplies, les thèses élaborées dans l’Union de Fribourg, l’influence de prélats comme Mgr Henry Edward Manning, archevêque de Westminster en Angleterre ou Mgr James Gibbons, archevêque de Baltimore aux États-Unis, alarmés eux aussi par les conséquences de la révolution industrielle, contribuent à renouveler le discours social de l’Église. Leurs idées, longtemps contestées, sont finalement partagées et reprises par le pape Léon XIII et Rerum Novarum est la première encyclique consacrée aux questions sociales que l’Europe et les États-Unis affrontent à cette époque.
Cette Encyclique a vraiment été la charte de travail fixée par l’Église. Dans ce texte Léon XIII dénonce d’abord les idées « socialistes » et justifie le Droit à la propriété privée (qui était déjà attaqué par le socialisme et combien plus ensuite par le communisme) tout en ordonnant l’usage des biens possédés au bien commun. Il veut affranchir l’homme – surtout l’ouvrier – de la précarité ; le droit de propriété est la condition d’une liberté réelle. Mais les excès du libéralisme sont également condamnés et l’intervention de l’État dans l’économie est légitimée. Léon XIII y défend le juste salaire, le droit à constituer des associations professionnelles, la nécessité d’adapter les conditions de travail des enfants et des femmes, et bien évidement le repos dominical… nombre de points qui sont repris par la législation sociale qui se met en place à l’époque. Fondamentalement, son propos vise à réveiller les consciences de ses contemporains et à ouvrir des chemins en vue d’un ordre social qui dépasse l’opposition entre classes, et permette d’établir la société dans la concorde et l’harmonie.
Cette Encyclique met en évidence les questions éthiques inhérentes à l’ordre économique et établit la légitimité de l’Église à s’exprimer sur les questions sociales. Elle situe l’Église dans une position critique à la fois envers le socialisme collectiviste et le libéralisme individualiste, position qui restera une constante de toute la Doctrine Sociale de l’Église.
Pour le catholicisme social, l’Encyclique Rerum Novarum, prise de position officielle de l’Église catholique, est un encouragement inespéré. Ses initiatives en cours se développent plus rapidement et il inspire de plus en plus d’activités : œuvres de caractère social, mais aussi partis politiques ou syndicats d’inspiration chrétienne. Dès lors, au cours des décennies qui suivent, il prend des formes très diverses, intervient dans des domaines multiples, parfois en lien étroit avec l’Église, parfois de façon plus autonome.
Les multiples créations qui jalonnent cette période prennent toutes leur origine dans ce courant de pensée : des « catholiques sociaux » en sont parfois les fondateurs ou y adhèrent naturellement. Il est impressionnant de voir toutes les initiatives qui sont venues de ces catholiques — beaucoup de laïcs mais aussi de prêtres parfois — dans le domaine social.
Rappelons encore une fois, beaucoup de choses très importantes comme : les Allocations Familiales ; les Allocations Logements ; les allocations pour les études ; les associations de Familles Nombreuses ; les Patronages paroissiaux (qui sont à l’origine des “Colonies de Vacances”) ; les jardins pour les ouvriers ; et bien d’autres choses…
L’Église a aidé les personnes en difficulté, les pauvres, les nécessiteux, les personnes malheureuses… en les amenant, autant que possible, à l’autonomie et non pas seulement à l’assistanat.
Et bien sûr… le Démon était à l’œuvre… Quand l’Église travaille, le Démon travaille aussi pour tout détruire…
Il y eu des “courants libéraux” qui entraînèrent des gens – des fois de bonne foi ! – et qui ont essayé de miner ce mouvement intègre de l’Église : il y eu Hugues-Félicité Robert de Lamennais, Charles Forbes René, comte de Montalembert, et même Jean-Baptiste-Henri Lacordaire, en religion le père Henri-Dominique Lacordaire, s’est laissé entraîner par ce courant libéral…
Hugues-Félicité Robert de Lamennais | Charles Forbes René de Montalembert | Père Henri-Dominique Lacordaire |
Lancé en octobre 1830 par Lamennais, dans un contexte très anticlérical, un nouveau journal marie ultramontanisme (défense de la souveraineté absolue du pape en matière religieuse) et libéralisme (défense de la liberté de conscience, de la liberté d’expression), aspirations démocratiques et catholicisme. Dans ce journal L’Avenir, des thèses qui formeront la base du catholicisme libéral, mêlent la doctrine contre-révolutionnaire traditionnelle telle que l’avait développée Joseph de Maistre et la pensée libérale héritée des Lumières et de la Révolution dite française.
Son rédacteur en chef est Lamennais, secondé par les abbés Philippe Gerbet et Henri Lacordaire, qui devient rapidement l’un des amis les plus proches de Montalembert. Le 7 décembre 1830, les rédacteurs de l’Avenir résument leurs revendications : ils demandent la liberté de conscience, la séparation de l’Église et de l’État, la liberté d’enseignement, la liberté de la presse, la liberté d’association, la décentralisation administrative et l’extension du principe électif.
Le 30 décembre 1831, Lacordaire, Lamennais et Montalembert, les « pèlerins de la liberté », se rendent à Rome. D’abord confiants, ils déchantent vite face à l’accueil réservé qui leur est accordé. Le 15 août 1832, le pape Grégoire XVI, sans les nommer, condamne leurs idées libérales par l’Encyclique Mirari Vos. Les condamnés se soumettent et renoncent à faire reparaître le titre. Lamennais, est condamné une nouvelle fois par le pape en 1834 à la suite de la publication des Paroles d’un croyant.
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Ensuite il y eu des condamnations explicites de l’Église comme Le Sillon de Marc Sangnier qui était un mouvement social catholique avant de dévier vers le Modernisme et que Saint Pie X condamna par la lettre pontificale du 25 août 1910 Notre charge apostolique et, accusé de « modernisme social », le mouvement se dissout de lui-même
En 1891, le pape Léon XIII prône une ouverture de l’Église sur la société dans son encyclique Rerum Novarum. C’est dans la brèche ouverte par cette politique de ralliement de l’Église à la République que naît, en 1894, Le Sillon, et la revue du même nom, créée par Paul Renaudin, puis dirigée par Marc Sangnier.
D’abord journal philosophique, Le Sillon devient à partir de 1899 un vaste mouvement destiné à réconcilier les ouvriers et le christianisme. Il fédère puis intègre en 1905 les nombreux « cercles d’études catholiques », où jeunes et prêtres discutent de religion, de société. L’ambiance est nouvelle : la vérité ne tombe pas du haut, de l’institution, c’est l’échange qui prime. L’engouement populaire est rapide et massif : jusqu’à 500 000 membres en France. En 1906, on compte 46 % d’ouvriers, 27 % d’employés, 12 % de professions libérales, 9 % d’ecclésiastiques et 3 % de patrons. À cette époque, Le Sillon bénéficie de l’appui du pape Pie X et de l’épiscopat français.
Mais trop moderniste et républicain par rapport au reste de l’Église, traumatisée en 1905 par la loi de séparation de l’Église et de l’État, le mouvement est de plus en plus critiqué, notamment parce qu’il affirme l’autorité des chrétiens sur l’Église et non celle du pape et des évêques. Le Sillon est finalement condamné par la lettre pontificale du 25 août 1910 Notre charge apostolique et, accusé de « modernisme social », le mouvement se dissout de lui-même (20). En 1912, Marc Sangnier fonde la Ligue de la Jeune République dans le prolongement de ce catholicisme social.
La Jeune République représentait un courant catholique social opposé, avant-guerre, à celui du Parti Démocrate Populaire orienté au centre-droit. Elle s’est ralliée au socialisme « personnaliste » prôné par Emmanuel Mounier. La Jeune République ne dépassa jamais 2 à 3 % des voix lors des élections législatives. En 1936, elle soutint le Front Populaire, et après un court regain à la Libération, déclina jusqu’aux années 80, après avoir refusé de fusionner avec le Parti Socialiste.
On peut citer aussi les prêtres ouvriers, plus tard dénommés « prêtres au travail », qui étaient des prêtres de l’Église catholique insérés dans la vie professionnelle, et notamment travailleurs salariés. Initié dans les années 1940-50, ce mouvement fut qualifié par le dominicain Marie-Dominique Chenu de « plus grand événement religieux depuis la Révolution française » (21), avant d’être condamné par Pie XII en 1954. Après le conciliabule Vatican II (d’Eux), l’anti-Pape Giovanni Battista Montini alias Paul VI autorisa bien sûr à nouveau ces « établis ».
Dans le contexte de la guerre froide, le pape Pie XII décide en 1954 d’arrêter l’expérience des prêtres ouvriers en leur demandant de se retirer des usines. Ils sont alors une centaine, et l’Église craint entre autres leur imprégnation par le Parti Communiste Français (22). La plupart obéissent et démissionnent de leurs emplois, mais quelques-uns restent au travail, en se mettant ainsi consciemment en faute vis-à-vis de l’Église. Et en 1959, c’est au tour des prêtres marins de la Mission de la mer d’être condamnés par le Vatican (23). L’ordre est donné alors à tous les prêtres embarqués et aux marins-pêcheurs de quitter leur embarquement.
La situation se retourne complètement en 1965, puisqu’après le conciliabule Vatican II (d’Eux) « Ils ont TOUT détruit » : le 23 octobre 1965, l’antipape Paul VI autorise à nouveau aux prêtres le travail dans les chantiers et les usines. Ils sont alors organisés sous la responsabilité de la Mission Ouvrière. En 1976, ils atteignent le nombre de 800 en France (24). De façon saisissante, malgré la différence d’approche, cette expérience est analogue à celle des trotskystes ou, dans les années 1970, des maoïstes qui s’« établissent » en usine.
Le Pape Pie XI va faire une seconde Encyclique — la dernière grande Encyclique sur la question sociale du travail — “quarante ans après”, c’est « Quadragesimo anno » publiée le 15 mai 1931, 40 ans après Rerum Novarum (d’où son nom, en latin « dans la quarantième année »). Écrite en réponse à la Grande Dépression, elle préconise l’établissement d’un ordre social basé sur le principe de subsidiarité.
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En pleine crise économique mondiale, Pie XI reprend et approfondit les réflexions de Léon XIII sur la question sociale. Dans Quadragesimo anno, le socialisme et le libéralisme (avec ses différents degrés) sont condamnés et rejetés en raison de leur matérialisme. Mais si une distinction est faite entre le communisme et le socialisme, notamment le socialisme réformateur leur condamnation est encore plus explicite. Le libéralisme est l’objet d’une critique extrêmement sévère. Plus indulgent avec le capitalisme qui n’est pas mauvais en soi, en rappelant le bon usage qui doit être fait du Capital pour le bien commun, Pie XI rappelle que tout repose en fait dans le travail et dans la société sur deux vertus chrétiennes qui sont la justice et la charité. Il appelle à une transformation des institutions au nom de la justice : charité et justice sont nécessaires et il faut donc pour améliorer les conditions de la société christianiser la vie sociale.
Pie XI s’appuie pour la partie théorique du texte sur les travaux d’Oswald Nell-Breuning (1890-1991), théologien et sociologue jésuite allemand proche des milieux syndicaux de tendance libérale : « une société sociale » doit reposer sur les trois principes de personnalité, solidarité, subsidiarité. L’encyclique s’inspire également de ce que dit Nell-Breuning sur les relations travail-capital, sur l’importance des syndicats, sur la question de la cogestion et elle reprend son argumentation par rapport au marxisme. Tout en prolongeant Rerum Novarum, Pie XI innove sur ces questions.
Pour la partie suivante qui concerne l’analyse des situations, il a consulté parmi les experts le Père Desbuquois de l’Action Populaire (France). Les trois chapitres de cette partie sur les transformations du monde industriel et du système capitaliste, les évolutions du socialisme et l’état des mœurs, mêlent analyse et jugement éthique, et débouchent explicitement sur des options, tout en indiquant des remèdes : non à la dictature économique des monopoles, des cartels ou de l’État ; oui à la restauration d’une saine et libre concurrence sous la vigilance des pouvoirs publics ; non au socialisme, contradictoire avec le christianisme, oui à l’action sociale ; non à la « ruine des âmes » découlant de la déchristianisation de la vie sociale, oui à la rationalisation chrétienne de cette vie, appuyée sur la charité. La finale insiste sur le rôle de l’action catholique (25).
Ensuite Pie XII a dû lutter contre le communisme qui reprenait une grande vigueur à ce moment-là — des catholiques ouvriers étaient fortement attirés par le courant politique communiste. Pie XII a fait des discours aux ouvriers en rappelant que l’Église appelle et travaille à protéger les droits des ouvriers, à avoir une vie digne de leur travail, à la justice sociale, et à la charité entre les classes sociales. Et donc, il a institué cette fête de Saint Joseph Artisan mais pour la plus part des gens — pour le Monde —, cette fête est restée une fête socialiste.
L’Église, par son action bienfaisante, a toujours procuré à l’humanité, à la société, de très grands avantages. Il est très important de le rappeler parce qu’aujourd’hui le Monde ne perd aucune occasion pour traîner publiquement l’Église dans la boue et dans les calomnies. Et il est vital de rappeler que l’Église n’a jamais été obscurantiste. L’Église est depuis 2000 ans la Lumière — selon la demande de Notre Seigneur Jésus-Christ — sur le chandelier qui éclaire le monde (26) ; le Sel qui a donné goût à toutes les œuvres humaines. (27)
L’Église a promue la Science contrairement à ce le Monde dit ; Elle est la seule puissance au monde qui a pris à cœur l’instruction des peuples, des petits, des pauvres ; c’est l’Église qui a créé les écoles ; c’est l’Église qui a créé l’université. De tous temps l’Église a favorisé la Science ! de tous temps l’Église a fourni de grands savants.
Nous pourrions rappeler les innombrables bienfaits sociaux… on a parlé du travail mais considérons l’esclavage : l’Église a lutté contre l’esclavage. C’est grâce à l’Église que l’esclavage a été aboli.
Considérons le relèvement des mœurs familiales : c’est l’Église qui a donné sa dignité aux familles et aussi à la femme dans la famille !
Tout s’effondre quand l’Église n’est plus écouté : c’est ce que l’on voit et constate aujourd’hui…
Nous pourrions parler aussi des Œuvres de Bienfaisances que l’Église a faites dans tous les domaines. On pourrait rappeler que les Ordres religieux ont pratiqué toutes les œuvres de bienfaisances au travers les siècles… en commençant bien évidemment envers les malheureux, envers les malades, et souligner spécialement combien d’Ordres religieux ont été des ordres hospitaliers pour soigner les malades ; les hôpitaux aussi ont été créé par l’Église ! combien d’Hôtel Dieu ? certains comme à Marseille sont aujourd’hui transformé en palace cinq étoiles pour les fortunés…
L’Église est comme Notre Seigneur Jésus-Christ, Elle a passé son temps depuis 2000 ans à faire le bien. Nous pourrions essayer de comprendre cela – si s’était possible ! – en rayant de l’Histoire du monde tout ce que l’Église a fait durant vingt siècles dans les trois domaines du VRAI (la science), du BIEN (dans tous les domaines), et du BEAU (les arts)… et on pourrait constater avec épouvante, l’énorme vide que l’absence de l’Église aurait fait durant 2000 ans dans le monde.
La première cause des malheurs qui frappent le Monde actuel et notre patrie la France, c’est le rejet de la Foi catholique… c’est l’apostasie des nations. On ne veut plus de Notre Seigneur Jésus-Christ et de la Doctrine de l’Église ; les gouvernants se sont séparés du règne du Christ… ils ne veulent plus de la Foi et du Décalogue, dans les individus, dans les familles, et dans les institutions. Il y a même plutôt un combat de tout cela par des lois impies contre le Règne du Christ.
Nous pourrions citer beaucoup de choses en commençant par la séparation de l’Église et de l’État qui a tout de suite été condamnée par Saint Pie X ; la laïcisation de toutes les institutions — il faut que tout soit laïc et ne considère jamais Dieu et la Loi de Dieu ; la liberté des mœurs ; la liberté de la presse ; l’avortement ; le divorce ; et maintenant, l’approbation des unions les plus immorales !
La seule solution, pour nous catholiques semper idem et providentialistes est :
Le Christ Roy de France, la dernière solution !
Depuis le jour de la Pentecôte, ils sont deux à vouloir régner et ils lutteront jusqu’à la fin du monde pour que leur règne arrive.
Il veut régner sur la France et par la France sur le monde. Il règnera malgré tous Ses ennemis.
À chacun de s’y préparer. À chacun d’y répondre en son âme et conscience ! Notre salut éternel et celui de la chrétienté en dépendent.
En attendant, « Ora et labora », “priez et travaillez”, étudiez la Doctrine sociale du Christ :
- Avec Pie IX : L’Encyclique Quanta cura (1864)
- Le Syllabus, liste de 80 propositions condamnées par l’Église, qui accompagne cette encyclique, la même année.
- Avec Léon XIII : les Encycliques citées dans l’article et d’autres comme Immortale Dei, 1885, sur les rapports entre l’Église et l’État.
- Avec Pie XI : Quadragesimo anno et l’Encyclique Quas Primas, instaurant la fête du Christ-Roi, qui encourageait les catholiques mexicains à la résistance.
Et nous devons prendre en exemple, à notre petite place, tous ces catholiques intransigeants (comme on disait autrefois) donc intégraux, du 19è et 20è siècle, qui d’un côté étaient fidèles aux principes donnés par les [vrais] Papes et de l’autre côté ont œuvrés autant qu’ils ont pu, chacun dans leur domaine, chacun selon leur devoir d’état et leur compétence pour le Règne du Christ.
Que Sa sainte volonté soit faite !
[1] En français : « prie et travaille » est une expression latine qui est venue à exprimer la vocation et vie monastique bénédictine de louange divine alliée au travail manuel quotidien.
[2] Genèse 41:55 : « Puis tout le pays d’Égypte fut aussi affamé, et le peuple cria à Pharaon pour avoir du pain. Et Pharaon dit à tous les Égyptiens : “Allez vers Joseph, faites ce qu’il vous dira.” »
[3] Cité dans le cours de Georges Hourdin, aux Semaines Sociales de 1947.
[4] Jean-Baptiste Duroselle, Les débuts du catholicisme social en France (1822-1870), Presses Universitaires de France, 1951, 788 p.
[5] J-B Duroselle 1951, p. 7.
[6] J-B Duroselle 1951, p. 29.
[7] J-B Duroselle 1951, p. 38.
[8] J-B Duroselle 1951, p. 165.
[9] J-B Duroselle 1951, p. 294.
[10] J-B Duroselle 1951, p. 507.
[11] J-B Duroselle 1951, p. 549.
[12] J-B Duroselle 1951, p. 646.
[13] David Lathoud, Marie-Pauline Jaricot, II, Victime pour la France et pour la classe ouvrière, Paris, Maison de la Bonne Presse, 1937, p. 12-13 (préface de Joseph Lavarenne) et p. 103
[14] Adrien Albert Marie, comte de Mun, né au château de Lumigny (Seine-et-Marne) le 28 février 1841 et mort à Bordeaux le 6 octobre 1914, était un député français, élu de Morlaix (Finistère) et théoricien du corporatisme chrétien.
Siégeant à l’extrême-droite, il est légitimiste et défend la Restauration monarchique jusqu’à la mort du comte de Chambord et l’encyclique Au milieu des sollicitudes (1892) prônant le ralliement des catholiques à la République. Adversaire du libéralisme comme du socialisme, il défend nombre de réformes sociales dans un esprit particulier, inspiré du corporatisme d’Ancien Régime : c’est ainsi que sa pensée influença différents mouvements chrétiens, d’abord du catholicisme social, puis de tendances opposées comme la démocratie chrétienne ou la gauche chrétienne protestante, le christianisme social. Ayant soutenu un temps le général Boulanger puis devenu anti-dreyfusard, il fonde l’Action Libérale Populaire après la victoire du Bloc des gauches en 1902, s’opposant de façon virulente à la loi de séparation des Églises et de l’État, puis défend le réarmement de la France.
[15] François René de La Tour du Pin Chambly de La Charce était est un officier et homme politique français, inspirateur en France du catholicisme social, né le 1er avril 1834 à Arrancy (Aisne), non loin de Laon en Picardie, et décédé le 4 décembre 1924 à Lausanne, en Suisse.
[16] « Albert de Mun », dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), sous la direction de Jean Jolly, PUF, 1960.
[17] Émile Poulat
[18] Victor Conzemius, « Union de Fribourg » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
[19] D’après Olivier de Dinechin, CERAS
[20] Claude Bressolette, La Papauté, éditions de l’Atelier, 2002, p. 26-27
[21] Qui a peur des curés rouges ?, L’Histoire n° 285 – 03/2004
[22] Les prêtres-ouvriers Fiche média INA – Jalons – Les prêtres-ouvriers
[23] Nathalie Viet-Depaule, « Les prêtres ouvriers : expérience et interdiction », émission Histoire du christianisme sur RCF, 30 janvier 2013
[24] Les prêtres-ouvriers Fiche média INA – Jalons – Les prêtres-ouvriers
[25] D’après Olivier de Dinechin, 15 septembre 2012, CERAS (centre d’études et d’action sociale).
[26] Notre Seigneur Jésus-Christ utilise souvent des métaphores pour souligner les points importants de son enseignement. En Matthieu 5.14-16, il compare ses disciples à la lumière. Voici ce qu’il dit :
Mt 5.14. « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située au sommet d’une montagne ne peut être cachée ;
15 et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.
16 Qu’ainsi votre lumière brille devant les hommes, afin que, voyant vos bonnes œuvres, ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. »
[27] De même en Matthieu 5.13 : « Vous êtes le sel de la terre. Si le sel s’affadit, avec quoi lui rendra-t-on sa saveur ? Il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes. »