Un appel aux vivants en faveur des morts
Je vous propose un texte magnifique du R.P. James Mumford, s.j., (1606-1666), qui décrit les Précieux Avantages de la Charité envers les Âmes du Purgatoire.
James Mumford
L’auteur James Mumford est cité dans le Wikipedia de langue anglaise. Il est défini comme suit :
James Mumford (c.1606 – 9 March 1666) was an English Jesuit and Catholic controversialist.
Born in Norfolk or Suffolk, Mumford became a Jesuit novice in 1626, was ordained priest at Liège around 1635, and made his Jesuit profession in 1641. He taught in the Jesuit colleges at St Omer, Watten, and Liège, where he was elected rector in 1648. He returned to England in 1650, based in Norwich as a member (and possibly later rector) of the Jesuit College of the Holy Apostles, which comprised the Jesuits’ English mission to eastern counties. In the late 1650s he was arrested, displayed in the city streets, and imprisoned. After no witnesses were found to accuse him of the crime of being a priest, he was discharged and returned to mission work.
Aside from his controversial writings, Mumford wrote several works on purgatory.
Ceci est un extrait de l’article James Mumford de l’encyclopédie libre Wikipedia. La liste des auteurs est disponible sur Wikipedia.
Traité de la Charité
qu’on doit avoir pour les Morts
Extraits du Révérend Père James Munford (ou Mumford) de la Compagnie de Jésus
Tractatus de Misericordia Fidelibus Defunctis Exhiba, 1666.
Autre titre : Précieux Avantages de la Charité envers les Âmes du Purgatoire.
« Si quelqu’un donne un verre d’eau seulement à un de ces plus petits, je vous dis en vérité qu’il ne perdra pas sa récompense » (Math.XI, 42)
En offrant à Dieu nos bonnes œuvres pour les âmes du Purgatoire, loin d’y perdre, nous y gagnons beaucoup. Expliquons un peu en détail cette consolante vérité.
Toute bonne action est méritoire, si on la fait avec une intention pure ; si petite qu’elle paraît, sa récompense sera grande au dernier jour, lorsque le Juge souverain, se tournant vers les élus, leur dira : « Venez les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé, car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire… » (ib. XXV, 24.) Remarquez ici pourquoi les élus sont appelés au Royaume céleste. C’est, dit le Juge, parce que j’ai eu faim et que vous m’avez donné à manger, etc. Aussi en parlant à chacun d’eux, il leur dit : Ô bon et fidèle serviteur, parce que vous avez été fidèles dans les moindres choses, je vous en donnerai de grandes ; entrez dans la joie de votre Seigneur. (ib. XXV, 23) C’est donc la fidélité et le soin que nous apportons à faire les bonnes œuvres, qui est la vraie cause pour laquelle le Sauveur comble de joie ses saints dans le Ciel.
Les bonnes actions que nous faisons non seulement sont méritoires, mais elles sont impétratoires, c’est à dire qu’elles nous obtiennent des grâces actuelles, même sans que nous les demandions ; et ces grâces, nous pouvons les transférer au prochain avec un grand accroissement de mérites et de nouvelles grâces pour nous-mêmes.
Enfin, les bonnes œuvres sont satisfactoires, c’est à dire qu’elles obtiennent de la justice de Dieu la rémission des peines dues aux péchés dont nous avons déjà obtenu le pardon ; et ces satisfactions, il nous est permis de les employer à payer, non pas nos propres dettes, mais celles des pécheurs pénitents, et surtout des âmes du Purgatoire.
Nous venons de voir comment le mérite, l’impétration et la satisfaction se rencontrent dans nos œuvres. On ne perd donc rien du mérite de ses prières et de ses aumônes, quand on les offre pour les âmes de ses frères. Au contraire on l’augmente de beaucoup, parce que la Charité qui se joint aux vertus les relève extrêmement et gagne un plus haut degré de gloire, comme nous le verrons.
En appliquant aux âmes du Purgatoire mon aumône, je leur cède toute la satisfaction que je pourrais faire par cette aumône pour mes propres péchés à la Justice divine, et je prie le souverain Juge de l’expiation des leurs. Si donc je donne à un pauvre, tout le mérite est pour moi, toute l’impétration est pour moi ou pour ceux à qui je veux l’appliquer, mais la satisfaction n’est pas pour moi, elle est pour les morts, à qui je la donne toute entière ; je satisfais pour leurs fautes et non pour les miennes.
On n’y perd rien néanmoins : au contraire on y fait un gain très considérable. On en doit croire le Saint Esprit, qui en parlant d’un homme charitable, dit qu’il fait du bien à son âme, (Prov. XI, 17) bien loin de lui faire tort.
Cette vérité se prouve par l’autorité de Saint Thomas ; ce saint docteur enseigne que lorsque, par charité, un homme souffre pour un autre, la satisfaction ou la pénitence est plus agréable à Dieu que s’il souffrait pour lui-même. « Car, dit-il, l’un est l’effet d’une ardente charité, et l’autre d’une inévitable nécessité. » (lib. III contra gent. Ch. VIII). La divine vertu de charité relève les choses les plus petites et les rend agréables aux yeux de Dieu.
Comme donc une bonne action d’elle-même est méritoire, elle l’est incomparablement davantage quand on y ajoute le motif de la charité envers les pauvres âmes du Purgatoire.
Figurons-nous un instant deux hommes tout à fait égaux en mérites ; supposons après cela que l’un des deux donne un verre d’eau à un pauvre pour l’amour de Jésus-Christ, et que l’autre ne donne rien. Dès lors leurs mérites ne sont plus égaux, et si au même moment ils viennent à mourir tous les deux, il est hors de doute que celui qui a donné le verre d’eau aura un degré de gloire au-dessus de l’autre, et que pendant toute l’éternité il jouira de Dieu plus parfaitement. Si nous avions donc pour Dieu et pour nous-mêmes un véritable amour, nous ne croirions pas acheter bien cher ce degré de gloire, quand il nous faudrait endurer tous les supplices du monde, et même les peines du Purgatoire pour l’obtenir. Ne faut-il donc pas être insensé pour mépriser un si grand bien ?
Je dis de plus, que d’offrir pour les âmes du Purgatoire ses prières et ses aumônes est une œuvre excellente entre les autres œuvres de miséricorde. Car celui qui tire une âme du Purgatoire et qui lui ouvre le Ciel, lui donne non pas un verre d’eau froide, mais la source toute entière de cette eau qui rejaillit jusqu’à la vie éternelle (St. Jean, IV, 14) ; de cette eau dont elle a une telle soif, qu’elle brûle jour et nuit sans se pouvoir le moindre rafraichissement. Il la revêt, non pas d’un habit que le temps consume, mais de la robe d’immortalité, qui la défendra éternellement du froid et de la chaleur.
Comprenez, si vous le pouvez, quel doit être le prix d’une œuvre si héroïque.
Ceux qui sont affectionnés aux âmes du Purgatoire reçoivent du ciel tant de grâces qu’à moins d’une extrême négligence ils feront de rapides progrès dans la vertu. Car ces âmes, en reconnaissance, leurs obtiennent pour cela de puissants secours du ciel.
Denys le Chartreux rapporte une vision de Sainte Brigitte, qui entendit quelques-unes de ces âmes dire à haute voix : « Seigneur, Dieu tout puissant, rendez le centuple à ceux qui nous assistent de leurs prières auprès de Vous, pour nous faire jouir de la lumière de Votre Divinité ».
Ces pauvres âmes savent de quels horribles tourments elles ont été délivrés par nos prières et nos bonnes œuvres ; elles sont si heureuses d’avoir commencé à voir Dieu un jour, une heure, un moment plus tôt qu’elles ne le devraient ! Il ne faut pas croire, que pour être élevées en gloire, ces âmes en soient moins reconnaissante, non l’ingratitude n’habite pas au Ciel !
Je tiens à répéter, pour le bien faire comprendre, que toutes nos prières et nos bonnes œuvres sont méritoires, impétratoires et satisfactoires ; qu’en tant qu’elles sont méritoires, il n’y a que nous qui en profitons ; que comme impétratoires, elles peuvent être utiles et à nous, et à tous ceux pour qui nous voulons obtenir de Dieu quelques grâces ; que comme satisfactoires, elles ne servent qu’à nous seuls, à moins que nous n’en fassions un transport à d’autres personnes, ou aux âmes du Purgatoire ; et qu’en ce cas toute la satisfaction appartient à ceux en faveur desquels nous nous en privons.
C’est une erreur trop commune de s’imaginer que quand on s’adonne tout de bon à secourir les âmes du Purgatoire, on ne puisse pas faire des prières en l’honneur de la Bienheureuse Vierge Marie ou des Saints, ni offrir à Dieu ses prières et ses aumônes pour soi-même ou pour ses amis ; car nous conservons le droit de disposer librement de la valeur impétratoires de nos œuvres, et tant s’en faut que l’application qu’on fait de ses prières et aumônes aux âmes des défunts soit incompatible avec d’autres intentions, que c’est à l’égard de Dieu une puissante raison pour accorder toutes les grâces qu’on lui demande.
Saint Thomas dit que, les prières qu’on fait pour les morts sont mieux reçues, et plus souvent exaucées de Dieu, que celles qu’on fait pour les vivants, parce que les morts ont plus besoin de ce secours, n’étant pas comme les vivants, en état de s’aider eux-mêmes et de mériter que Dieu les soulage. (In Supp. q. I. XXI. art. 5.)
Que ceux qui ont été lents et paresseux à secourir les défunts, et qui n’ont pas eu de compassion de leurs peines, sachent qu’on les traitera de la même manière qu’ils auront traité les autres, (Denys le Chartreux). Cette opinion doit effrayer beaucoup de chrétiens, qui prient rarement pour les morts.
En priant pour nos chers défunts, il est bon d’avoir des intentions supplémentaires pour le cas où celui pour lequel on prie ne serait pas dans le Purgatoire. On peut dire, par exemple : « Je désire que si l’âme pour laquelle je dis ces prières, j’offre cette messe, n’est pas en état d’en profiter, si elle n’est plus au Purgatoire, je désire que le fruit en soit appliqué à celle dont la délivrance rendra plus de gloire à Dieu, ou à celle que la Sainte Vierge aime davantage… » etc.
Il n’est pas croyable combien la miséricorde qu’on exerce envers ces âmes donne de vertu à nos bonnes œuvres. Cet acte est si excellent qu’il contient toutes les œuvres de miséricorde corporelle. Or parmi les œuvres saintes, il n’y en a guère qui plus capable de gagner le cœur de Dieu que les œuvres de charité. C’est ce que veut dire le Sauveur par ces paroles : « Bienheureux sont les miséricordieux, car on leur fera miséricorde. » (Matth. V. 7), et par ces autres : « On se servira pour vous de la même mesure dont vous vous serez servis pour les autres… » (Marc IV.24). Et comme si ce n’était pas encore assez, Il ajoute : « on vous donnera même davantage. »
Mais quelle est cette mesure dont on se servira pour nous, et que nous donnera-t-on par-dessus ? Écoutons le Sauveur même qui l’explique admirablement et en peu de mots en Saint Luc : « Donnez, dit-Il, et on vous donnera une mesure pleine, pressée et surabondante » (S. Luc VI, 38). De quels termes plus énergiques pouvait-Il user pour exprimer la grandeur de cette mesure ? Mais qui n’attendrait d’une bonté infinie des dons ineffables ? Ne serait-ce pas un aveuglement étrange que de vouloir mesurer notre libéralité à celle de Dieu ? Si donc nous autres, qui sommes pleins de malice, nous ne laissons pas faire de bien à nos frères, si nous sacrifions tout pour les délivrer de leurs peines et pour avancer leur bonheur, n’avons-nous pas sujet d’espérer qu’un Dieu, infiniment riche et infiniment libéral, récompensera notre charité par une excessive profusion de grâces ?
Immense avantage d’offrir pour les morts ses œuvres satisfactoires.
Quand je dis à Dieu : Je vous offre cette prière, cette messe, cette aumône pour les âmes du Purgatoire ou pour l’âme d’un tel en particulier ; ce que j’offre là est toute la satisfaction attachée à mes bonnes œuvres : si bien que le fruit que je tirerais de ma prière, de cette messe, de cette aumône, pour l’expiation de mes fautes, ce fruit, dis-je, n’est plus à moi, mais aux âmes à qui je l’ai transmis. Cependant l’acte héroïque de charité que j’ai fait en l’offrant pour elles et en m’en privant moi-même, m’est très utile, et a la vertu de satisfaire à Dieu pour mes propres péchés. Cet acte si noble, si généreux que je viens de faire en faveur des âmes, cet acte est pour moi, et non pour elles, et il contient une manière de satisfaction beaucoup plus parfaite que la plupart ne s’imaginent. Il est d’un mérite extraordinaire ; donc la satisfaction qu’il porte est abondante, puisqu’elle est proportionnée au mérite. C’est le propre des grandes actions, non seulement de mériter une éternelle récompense, mais d’obtenir une rémission abondantes des fautes passées.
Entre les actes qu’on peut faire pour la satisfaction de ses fautes, un des principaux est la contrition. Voici un pécheur qui considère que, par ses désordres, il a offensé un Dieu d’une majesté infinie, et qui, voulant réparer sa faute, prend une ferme résolution de délivrer le plus d’âmes qu’il pourra du Purgatoire, afin qu’étant au ciel, elles bénissent le Seigneur, et Lui rendent en son nom d’éternelles actions de grâce. Or, les honneurs qu’on peut rendre à Dieu ici-bas, pour réparer, n’approchent pas de cette manière sublime et toute divine dont les saints le glorifient dans le ciel. C’est donc là un admirable moyen de satisfaire à la justice de Dieu pour ses propres fautes.
Comme conclusion, disons que plus nous donnons aux âmes du Purgatoire, plus nous gagnons, plus nous nous enrichissons. C’est ce que le Sage nous enseigne par ces paroles : « Il y en a qui donnent ce qui est à eux, et qui en deviennent plus riches » (Prov. XI. 24).
Précieux Avantages de la Charité envers les Âmes du Purgatoire
Quelqu’un me demandera peut-être si, en se réservant à lui seul tout le fruit des œuvres satisfactoires qu’il a faites pendant sa vie, il peut se promettre de ne pas passer par les flammes du Purgatoire. Je ne le crois pas et j’ai sujet de ne pas le croire ! Mais ce que j’ose dire, c’est que si l’on a de la charité pour les âmes du Purgatoire, et que l’on s’emploie tout de bon à les soulager, on peut s’assurer qu’on s’exemptera au moins d’une grande partie des peines que l’on aurait eu à subir au Purgatoire. Dans l’un et l’autre Testament, le Saint Esprit nous assure que la charité cache les péchés, qu’elle en cache une grande multitude, et qu’elle les cache même tous, de sorte qu’aux yeux de Dieu, ils ne paraissent pas davantage que s’ils n’avaient jamais été ; or nous avons vu que le soulagement des défunts est un acte excellent de charité ; il faut donc qu’il couvre et efface les péchés, pourvu qu’on ne conserve point d’affection pour eux.
Si l’aumône, quand on la fait libéralement, car selon Saint Chrysostome, faire l’aumône, ce n’est pas simplement donner, mais donner généreusement, si, dis-je, l’aumône qui n’est qu’une œuvre de miséricorde corporelle, a de si grands privilèges, que dirons-nous de la spirituelle, qui n’a pas d’avantage sur la corporelle, que l’esprit en a sur le corps ? Quelle aumône est plus méritoire que celle qui employée, non pas à remédier aux nécessités du corps, mais à délivrer les âmes des maux extrêmes qu’elles souffrent, alors que sans cette charité, elles gémiraient encore dans les flammes du Purgatoire ?
« Heureux, disait le prophète-roi, heureux est celui qui considère attentivement les nécessités du pauvre, car, au mauvais jour, le Seigneur le délivrera » (Ps. 4,2). Le jour de la mort, qui est à tant d’autres un jour funeste, sera pour lui un jour de bonheur, parce que Dieu le délivrera des mêmes peines dont il aura délivré les autres.
Ô mille fois heureux celui qui s’arrête à considérer la misère du pauvre ! Il est certain qu’au mauvais jour Dieu le délivrera de tout mal.
J’en suis sûr, et ce n’est pas trop présumer de la bonté de Notre Seigneur, qui dit que, « tout le bien que nous faisons au moindre des hommes, c’est à Lui-même que nous le faisons ».
Si donc vous offrez vos prières, vos mortifications et vos aumônes pour les âmes du Purgatoire, le Sauveur, qui prend sur Lui ce bienfait, offrira pour le repos de votre âme tous les travaux de sa vie et toutes les douleurs de sa mort. Ainsi Il rendra âme pour âme, selon que porte la loi. Et de même que vous aurez eu compassion des autres, Il aura compassion de vous, pour vérifier ce qu’Il dit dans l’Évangile, qu’« heureux sont les miséricordieux, parce qu’on leur fera miséricorde. Donnez et l’on vous donnera : Date et dabitur vobis » (St. Luc, VI. 38). Mais de quelle mesure se servira-t-on ? D’une mesure bonne, pressée et surabondante. Pour bien entendre ces paroles, il faut commencer par examiner de quelle mesure nous nous servons à l’égard des autres ; car par là nous jugerons combien grande doit être celle dont on usera à notre égard.
Comme le Divin Maître ne se contente pas de dire que la mesure dont nous nous servons pour les autres est celle que l’on emploiera pour nous, mais qu’il ajoute que cette mesure sera si pleine qu’elle se répandra par-dessus, nous avons lieu d’espérer qu’Il n’usera pas envers nous d’une libéralité médiocre, mais qu’il ouvrira ses trésors et nous communiquera tellement ses satisfactions infinies, que notre Purgatoire en sera, sinon totalement évité, du moins diminué de beaucoup.
Puis enfin, toutes les âmes pour lesquelles nous avons donné nos prières et bonnes œuvres, pour les délivrer de leur extrême souffrance, ne devons-nous pas croire qu’étant dans le Ciel, elles se tiendront obligées d’employer tout leur crédit auprès de Dieu pour nous obtenir un prompt secours ? Sans doute qu’elles viendront nous assister à la mort, et qu’elles amèneront leurs anges gardiens, leurs saints patrons, qui ont eu en cette vie quelques liaisons avec elles ; avec de si puissantes intercessions, n’appréhendons point de brûler longtemps dans le Purgatoire.
Cependant, pour nous ôter tout sujet de crainte, le Fils de Dieu a bien voulu confirmer de sa propre bouche tout ce que nous venons de dire. Denys le Chartreux rapporte que Sainte Gertrude, avait la coutume d’offrir à notre Seigneur toutes ses mortifications et toutes ses prières pour les âmes du Purgatoire. Étant donc proche de la mort, et considérant, comme font les saints, le grand nombre de ses péchés ; et se ressouvenant que toutes ses œuvres satisfactoires avaient été données pour la délivrance des âmes du Purgatoire, elle commença à s’affliger et à craindre qu’ayant tout donné aux autres, elle ne fût condamnée à d’horribles peines. Dans le fort de son inquiétude le Sauveur lui apparut et la consola en lui disant : « Pour vous montrer combien j’ai agréé votre charité à l’égard des morts, dès maintenant je vous remets toute la peine que vous auriez à souffrir en l’autre vie ; et comme je rends cent pour un, je vous donnerai des marques insignes de ma libéralité et vous comblerai de gloire. »
Ne craignons donc pas de souffrir plus longtemps dans les flammes du Purgatoire, lorsque nous tâchons d’en tirer les autres. Croyons plutôt qu’il n’y a pas moyen plus sûr pour empêcher que nous y restions longtemps. Je dirai même que ceux qui craignent de faire ces aumônes spirituelles n’ont pas pour Dieu ni pour elle-même un amour très éclairé ni très pratique, puisqu’ils perdent autant de degrés de gloire qu’ils négligent de faire d’actes de charité ; que la perte qu’ils font est irréparable, et qu’ils s’ôtent par cela le moyen de glorifier Dieu davantage dans tous les siècles.
Je ne dis rien de ces maux extrêmes où sont plongées, et où, jour et nuit, elles gémissent, sans que ces cœurs soient touchés de leurs plaintes.
Je ne dis rien non plus des biens infinis qu’elles voient de loin, et dont elles ne peuvent jouir, manque de secours. Je ne parle point de la joie de leurs bons anges, leur St. Patron, et Jésus-Christ même sont privés par leur indifférence. J’omets enfin ce qu’on pourrait dire de la gloire que nous dérobons à Dieu, lorsque, pouvant sans beaucoup de peine envoyer au ciel des âmes capables de Le louer et de Le bénir, nous n’y pensons point.
Ce n’est pas ainsi qu’en agissaient les Saints. Ste Catherine de Sienne, pour épargner à son père les peines de Purgatoire, s’était offerte à la justice Divine pour souffrir à sa place durant sa vie entière. Dieu l’exauça, lui infligea de vives douleurs d’entrailles jusqu’à sa mort, et admit dans la gloire l’âme de son père. En retour, cette âme bienheureuse apparaissait fréquemment à sa fille, pour la remercier et lui faire des révélations les plus touchantes.
Motif de la charité envers les âmes du Purgatoire, qui est la durée de leurs peines.
Qui pourrait compter les fautes qu’on fait tous les jours dans le monde ? Mais supposons seulement qu’un homme pèche chaque jour dix fois, dites-moi, de combien de jours est composée une année ? De trois cent soixante-cinq. Que faut-il conclure de là ? Que cet homme qui pèche dix fois le jour, aura fait au bout d’une seule année, 3650 péchés ; et je parle ici d’un homme de bien. Il est clair qu’après dix années le nombre de ses péchés se trouvera dix fois plus grand. Ajoutez donc encore un zéro, et il se fera 36 500. Ô l’abominable ! ô l’horreur ! Qui le croirait ? « Vous êtes si jeune, disait St. Augustin parlant de lui-même, et vous êtes un si grand pécheur ! »
Allons encore un peu plus en avant, et donnons à ce jeune homme dix autres années d’une vie assez innocente. En usant de la même multiplication qu’auparavant, on le trouvera augmenté de telle sorte qu’il sera de 73 000 ! Ainsi cet homme, à 25 ou 30 ans, a déjà commis ce prodigieux nombre de péchés ! Que dites-vous à cela, vous qui êtes vieux, et qui avez blanchi dans le vice ? Peut-être que, considérant vos crimes en particulier, vous n’en n’êtes pas effrayé ! « Mais si vous en faites peu de cas, dit St. Augustin, quand vous les pesez, ayez-les en horreur quand vous les comptez. »
Arrêtons-nous quelque temps ici, examinons quelle doit être dans le Purgatoire la punition de cet homme qui meurt au bout de 20 ans, sans jamais être tombé dans aucun péché mortel. Nous le supposons coupable de 73 000 péchés qu’il doit expier ou en cette vie par des travaux de la pénitence ou les effets des sacrements, ou en l’autre par les peines du Purgatoire. Or de la manière qu’on vit dans le monde, combien peu de ces péchés doivent être parfaitement expiés lorsque cet homme paraît au tribunal de Dieu, même s’il a fait quelques efforts pour satisfaire à Sa Justice ! Que Vos jugements, Seigneur, sont impénétrables ! Ils ressemblent à un abîme qui n’a pas de fond.
Mais pourquoi feindre un état imaginaire, et où l’on arrive presque jamais ! Voici comment vivent la plupart des hommes. Ils font des péchés véniels sans scrupule et par conséquent sans nombre et ils font, outre cela, beaucoup de mortels. On en voit même qui vivent une vie de désordres jusqu’à la vieillesse, et ils croient avoir beaucoup fait, lorsqu’ils se sont résolus d’employer une heure à pleurer et à confesser leurs péchés, dont la multitude est si effroyable !…… Je demande après cela si une pénitence d’un moment pour tant de milliers de péchés, ne laisse pas bien de la matière, et pour longtemps, aux flammes du Purgatoire. Si un seul péché mortel pardonné est cause qu’on souffre dans le Purgatoire des peines épouvantables, que souffriront ceux qui ne passent presque pas de jour, ni même d’heure sans commettre des péchés mortels, et qui vieillissent dans cette détestable habitude ? Il est certain que dans cet état ils sont incapables de faire aucune satisfaction convenable à le Justice de Dieu. Il s’ensuit que toute peine temporelle que ces vieux pécheurs ont méritée par tant de crimes, se doit payer dans l’autre monde.
Comment donc ne tremblent-ils pas ? Comment osent-ils remettre leur conversion à la dernière heure de leur vie ?
St. Bernard était un saint, et néanmoins, quand il pense à la multitude de ses péchés, il s’écrie, les larmes aux yeux : « Le nombre de mes péchés surpasse celui des grains de sable qui sont dans la mer. Comment donc paierai-je mes dettes, étant obligé de rendre jusque la dernière obole ? »
C’étaient là les sentiments de ce saint homme dont la vie était austère et pénitente.
Je veux maintenant examiner encore avec St. Bernard de quelle manière la plupart des hommes satisfont à Dieu pour leurs péchés. Les moyens que nous avons pour satisfaire à la justice divine sont le jeûne, la prière, l’aumône, les Indulgences, la Messe, les Sacrements, et les actes d’amour de Dieu, et pour que toutes ces œuvres soient utiles, nous les devons en état de grâce.
Commençons par le jeûne. Quand jeûnent-ils ? Ils jeûnent quelquefois à la vérité, mais ils savent si bien adoucir la peine, et ont tant d’adresse à trouver de quoi contenter leur goût, que leurs repas excitent plutôt qu’ils ne mortifient leur sensualité. Quant aux autres pratiques de mortification, elles leurs sont à peu près inconnues.
Passons du jeûne à l’oraison. Que sont leurs prières, sinon de continuelles distractions ? Avec quelle lâcheté, quelle irrévérence, quelle indévotion, sont-ils en la présence de Dieu ! tant s’en faut que ce peu de bien puisse tenir lieu de satisfaction pour tous les péchés de leur vie.
Venons maintenant à leurs aumônes, si toutefois ils en font. Les pauvres se croient dispensés d’en faire ; les riches en font rarement ; ils font tant de dépenses pour le luxe qu’après avoir payé leurs dettes, il ne leur reste plus rien pour faire la charité, et par là s’acquitter de ce qu’ils doivent à la justice divine pour tant de péchés énormes dont ils sont chargés ; c’est ce qui ne leur vient jamais dans l’esprit.
Il leur reste donc les Indulgences ? Où serions-nous, si Dieu n’avait la bonté de nous donner des indulgences ? Mais il y a tant de paresse, et si peu de foi dans le monde, qu’on ne voit guère de gens, et surtout de grands pécheurs, qui se mettent fort en peine de les gagner. Si bien qu’on peut dire que le mépris d’un don si précieux n’est pas le moindre sujet de la longueur insupportable des peines du Purgatoire.
Il y a un cinquième moyen : c’est le Saint Sacrifice de la Messe. Beaucoup de chrétiens ne connaissent pas suffisamment la grandeur des Mystères divins qui s’accomplissent sur nos Autels ; la faiblesse de leur foi les empêche d’apprécier le trésor qu’ils possèdent dans le divin Sacrifice. Hélas ! ils verront plus tard avec de douloureux regrets combien ils se sont trompés. Souvenons-nous que ce sacrifice est identiquement le même que celui que le Fils de Dieu offrit sur la croix : c’est le même prêtre, dit le saint concile de Trente, c’est la même victime ; il n’y a que le mode d’immolation qui diffère : sur la croix l’immolation fut sanglante, sur nos Autels elle est non sanglante.
Or le sacrifice de la croix étant d’un prix infini, celui de l’autel est aux yeux de Dieu d’une valeur égale. Remarquons toutefois, que l’efficacité de ce divin Sacrifice n’est appliquée aux défunts que partiellement, et dans une mesure connue de la seule justice de Dieu.
Voici un fait attesté par un prêtre des plus respectables du Diocèse de Bruges. Le 13 octobre 1849, mourut dans la commune d’Ardoye, en Flandre, madame Jean Wybo, âgée de 52 ans. C’était une dame pieuse et charitable, et ayant une grande dévotion à la très Sainte Vierge. Une servante appelée Barbe, âgée de 28 ans, l’avait soignée avec dévouement ; après la mort de sa maîtresse, elle resta au service de Monsieur Jean Wybo. Environ trois semaines après sa mort, la défunte apparut à cette servante. C’était au milieu de la nuit ; Barbe dormait profondément, lorsqu’elle s’entendit appeler trois fois par son nom. Elle s’éveille en sursaut, et voit son ancienne maîtresse, assise sur le bord de son lit. À cette vue, Barbe ne fut point effrayée ; l’apparition lui adressa la parole : « Barbe, prenez le petit râteau que je vous ai fait mettre en place bien souvent, remuez le tas de sable dans la petite chambrette du jardin que vous connaissez, vous y trouverez une somme d’argent, employez là pour faire célébrer des messes à mon intention, car je suis encore dans les souffrances. » Je le ferai, répondit Barbe ; et au même moment l’apparition disparut, Barbe se crut d’abord le jouet d’un songe, mais son esprit était si frappé, elle avait été si bien éveillée, elle avait entendu de sa bouche des indications si précises, qu’elle ne put s’empêcher de dire : « Ce n’est pas ainsi qu’on rêve. J’ai bien vu ma bonne maîtresse, et elle m’a parlé. » Elle s’en va donc prendre le râteau désigné, fouille le sable et en retire bientôt une bourse contenant cinq cents francs. Barbe aussitôt s’en va trouver le bon curé d’Ardoye pour le prier de dire des messes, en lui racontant ce qui était arrivé. Celui-ci consentit volontiers à dire les messes demandées ; cependant il voulut d’abord le consentement de monsieur Jean Wybo.
Deux mois après la première apparition, Barbe fut réveillée de nouveau au milieu de la nuit. Cette fois, sa petite chambre était illuminée d’une vive clarté et sa bonne maîtresse, revêtue d’une robe éblouissante de blancheur, se tenait devant elle, et la regardait avec un aimable sourire : « Barbe, lui dit-elle, je vous remercie, je suis délivrée par les messes dites à mon intention. » Après avoir prononcé ces mots, elle disparut.
Après le saint Sacrifice, disons un mot de la puissance de la prière pour le soulagement des pauvres âmes, de la plus petite prière faite à leur intention. En voici un exemple bien frappant. Les annales de l’Ordre séraphique parlent avec admiration du frère Conrad d’Offida, un des premiers disciples de Saint François. Il se distinguait surtout par un grand esprit de prière. Parmi ses frères en religion, il y avait un jeune religieux dont la conduite relâchée troublait la communauté ; mais grâce aux prières de Conrad, il se corrigea et devint un modèle de piété. Bientôt après sa conversion, il vint à mourir, et ses frères firent pour son âme les suffrages de l’Ordre. Peu de jours après sa mort, le bon frère Conrad étant en prière devant l’autel, entendit une voix qui demandait le secours de ses prières. « Qui êtes-vous ? » dit le serviteur de Dieu ; « Je suis, répondit la voix, l’âme du jeune religieux que vous avez si bien ramené à la ferveur. » ; « Mais n’êtes-vous pas mort saintement ? Avez-vous encore tant besoin de prières ? » ; « Ma mort a été bonne en effet, et je suis sauvé ; mais j’ai à expier mes anciennes fautes, et je souffre les plus rigoureux châtiments. Je vous en supplie, ne me refusez pas les secours de vos prières. » Aussitôt le bon frère s’inclinant devant le Tabernacle, récita un Pater suivi du Requiem Aeternam. « Ô bon père, s’écria l’apparition, que votre prière me procure de rafraichissement, ah ! comme elle me soulage ! Je vous en prie, continuez. » Conrad répéta dévotement les mêmes prières. « Père, reprit l’âme, je vous en conjure, encore ! encore ! … j’éprouve tant de soulagement quand vous priez !… » Le charitable religieux répéta jusqu’à cent fois les mêmes prières. Alors, avec un accent d’indicible joie, le défunt lui dit : « Je vous rends grâces de la part de Dieu, je suis délivré ; voici que je me rends au royaume des cieux. » On voit par cet exemple combien les moindres prières, les plus courtes supplications sont efficaces pour adoucir les souffrances des pauvres âmes du Purgatoire.
Pour conclusion, je prie instamment le lecteur, et je l’en conjure par les entrailles de Jésus-Christ, de considérer attentivement tout ce que nous avons dit de ces peines si rudes et si longues. Car pour peu qu’il y fasse réflexion, il se résoudra sans doute à éviter tous les péchés, même véniels, à s’acquitter au plus tôt de toutes ses dettes envers le Souverain Juge, et à secourir les âmes du Purgatoire avec plus de charité que jamais.
Un saint religieux en extase, vit un petit enfant, lequel, avec un hameçon d’or et un fil d’argent, tirait du fond d’un petit puits une femme qui s’y noyait. Revenu à lui, comme il se rendait à l’église, il aperçut ce même enfant agenouillé, priant sur une tombe du cimetière. « Que fais-tu là, mon petit ami ? » lui demanda-t-il. « Je dis, répondit l’enfant, le Notre Père et le Je Vous Salue Marie, pour l’âme de ma mère, dont le corps repose ici. » Le saint comprit aussitôt que Dieu avait voulu lui montrer l’efficacité de la prière la plus simple ; il connut que l’âme de cette pauvre mère venait d’être délivrée, que l’hameçon d’or était le Pater et l’Ave était le fil d’argent de cette ligne mystique. N’oublions pas le Chemin de la Croix qui à cause des grandes Indulgences, constitue un suffrage du plus grand prix pour les défunts.
Voici ce que l’on rapporte à ce sujet dans la vie de la vénérable Marie d’Antigna. Elle avait eu longtemps la sainte pratique de faire chaque jour le Chemin de la Croix pour le soulagement des défunts ; mais plus tard se relâchant à ce sujet, elle l’abandonna tout à fait.
Notre Seigneur, qui avait de grand desseins sur cette pieuse vierge, et qui voulait en faire une victime d’amour pour la consolation des pauvres âmes du Purgatoire, daigna lui donner une leçon qui devrait servir d’instruction à nous tous.
Une religieuse du même monastère, décédée depuis peu, lui apparut, et se plaignant tristement : « Ma sœur, lui dit-elle, pourquoi ne faites-vous plus les stations du Chemin de la Croix pour les âmes souffrantes ? Vous aviez coutume auparavant de nous soulager chaque jour par ce saint exercice, pourquoi nous privez-vous de ce secours ? »
Cette âme parlait encore, lorsque le Sauveur Lui-même se montra à sa servante et lui reprocha sa négligence. « Sache, ma fille, ajouta-t-Il, que les stations du Chemin de la Croix sont extrêmement profitables aux âmes du Purgatoire : c’est pourquoi j’ai permis à cette âme, au nom de toutes les autres, de le réclamer de toi. Sache encore que c’est parce que tu pratiquais exactement autrefois cette dévotion, que tu as été favorisée de communications avec les défunts ; c’est pour cela aussi que ces âmes reconnaissantes ne cessent de prier pour toi. Fais connaître ce trésor à tes sœurs, et dis-leur d’y puiser largement pour elles et pour les défunts. »
Il nous reste à faire connaître l’Acte héroïque de charité envers les âmes du Purgatoire. Cet acte consiste à céder toutes nos satisfactions, c’est à dire la valeur satisfactoire, (expliquée au commencement de cette brochure), de toutes les bonnes œuvres de notre vie et de tous les suffrages qui nous seront accordés après notre mort, sans en réserver rien pour nous-mêmes, et c’est une chose louable et approuvée par l’Église de les déposer dans les mains de la Très Sainte Vierge afin qu’elle les distribue, selon son gré, aux âmes qu’elle veut délivrer des peines du Purgatoire.
Formule de l’Acte Héroïque
« Ô sainte et adorable Trinité, désirant coopérer à la délivrance des âmes du Purgatoire, je cède et je résigne, au profit de ces âmes souffrantes, la partie satisfactoire de toutes mes œuvres et de tous les suffrages qu’on pourra m’accorder après ma mort, les abandonnant entre les mains de la Très Sainte Vierge, afin qu’elle les applique selon son gré, aux âmes des fidèles défunts qu’Elle veut délivrer de leurs peines. Daignez, ô mon Dieu, agréer et bénir l’offrande que je vous fais en ce moment. Ainsi soit-il. »
Les souverains Pontifes Benoît XIII, Pie VI, Pie IX ont approuvé cet Acte héroïque et l’ont enrichi d’Indulgences et de privilèges dont voici les principaux :
1/ Les Prêtres qui auront fait cette offrande, pourront jouir de l’autel privilégié personnel, tous les jours de l’année.
2/ Les simples fidèles pourront gagner l’Indulgence plénière, applicable seulement aux âmes du Purgatoire, chaque fois qu’ils communieront, pourvu qu’ils visitent une église et qu’ils y prient aux intentions du Souverain Pontife. Ordinairement on récite cinq Pater et Ave.
Je conseille à tous les chrétiens à qui inspirera cet attrait, dit le Père Munford, de céder, avec un saint désintéressement, aux âmes des défunts, tout le fruit des bonnes œuvres dont ils peuvent disposer. Je ne crois pas qu’ils puissent en faire un meilleur usage, puisqu’ils les rendent par-là plus méritoires, et plus efficaces, tant pour obtenir de Dieu des grâces, que pour expier leurs propres péchés et abréger leur Purgatoire, et même, pour parvenir à en être exemptés tout à fait.
Cet acte nous laisse la pleine liberté de prier pour les âmes auxquelles nous nous intéressons plus particulièrement. Il n’oblige pas sous peine de péché et il est toujours révocable.
Doctrine du Père de la Colombière sur le Purgatoire
Songeant à ce qui fait de la peine à la mort, qui sont les péchés passés et les peines à venir, il s’est d’abord présenté un parti à mon esprit, que j’ai embrassé de tout mon cœur, avec une très agréable consolation de mon âme.
Ç’a été qu’à ce dernier moment, de tous les péchés qui se présenteront à mon esprit, soit connus, soit inconnus, j’en ferai un bloc que je jetterai aux pieds de notre Seigneur, pour être consumé par le feu de sa miséricorde.
Plus le nombre en sera grand, plus ils me paraîtront énormes, d’autant plus volontiers les Lui offrirai-je à consumer. Il me semble que je ne saurais rien faire de plus glorieux à Dieu ; et dans l’idée que j’ai de sa bonté, je n’aurai pas de peine à me déterminer à cela, parce que je m’y sens porté de tout moi-même.
Pour le Purgatoire, je ne le crains pas. Je voudrais bien ne l’avoir pas mérité, mais puisque c’est chose faite, je suis ravi d’aller satisfaire à sa justice. Je sais que les tourments y sont terribles, mais je sais qu’ils honorent Dieu.
J’ai donné de tout mon cœur mes satisfactions aux âmes du Purgatoire, et cédé à d’autres tous les suffrages qu’on fera pour moi après ma mort, afin que Dieu soit glorifié dans le ciel par des âmes qui auront mérité d’y être élevées à une plus grande gloire que moi.
Comment nous devons pleurer nos chers défunts
Comment devons-nous pleurer ceux que la mort a ravis à notre tendresse, qui nous étaient unis par des liens particuliers de la nature ou de la grâce ? Nous trouvons la réponse dans la conduite des saints.
Ils ont pleuré avec la plus vive douleur ceux que la mort enlevait à leur tendresse ; ils les ont suivis en esprit dans le Purgatoire, et ils leur sont venus en aide par tous les secours de l’Église, afin de hâter leur délivrance.
On peut dire de tous les Saints jusqu’à ce jour : « Voyez comme ils aimaient ».
À l’exemple de Jésus-Christ, ils ont pleuré de toutes les larmes de la tendresse ceux que la mort leur ravissait. « Je pleure, disait Saint Bernard, parce que l’amour dont j’aimais mon frère était véhément et parce qu’il pénétrait toutes les profondeurs de mon âme ! Fleo quia vehementer amo ! »
Mais chez eux ces larmes, ces agonies de la tendresse, étaient transfigurées par la foi.
Ils voyaient, au ciel, ou près de monter au ciel après l’épreuve du Purgatoire, ceux qui venaient de les quitter. Ils les voyaient, revêtus de la gloire de Dieu, et submergés dans la béatitude infinie.
La séparation n’était que passagère ; ils allaient bientôt se retrouver ; aux larmes de l’exil allaient succéder les torrents de la félicité divine, et pour l’Éternité ! Ils pleuraient, mais ils trouvaient dans la foi une source inénarrable de consolations divines.
Pensons sans cesse aux âmes du Purgatoire
Songer aux âmes du Purgatoire, c’est songer aux peines de l’autre vie ; c’est se souvenir que tout péché demande une expiation, soit en cette vie, soit en l’autre. Or qui ne comprend qu’il vaut mieux satisfaire ici-bas, puisque les châtiments futurs sont si terribles ! Une voix semble sortir du Purgatoire et nous dire cette sentence de l’Imitation : « Il vaut mieux extirper maintenant nos vices et expier nos péchés que de remettre à les expier dans l’autre monde » (Imit. I,24)
Celui qui se purifie de ses fautes dans la vie présente, satisfait avec un sou à une dette de mille ducats ; et celui qui attend, pour s’acquitter, jusqu’au jour de l’autre vie, se résigne à donner mille ducats pour ce qu’il aurait payé un sou en temps opportun. (Ste. Catherine de Gênes.)
Alors, pénétré d’une crainte salutaire, on souffre volontiers les peines de la vie présente, et on dit à Dieu avec Saint Augustin : « Seigneur, appliquez ici-bas le fer et le feu, ne m’épargnez pas en cette vie, afin que vous m’épargniez en l’autre. »
Un grand moyen pour éviter les peines du Purgatoire c’est d’avoir une grande dévotion à la très Sainte Vierge Marie et de porter fidèlement son saint Scapulaire.
Un grand serviteur de Dieu, le père Michel, missionnaire, reçut de la Sainte Vierge elle-même l’assurance que ses souffrances terrestres lui tiendraient lieu de Purgatoire.
Un jour, épuisé de fatigue, après avoir évangélisé le peuple du Pérou en 1606, il gisait étendu sur du sable brûlant, n’ayant plus la force de se relever ; tout à coup, il fut visité par celle que l’Église appelle avec raison la consolatrice des affligés. Elle ranima son courage en lui disant : Confiance, mon fils, vos fatigues vous tiendront lieu de Purgatoire ; supportez saintement vos peines, et au sortir de cette vie, votre âme sera reçue dans le séjour des bienheureux.
Cette vision fut pour le Père une source abondante de consolation et de force. Au moment où il expira, un religieux de son ordre vit son âme monter au ciel dans la compagnie de la Très Sainte Vierge et de son ange gardien.
La sainte communion a encore une efficacité admirable pour remettre la peine due aux fautes quotidiennes, pourvu qu’on ne garde à celles-ci aucune affection volontaire. Un autre moyen d’éviter le Purgatoire, et que l’on néglige beaucoup trop, est celui de faire chaque jour, et plusieurs fois par jour, un acte d’amour de Dieu. Il n’est pas si difficile à faire que vous le croyez.
« Mon Dieu, je Vous aime pour Vous-même, et il n’y aurait ni Ciel, ni Purgatoire, je Vous aimerais quand même. Je Vous aime, parce que Vous m’aimez malgré mes misères ; faites que je Vous aime encore plus, ô mon Dieu ! »
Pour que cet acte soit méritoire, il n’est pas besoin d’éprouver rien de sensible, il faut seulement le dire avec une grande foi et du fond du cœur.
Si vous faites souvent cet acte d’amour, vos péchés disparaitront à jamais sous la divine charité, comme une poignée de paille jetée au feu.
État surnaturel des Âmes du Purgatoire
Nous allons maintenant aborder une étude bien consolante, appuyés toujours sur la théologie et sur les révélations des saints.
Il est certain que les âmes du Purgatoire sont saintes, puisqu’elles sont en état de grâce ; non seulement elles sont saintes, mais leur sainteté est inamissible (théol. : qui ne peut se perdre) ; elles sont confirmées en grâce et dans l’heureuse impuissance de pécher désormais ; c’est là une de leurs joies.
Connaissent-elles ce que l’on fait pour elles ici-bas ?
On peut le croire pieusement. On demandait un jour à une apparition si les âmes du Purgatoire connaissent ceux qui prient pour elles : la réponse fut affirmative.
Les âmes du Purgatoire savent-elles ce qui se passe dans le monde, dans leur famille ? Oui, Dieu leur manifeste dans la mesure qu’Il juge convenable pour leur consolation ou leur châtiment, ce qui concerne les personnes qu’elles ont connues dans leur vie mortelle.
Les âmes du Purgatoire sont résignées à la volonté de Dieu qui les purifie par la souffrance : elles sont charitables aussi à notre égard. Quand du milieu de leurs tourments elles élèvent leurs regards vers l’ancien séjour de leur exil, et qu’elles y voient leurs parents luttant péniblement pour arriver au port où elles sont en sûreté, certaines de leur sort éternel, comment ne plaindraient-elles pas de tout leur cœur, les malheureux qui sont encore dans l’incertitude du Ciel ?
Sainte Catherine de Bologne, lorsqu’elle voulait obtenir quelque grâce signalée, s’adressait aux âmes du Purgatoire, et elle se voyait toujours exaucée ; elle disait que n’ayant pu obtenir plusieurs grâces des saints du ciel, elle les avait reçues par l’intermédiaire de ces âmes bénies.
En résumé, ces âmes sont saintes, elles prient pour nous, et leurs prières nous sont très utiles.
Saint Philippe de Néri après sa mort se fit voir à un religieux franciscain de ses amis entourés d’une foule de bienheureux. Quelle est, demanda le Père, cette armée brillante qui vous environne ? « Ce sont, répondit le saint, les âmes des religieux de mon ordre, que j’ai délivrées du Purgatoire, pendant ma vie ; à cette heure elles me font cortège pour m’introduire au ciel. »
Les âmes du Purgatoire, dit Sainte Catherine de Gênes, ont une volonté conforme à celle de Dieu ; aussi Dieu dans sa bonté, leur fait ressentir l’amour infini qu’Il a pour elle. Ce Dieu d’amour lance à l’âme certains rayons embrasés, qui sont si pénétrants qu’ils anéantiraient l’âme elle-même si cela était possible. Et cependant elles souffrent cruellement, et l’amour qu’elles ont pour Dieu devient l’instrument même de leur souffrance.
L’âme est donc heureuse en cet état, mais heureuse comme le martyr sur son bûcher, heureuse d’un bonheur tout surnaturel, auquel le monde ne comprend rien.
Il me prend envie, dit encore Sainte Catherine, de crier assez fort pour remplir d’épouvante tous les hommes qui sont sur la terre, et leur dire : Ô malheureux ! Pourquoi vous laissez-vous aveugler par le monde ? Quoi ! Vous vous tenez à couvert, sous l’espérance de la Miséricorde de Dieu ; Eh ! Ne voyez-vous pas que cette immense bonté de Dieu qui vous jugera et qui vous condamnera ? Misérables, qui agissez contre la volonté du Maître, Sa bonté devrait vous porter à vous soumettre à tous ses commandements et non à Lui désobéir, dans l’espérance du pardon ; car la justice, sachez-le, aura infailliblement son cours, et il faut que de manière ou d’autre, elle soit pleinement satisfaite.
Des moyens de se préserver du Purgatoire.
Il faut maintenant tirer la conclusion pratique de ces pages. Pour ce qui concerne les défunts, elle est claire et visible à tous ; il faut prier pour eux et prier beaucoup que nous n’avons fait à ce jour. Mais pour nous-mêmes, il faut chercher avec soin les moyens d’abréger le temps de notre expiation future. Voulez-vous très sérieusement éviter le Purgatoire ? Fuyez la seule chose qui y mène, le péché, même véniel cet écueil fatal à tant de pauvres âmes ; ne méprisez pas les petites choses, ces dettes de chaque jour qui s’accumulent sans nous inquiéter, à cause de leur petitesse même, et qui arrivent à former ainsi à la fin de notre vie un total qui effraie l’imagination ! N’oubliez pas qui nous sera demandé compte même d’une parole inutile ! Pour les expier, rien de plus facile, acceptez avec résignation les peines de chaque jour, en vous servant les des moyens indiqués, et recevez avec piété les Sacrements de pénitence et d’Eucharistie, et vous aurez satisfait ici-bas pour votre Purgatoire.
Mais je vous recommanderai spécialement pour acquitter vos dettes, la charité envers votre prochain. Écoutez cette histoire tirée de la vie de la Bienheureuse Marguerite Marie. Pendant qu’elle était chargée du pensionnat ou du couvent de Paray, une des élèves vint à perdre son père. À quelques jours de là, la sœur eut une vision au sujet de ce pieu fidèle. Elle appela aussitôt l’enfant et lui dit : « Remerciez Dieu, ma fille, car votre père est au ciel ; mais quand vous verrez madame votre mère, demandez-lui donc quelle est l’action extraordinaire de charité que votre père fit dans sa dernière maladie ; c’est cet acte-là qui lui a valu d’échapper à peu près entièrement à l’expiation du Purgatoire qu’il avait mérité. »
Or voici ce qui s’était passé : ce chrétien était d’un haut rang, et il avait eu des démêlés avec un boucher, son voisin : quand il fut sur le point de recevoir le saint Viatique, il le fit appeler près de son lit, et avec une humilité touchante, il lui demanda pardon des torts qu’il avait eus à son égard. Cette humble réconciliation avait suffi au jugement de Dieu pour couvrir toutes ses autres fautes, et l’exempter des flammes du Purgatoire.
Enfin répétons souvent l’Ave Maria en marchant, en travaillant, dans les rues et sur les places publiques, en pensant à cette dernière invocation : Sainte Marie, priez pour nous maintenant et à l’heure de notre mort.
Dans ce royaume de la souffrance, dit le Père Faber, pas un cri pas un murmure : tout est mort et silencieux, comme Jésus dans sa prison.
Nous ne saurons jamais à quel point nous aimons Marie, jusqu’à ce que nous levions les yeux vers Elle du fond de ce vallon où brûle un feu aussi terrible que mystérieux.
Ô magnifique région du Royaume de Dieu ! Ô aimable portion du troupeau de Marie ! Le trône de Marie, brillant comme le disque de l’astre des nuits, jette sa douce lumière sur cette région de douleur et d’indicible attente ; les anges en voltigeant au-dessus de ce vaste royaume, y font scintiller leurs ailes d’argent ; enfin, ô la plus douce des consolations ! Il reste le souvenir de cette face de Jésus qu’on ne voit pas, mais qu’on se rappelle si bien, qu’elle semble toujours présente devant les yeux.
Oh ! Quelle pureté dans cette liturgie de la souffrance sanctifiée ! Ô monde, séjour bruyant de l’ennui et du péché, qui ne voudrait s’échapper comme une colombe, loin de tes périlleuses fatigues, pour s’envoler avec joie vers la plus humble place de cette région si pure, si sainte, où règnent la souffrance et l’amour sans partage !
Sortie du Purgatoire.
Nous voici arrivés à cette heure bénie où toutes les expiations étant terminées, l’âme bienheureuse n’a plus qu’à s’envoler au ciel.
Qui nous dira les joies de ce moment ! Qui nous dira les joies de l’entrée du ciel, la vraie patrie de nos âmes ! Pour les décrire il faudrait les avoir éprouvées soi-même.
Pauvres exilés le long des fleuves de Babylone, comment pourrions-nous redire les cantiques de Sion sur la terre étrangère ?
Qui nous dira le rayonnement de gloire qui enveloppe ces saintes âmes ? C’est si beau, une âme ! écrivait un jour Sainte Catherine de Sienne ; c’est quelque chose de si merveilleux, que, s’il nous était donné d’en contempler l’éclat, alors qu’elle est si pure et sans tache, nous ne pourrions soutenir ce spectacle, et nous expirerions de bonheur aussitôt ! S’il en est ainsi de l’âme vivante encore dans une chair mortelle, qui nous dira les splendeurs de l’âme glorifiée ?
C’est le chœur des captifs qui fait son entrée dans la sainte cité. Princes du Ciel, ouvrez vos portes ; ouvrez vos portes éternelles ; c’est un Roi qui entre en triomphe dans son royaume.
Attolite portas, principes vestras, et elevamini, porte æternales, et introibit Rex Gloriæ !
Tertullien dit, dans un de ses livres, que, par l’attouchement de la chair immaculée du Christ, le chrétien qui communie souvent demeure dans une chair angélisée : in Christo angelificata caro ; et vous, ô prêtre qui communiez tous les jours ; votre corps est le tabernacle vivant, le ciboire d’un or très pur, où reposent presque continuellement les espèces eucharistiques : combien la pureté doit vous devenir facile, à vous qui buvez chaque jour à la coupe sacrée qui fait germer les Vierges ! Vinum germinans virgines.
Ô Marie, Consolatrice des affligés, daignez bénir cet humble travail ! Puisse-t-il faire un peu de bien aux âmes, et leur faire éviter les rigueurs du Purgatoire !
Les indulgences pour les trépassés.
Les indulgences nous offrent un moyen facile et efficace de payer nos dettes à la justice divine, de nous garantir du Purgatoire, ou, du moins, de nous en adoucir par anticipation les terribles rigueurs.
Quelle folie de négliger ce moyen !
Mgr. Gaume fait ressortir cette folie par une comparaison fort juste.
« Je suppose, dit-il, que nous allions visiter une vaste prison, dans laquelle sont renfermés une multitude de malheureux, chargés de fers. Ils sont tous condamnés à des peines terribles ; les uns pour dix ans, les autres pour vingt ans, les autres pour quarante.
« Nous leur disons : le roi, dans sa bonté, veut bien abréger la durée de vos peines, ou même vous les remettre entièrement, à condition que vous fassiez telle prière, telle pratique de piété, très courte, très facile. Si vous acceptez, les portes de prison vont s’ouvrir ; vous pourrez revoir vos parents, vos amis, vos familles.
« Est-il un seul prisonnier qui refusât une condition si avantageuse et si douce ?
« Eh bien ! ces prisonniers, c’est nous : nous débiteurs insolvables de la justice de Dieu. Cette prison, c’est le Purgatoire. Les peines de ce monde ne sont rien, comparées à celles qu’on y endure. On nous propose de nous en délivrer à des conditions très faciles et nous ne les acceptons pas ! ou nous les remplissons avec une négligence scandaleuse ! Sommes-nous raisonnables ?…
« Et si nous languissons un jour pendant de longues années dans les flammes du Purgatoire, ne sera-ce pas notre très grande faute ? »
Le chapelet des morts.
« Oh ! disait le curé d’Ars en levant au ciel ses yeux plein de larmes, oh ! la bonne pensée de prier et de faire prier pour les saintes âmes du Purgatoire ! Cette inspiration vient de Dieu, c’est l’œuvre de l’Esprit Saint : elle réussira… »
Ce chapelet fait gagner chaque fois à celui qui le récite vingt trois mille trois cents jours d’indulgences, attachés à la seule récitation des prières qui la composent, et toutes applicables aux défunts.
Il y a, en effet, attachés à la récitation des Actes de Foi, d’Espérance et de Charité, et cela toties quoties, c’est à dire à toutes les fois qu’on les dit, sept ans et sept quarantaines d’indulgences.
Ce qui fait pour les quatre fois qu’on les répète dans la récitation du chapelet, onze mille trois cents jours.
On gagne de même trois cents jours d’indulgences toutes les fois qu’on récite l’invocation : Doux Cœur de Marie, Soyez mon salut ! (Pie IX, bref du 30 septembre 1852), ce qui fait pour les quarante fois qu’on la répète, douze mille jours.
Les messes Grégoriennes
Ce fut Saint Grégoire Ier, dit le Grand (590-604) qui introduisit l’usage de célébrer le Saint Sacrifice pendant trente jours consécutifs après les obsèques. De là le nom de Grégoriennes donné à ces trente messes.
Voici ce qu’on lit dans l’un de ses plus remarquables ouvrages (Dialogues, liv. IV, ch.55) à propos du moine Justus :
« Ayez soin que pendant trente jours le Saint Sacrifice soit offert pour lui, et qu’on ne manque pas un seul jour d’immoler la Sainte Victime à son intention » ; et les Bollandistes disent que, « le trentième jour, Saint Grégoire fut assuré de la délivrance de l’âme de Justus, comme le constate aussi l’inscription que l’on trouve à Rome, au mont Cœlius, dans l’église Saint André-et-Grégoire construite dans l’antique demeure du Saint Pape. »
Lui-même aurait été instruit par une révélation de l’efficacité de ces trente messes. Un jour, enflammé pour les âmes du Purgatoire d’une charité très ardente, il se lamentait de ce qu’après sa mort, il ne pourrait plus rien faire pour elles : Mon ami, lui dit Notre Seigneur, je veux bien accorder en ta faveur un privilège qui sera unique ; c’est que toute âme du Purgatoire pour laquelle seront offertes trente messes en ton honneur et sans interruption sera immédiatement délivrée, quelle que soit sa dette envers moi ; et plus que cela, je n’attendrai pas que les messes soient célébrées, mais je délivrerai l’âme aussitôt l’offrande versée pour elle.
Pensées.
C’est vrai, cette journée m’a été pénible ; j’ai souffert dans mon corps et dans mon âme. Mais c’en est fait de ce jour, il ne reviendra plus ! Et chacune de ces heures douloureuses sera récompensée là-haut par des siècles de joies sans mélanges, car le bonheur du Ciel ne finira jamais. Voilà ce qu’il faut se répéter dans l’épreuve. Si vives que soient nos peines, si longues qu’elles nous paraissent, qu’est ce que cela si vous le comparez à une récompense parfaite qui ne cessera jamais ?
Un solitaire.
Jésus-Christ remplace en notre vie ce qui s’y amoindrit et s’y décolore chaque jour. Il connaît nos misères pour les soulager, Il habite dans nos ruines pour les soutenir, dans nos abandons pour les consoler, et lorsqu’enfin nous touchons au sommet blanchi de la vie dans les régions des glaces qui ne se fondent plus, Il est notre chaleur, notre dernière espérance et notre suprême aspiration. Nos yeux ne peuvent plus voir, mais ils peuvent encore pleurer, et ces larmes sont pour le Dieu qui en versa lui-même sur nous.
Lacordaire.
Comme l’humanité n’est antique que dans les jours de son enfance, ainsi notre âme ne connaît d’autre vieillesse que celle de nos premières années de la terre ; vieillir par le corps c’est donc rajeunir pour l’homme ; mourir c’est commencer de vivre. Il n’y a que les choses mortelles qui suivent le cours du temps ; les immortelles le remontent.
Abbé Pereyve.
« Ah ! ce n’est pas, Jésus, ta promesse divine
Qui fait que je T’adore, ô Christ ! c’est ta poitrine,
Ce sont tes pauvres pieds tout traversés de clous,
C’est ton front ruisselant, et tout meurtri de coups,
Et sans ton Paradis, sans l’espérance même,
Je T’aimerais, Seigneur, tout autant que je t’aime. »
Sainte Thérèse.
Pour nous.
D’une manière générale, il est certain qu’eu égard au fruit de la Messe, il est plus avantageux de faire dire des Messes pour son âme pendant la vie. Les défunts, en effet, ne peuvent profiter que du fruit satisfactoire de la Messe, tandis que les vivants peuvent en outre, en retirer le fruit propitiatoire et expiatoire.
Celui qui fait dire des Messes pour lui-même pendant sa vie, obtient un autre fruit spécial, auquel les âmes des trépassés ne peuvent prétendre. En effet, par l’honoraire qu’il donne, il devient l’occasion de la célébration du Saint Sacrifice, et, de cette façon, il y coopère d’une manière particulière, ce qui lui vaut un fruit spécial. Or, cela ne peut être le cas pour les âmes du Purgatoire, qui ne peuvent plus contribuer en rien au Saint Sacrifice et ne sont plus en état de mériter, ni en état de disposer aux effets du Saint Sacrifice.
Il y a encore d’autres avantages qui plaident en faveur de la célébration des Messes pour son âme, pendant la vie. On obtient la grâce de mieux se préparer à entrer dans l’éternité, et d’expier les peines temporelles dues au péché ; on obtient l’augmentation de la grâce sanctifiante, on prévient les peines du Purgatoire, en offrant à Dieu la satisfaction, avant d’arriver au lieu d’expiation. De cette façon, on abrège le temps d’expiation dans le Purgatoire.
Cependant ce que nous venons de dire ne doit pas exclure les Messes après la mort, car nul ne peut savoir si les Messes célébrées pendant la vie ont été suffisantes pour l’exempter des flammes expiatrices. Les fautes vénielles journalières nous font contracter des dettes, qui devront être acquittées dans le Purgatoire, si la satisfaction n’a pas été complète avant la mort. On fera donc bien de faire dire encore des Messes après la mort, tant pour son propre avantage que pour montrer aux survivants qu’on prend soin de sa propre âme.
Prière pour la fin de ce siècle.
Un décret de la Sacrée Congrégation des Indulgences du 7 février 1897, accorde 100 jours d’Indulgences, une fois le jour, à tout fidèle qui récitera la prière suivante :
« Accordez-nous, Dieu de clémence, par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Immaculée, la grâce d’expier par les larmes de notre pénitence, les fautes de ce siècle qui s’éteint ; et de préparer l’aurore du suivant, afin qu’il soit tout entier consacré à la Gloire de votre Nom et au règne de Jésus-Christ votre Fils, auquel puissent toutes les nations rendre hommage dans l’unité de la foi et la perfection de la charité. Ainsi soit-il »
Imprimatur : † Paul, Archevêque de Montréal