Saint Jean Chrysostome : Des injures envers Dieu
Toujours dans la suite des événement de ces dernières semaines…
Nous avons parlé des blasphémateurs, et particulièrement d’un Charlie qui blasphémait principalement de la vraie religion et accessoirement l’Islam. De fait, on ne peut pas parler de blasphème pour les fausses religions, telles la secte mahométane et la secte judaïque, qui sont elles-mêmes des injures à la Vérité mais l’actualité était bien là…
Alors, je vous propose ce que disait saint Jean Chrysostome, docteur de l’Église (que nous fêtions hier), à propos des injures envers Dieu, qui ne blessent que ceux qui les profèrent :
Homélie III. Sur l’épître aux Romains Puisqu’on y découvre La Justice de Dieu Éclatant du Ciel Contre Toute l’Impiété, et l’Injustice de ces Hommes qui Retiennent la Vérité dans l’Injustice.
Voyez la prudence de Paul ; comment, après avoir traité des questions agréables, il passe ensuite à des sujets plus terribles. Après avoir dit que l’Évangile est le principe du salut et de la vie, qu’il est la vertu de Dieu, qu’il a opéré le salut et la justice, il énonce ensuite des vérités capables d’épouvanter ceux qui ne le pratiquent point. Et comme la plupart des hommes sont plutôt poussés à la vertu par la crainte du mal, qu’ils n’y sont attirés par la promesse du bien, l’apôtre emploie ici l’un et l’autre motifs. C’est pourquoi Dieu a non seulement promis le royaume, mais aussi menacé de l’enfer ; et les prophètes en usaient de même avec les Juifs, entremêlant toujours dans leurs discours la crainte des maux et la promesse des biens. Paul varie ainsi son sujet, mais non au hasard ; il commence par les choses agréables, puis passe aux choses tristes, en montrant que les premières sont l’effet de la volonté divine et les autres le résultat de la malice humaine. Le prophète avait procédé de cette façon : « Si vous le voulez et que vous m’écoutiez, vous mangerez les biens de la terre ; si vous refusez et que vous ne m’écoutiez pas, le glaive vous dévorera ». (Is. XIX, 20.) Paul débute ici de la même manière. Voyez en effet. Le Christ, dit-il, est venu apporter le pardon, la justice, la vie ; et non sans peine, mais par la croix ; et le plus étonnant n’est pas qu’il ait fait de tels dons, mais qu’il ait souffert de tels supplices. Si donc vous méprisez ces dons, un triste sort vous est réservé. Et voyez comme il élève le ton. « Puisqu’on y découvre », dit-il, « la colère de Dieu éclatant du ciel ». Et comment le voit-on ? Si c’est un fidèle qui fait cette question, nous lui répondrons par les paroles mêmes du Christ ; si c’est un infidèle ou un grec, Paul va lui fermer la bouche par ce qui suit, où il traite des jugements de Dieu, et tire de leur conduite un argument irréfragable : chose on ne peut plus étonnante, puisqu’il prétend apporter en preuves de la vérité ce qu’en disent et font tous les jours les adversaires mêmes de la vérité. Mais nous verrons cela plus tard ; en attendant attachons-nous à notre sujet.
« Puisqu’on y découvre la colère de Dieu éclatant du ciel ». Mais, dira-t-on, cela arrive souvent même dès cette vie, par la faim, par la peste, par la guerre : car en général comme en particulier, tous sont punis. Qu’y a-t-il donc là d’extraordinaire ? C’est que le supplice futur sera plus grand, qu’il sera commun et n’aura pas le même but ; car ici-bas, ils sert à corriger, là il ne servira qu’à punir. C’est ce que Paul indique ailleurs par ces mots. « Nous sommes repris maintenant, afin que nous ne soyons pas condamnés avec ce monde ». (I. Cor. XI, 32. ) Ici-bas même, beaucoup pensent que ces accidents proviennent de la malice des hommes et non de la colère divine ; mais là-bas, la vengeance de Dieu se manifestera clairement, lorsque, assis en qualité de juge, sur son redoutable tribunal, il ordonnera de traîner ceux-ci dans les fournaises, ceux-là dans les ténèbres extérieures, d’autres à d’autres supplices inévitables et intolérables tout à la fois. Et pourquoi l’apôtre ne dit-il pas ouvertement que le Fils de Dieu viendra entouré d’une multitude d’anges, faire rendre compte à chacun, mais, « qu’on y découvre la colère de Dieu ? » C’est que ses auditeurs étaient encore néophytes ; voilà pourquoi il les attire d’abord par des raisons admises chez eux sans difficulté. D’ailleurs il me semble s’adresser aussi aux Grecs, et c’est ce qui explique son début ; puis il arrive enfin à parler du jugement du Christ.
« Contre l’impiété et la justice de ces hommes qui retiennent la vérité dans l’injustice ». Ici il indique que l’impiété a bien des voies et que la vérité n’en a qu’une : car l’erreur est variée, multiforme et pleine de confusion, tandis que la vérité est une. Après avoir parlé des dogmes, il parle de la conduite et mentionne l’injustice des hommes. Les injustices en effet, sont bien diverses : celle-ci a rapport à l’argent, quand quelqu’un vole son prochain ; celle-là aux femmes, quand on quitte la sienne pour abuser de celle d’un autre. C’est ce que Paul appelle une fraude, quand il dit : « Que personne n’opprime et ne trompe en cela son frère » (I Th. IV, 6) ; d’autres, tout en respectant la femme et l’argent du prochain, nuisent à sa réputation, ce qui est encore une injustice : « Car une bonne renommée est préférable à de grandes richesses ». (Pr. XXII, 1.) Quelques-uns disent que Paul traite encore ici la question dogmatique : rien n’empêche d’admettre qu’il s’agit de l’un et de l’autre. Quant au sens de ces paroles : « Retienne la vérité dans l’injustice », vous l’apprendrez par la suite. « Car ils ont connu ce qui se peut découvrir de Dieu ». Mais ils ont attribué cette gloire au bois et à la pierre.
De même que celui qui a la garde des trésors du roi et commission de les dépenser pour sa gloire, est puni comme coupable de lèse-majesté, s’il les distribue à des voleurs, à des prostituées et à des magiciens, de manière à les faire briller aux dépens du souverain ; ainsi en est-il de ceux qui ayant connu Dieu et sa gloire, ont prostitué cette gloire aux idoles, ont retenu la vérité dans l’injustice, outrageant leurs propres connaissances, autant qu’il était en eux, par l’abus qu’ils en faisaient. Comprenez-vous maintenant, ou faut-il vous expliquer cela plus clairement ? Peut-être faudrait-il aller plus loin. Quel est donc le sens de ces paroles ? Dieu s’est fait connaître aux hommes dès le commencement ; mais les Gentils appliquant cette connaissance à du bois, à de la pierre, ont outragé la vérité, autant qu’il était en eux ; car la vérité est immuable, et sa gloire ne saurait changer. Mais comment savons-nous, ô Paul, que Dieu s’est révélé à eux ? « Parce que », nous répond-il, « ils ont connu ce qui se peut découvrir de Dieu ». Mais c’est là une affirmation, et non une preuve ; démontrez-moi, faites-moi voir que la connaissance de Dieu leur a été donnée et qu’ils l’ont volontairement négligée. Comment donc était-elle manifeste ? Leur avait-il parlé d’en-haut ? Nullement : mais il avait fait ce qui devait les attirer mieux qu’une voix : il avait créé l’univers, de manière à ce que le savant et l’ignorant, le scythe et le barbare, devinant la beauté de Dieu parle seul aspect des choses visibles, pussent remonter jusqu’à lui. Voilà pourquoi Paul dit : « En effet, ses perfections invisibles sont rendues compréhensibles depuis la création du monde, par les choses qui ont été faites… » ; ce que le prophète disait déjà : « Les cieux racontent la gloire de Dieu ».
Que disent alors les Grecs ? Nous vous avons ignoré. Eh ! n’avez-vous pas entendu le ciel parler par son seul aspect ; cette magnifique harmonie de l’ensemble, plus éclatante qu’un son de trompette ? Ne voyez-vous pas cette régularité constante de la nuit et du jour ? cette ordonnance fixe, invariable, de l’hiver, du printemps et des autres saisons ? la docilité de la mer au milieu du trouble et des tempêtes ? tout l’ensemble soumis aux lois de l’ordre, et, par sa beauté et par sa grandeur, proclamant l’ouvrier ? Résumant cela et bien d’autres choses encore, Paul dit : « Car ses perfections invisibles, rendues compréhensibles depuis la création du monde par les choses qui ont été faites, sont devenues visibles, aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité, de sorte qu’ils sont inexcusables ». Ce n’était point dans ce but que Dieu avait fait ces choses, bien que le résultat ait eu lieu. Ce n’était pas pour les rendre inexcusables qu’il avait créé de tels enseignements ; mais pour qu’ils le connussent, et, par leur ingratitude, ils se sont ôté toute excuse. Et pour faire voir comment ils sont inexcusables, l’apôtre ajoute : « Parce que ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu, ou ne lui ont point rendu grâces. »
Voilà un premier crime, et il est énorme. Un second, c’est qu’ils ont adoré les idoles, comme Jérémie les en accusait en disant « Ce peuple a commis deux iniquités ; ils m’ont abandonné, moi la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes percées ». (Jr. II, 13.) Ensuite pour preuve que, connaissant Dieu, ils n’ont point usé de cette connaissance comme ils le devaient, Paul donne ce signe qu’ils ont reconnu des dieux ; ce qui lui fait dire : « Parce qu’ayant connu Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu ». Et il donne la raison de cette immense folie. Quelle est-elle ? Ils ont tout remis aux raisonnements. Il ne dit pas cela aussi simplement, mais avec beaucoup plus de force : « Mais ils se sont perdus dans leurs pensées, et leur cœur insensé a été obscurci ». Car de même que celui qui s’engage dans un chemin inconnu, ou se met en mer par une nuit obscure, périt bientôt, bien loin d’atteindre son but : ainsi ces hommes, en essayant de suivre la voie qui mène au ciel, en s’ôtant la lumière pour lui substituer leurs propres raisonnements, en cherchant dans les corps celui qui n’a pas de corps, dans les figures celui qui n’a pas de figure, ont fait le plus misérable naufrage. Outre cela, Paul donne encore une autre raison de leur erreur, quand il dit : « En disant qu’ils étaient sages, ils sont devenus fous ». Ayant une haute idée d’eux-mêmes, et dédaignant de suivre la voie que Dieu leur avait tracée, ils se sont noyés dans leurs folles pensées. Ensuite dépeignant ce naufrage et faisant voir combien il était triste et inexcusable, il ajoute : « Et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible contre une image représentant un homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles ».
Voilà le premier chef d’accusation, ils n’ont pas trouvé Dieu ; le second, ils en ont eu de grandes et évidentes occasions ; le troisième, ils se sont dits sages ; le quatrième, non seulement ils n’ont pas trouvé Dieu, mais ils ont prostitué leur culte aux démons, à la pierre et au bois. Il combat aussi cet orgueil dans son épître aux Corinthiens, mais non de la même manière qu’ici. Là il les condamne par la croix, en disant : « Car ce qui est folie en Dieu est plus sage que les hommes » (I Cor. I, 25) ; ici, sans établir de comparaison, il raille cette sagesse en elle-même, démontrant qu’elle est une folie et une preuve d’orgueil. Et pour vous bien faire comprendre qu’ils avaient la connaissance de Dieu et qu’ils l’ont trahi, il se sert de cette expression : « Ils ont changé ». Or celui qui change a quelque chose à donner en place. Ils voulaient trouver davantage et dépasser les bornes fixées ; par là ils ont perdu ce qu’ils avaient, car ils étaient avides de nouveauté. Tels ont été les Grecs en tout. Voilà pourquoi ils ne s’accordaient point entre eux ; Aristote combattit Platon, puis les Stoïciens déblatérèrent contre lui, et d’autres guerres se déclarèrent ; en sorte qu’ils sont moins admirables pour leur sagesse que dignes d’aversion et de haine pour la folie qui en est résultée. Car ils n’eussent point éprouvé un tel sort, s’ils n’avaient tout confié à leurs propres raisonnements, à leurs argumentations et à leurs sophismes. Ensuite, poursuivant ses accusations, Paul se raille de toutes leurs idolâtries. C’est surtout l’échange qui est ridicule ; avoir échangé Dieu contre de tels objets, c’est absolument inexcusable. Voyez en effet contre quoi ils ont échangé et à quels êtres ils ont conféré la gloire. Il a fallu imaginer que tel être était Dieu, maître de toutes choses, créateur capable de pourvoir et d’administrer : car c’est là la gloire de Dieu. Et à qui l’ont-ils attribuée, cette gloire ? Non à des hommes, mais à une image représentant un homme corruptible.
Et ils ne s’en sont pas tenus là, mais ils sont descendus jusqu’à des animaux stupides, voire même aux images de ces animaux. Et voyez la sagesse de Paul : comme il pose les deux extrêmes, Dieu, l’être suprême et les reptiles les plus vils, et non-seulement les reptiles, mais leurs images, pour mieux faire ressortir leur folie. Car la notion qu’il fallait avoir de l’Être incomparablement le plus grand, ils l’ont appliquée à ce qu’il y a incomparablement de plus vil. Eh ! qu’est-ce que cela fait aux philosophes, direz-vous ? Ce sont eux surtout que cela regarde. Car ils ont pour maîtres les Égyptiens, inventeurs de ces choses : Platon, qui passe pour le plus digne d’entre eux, s’en glorifie, et son maître lui-même honore les idoles, lui qui ordonne de sacrifier un coq à Esculape. Là on voit des images d’animaux et de reptiles, et parmi elles Apollon et Bacchus qui partagent le même culte. Quelques-uns de ces philosophes ont introduit dans le ciel des taureaux, des scorpions, des dragons et d’autres êtres non moins ridicules : car partout le démon s’est efforcé de rabaisser les hommes devant des images de reptiles, et de soumettre aux plus stupides des animaux ceux que Dieu voulait élever au-dessus du ciel. Et ce n’est pas en cela seulement, mais encore sur d’autres points, que vous verrez leur chef encourir les reproches dont nous venons de parler. Car quand il réunit les poètes et affirme qu’il faut admettre ce qu’ils disent de la divinité, il ne produit qu’un amas de niaiseries, il veut néanmoins qu’on croie comme vraies toutes ces absurdités.
« C’est pourquoi Dieu les a livrés aux désirs de leurs cœurs, à l’impureté, en sorte qu’ils ont déshonoré leurs propres corps en eux-mêmes ». Paul fait voir par là que l’impiété est le principe de la violation des lois. Ici « livrer » veut dire laisser aller. Car de même qu’un général d’armée en se retirant au fort de la mêlée, livre ses soldats, non pas précisément en les poussant vers l’ennemi, mais en les privant de son secours ; ainsi Dieu, après avoir fait tout ce qu’il devait faire, a abandonné ceux qui refusaient ses dons et s’éloignaient de lui les premiers. Et voyez, pour enseignement il avait créé le monde, il avait donné à l’homme l’intelligence et une âme capable de comprendre le devoir. Les hommes de ce temps-là n’ont point usé de ces dons pour leur salut, mais les ont détournés à une fin toute contraire. Que fallait-il donc faire ? user de force et de violence ? Mais ce n’est plus faire des hommes vertueux. Il n’y avait donc plus qu’à laisser faire, et c’est le parti que Dieu a pris, afin que, ayant connu par expérience les objets de leurs désirs, ils se dérobassent à la honte. En effet, si le fils d’un roi, méprisant son père, aime mieux vivre parmi des brigands, des assassins ou des voleurs sacrilèges ; et préfère leur compagnie au séjour de la maison paternelle, le père l’abandonne jusqu’à ce que l’expérience lui ait fait sentir l’excès de sa folie.
Mais pourquoi l’apôtre ne mentionne-t-il pas d’autres péchés, comme par exemple l’homicide, l’avarice, et ne parle-t-il que de l’impureté ? Il me semble faire ici allusion à ceux qui l’écoutaient alors, et à ceux à qui s’adressaient sa lettre. « À l’impureté, en sorte qu’ils ont déshonoré leurs propres corps en eux-mêmes ». Voyez la force de ces expressions. Ils n’ont pas eu besoin, dit-il, que d’autres les déshonorassent ; ils se sont traités eux-mêmes comme les eussent traités des ennemis. Puis remontant encore à la cause, il ajoute : « Eux qui ont transformé la vérité de Dieu en mensonge, adoré et servi la créature plutôt que le Créateur ». Il parle en particulier de ce qu’il y avait de plus ridicule, et en général de ce qui semblait plus sérieux, mais par l’un et par l’autre il montre que le culte de la créature était le propre des Grecs. Et voyez comme il explique sa pensée. Il ne dit pas simplement : ils ont adoré la créature, mais il ajoute : « Au lieu du créateur » ; faisant ressortir par là la gravité du crime et leur ôtant par ce rapprochement tout espoir de pardon.
« Qui est béni dans les siècles. Ainsi soit-il ». Mais Dieu n’en a point souffert, ajoute-t-il ; car il est béni dans les siècles. Il montre ici que si Dieu les a abandonnés, ce n’est point pour se venger, puisqu’il n’a éprouvé aucun dommage. S’ils lui ont fait injure, leur injure ne l’a point atteint ; sa gloire n’en a point été diminuée, mais il demeure toujours béni. Car si souvent un philosophe ne souffre point des injures qu’on lui adresse, à bien plus forte raison Dieu, nature indestructible et immuable, gloire invariable et immortelle. Et c’est en cela que les hommes ressemblent à Dieu, quand ils ne souffrent point des outrages, des injures, des coups, des railleries dont on les poursuit. Et comment cela se peut-il, direz-vous ? Cela est possible, très-possible : c’est en ne s’affligeant point de ces accidents. Et comment, dites-vous encore, ne pas s’en affliger ? Eh ! comment peut-on s’en affliger au contraire ? Dites-moi : si votre petit enfant vous injuriait, prendriez-vous ses injures pour des injures ? Vous en affligeriez-vous ? Pas le moins du monde ; autrement, ne seriez-vous pas ridicule au dernier point ? Soyons dans les mêmes dispositions à l’égard du prochain, et nous n’éprouverons rien de fâcheux, (ceux qui injurient ont moins de raison que des enfants) ; ne cherchons point à éviter les injures, supportons courageusement celles qu’on nous adresse, car c’est là le véritable honneur. Pourquoi ? parce que vous êtes le maître de souffrir l’injure, et un autre est maître de vous l’infliger. Ne voyez-vous pas le diamant renvoyer les coups dont on le frappe ? mais, direz-vous, c’est sa nature. Vous pouvez par volonté devenir ce qu’il est par nature. Quoi, n’avez-vous pas vu les trois enfants rester sains et saufs dans la fournaise ? Daniel ne rien souffrir dans la fosse aux lions ? Cela peut se reproduire encore aujourd’hui, car nous avons encore des lions, la colère, la concupiscence, armés de dents terribles et prêts à déchirer leurs victimes. Soyez donc semblable à Daniel, et ne souffrez point que les passions portent la dent sur votre âme. Mais, direz-vous, la grâce faisait tout chez Daniel. C’est vrai, mais soit parce que sa volonté la dirigeait. En sorte que si nous voulons lui ressembler, la grâce est encore là pour nous aider ; et quoique tourmentées par la faim les bêtes féroces ne vous toucheront pas. Si elles ont respecté le corps d’un esclave, comment ne s’apaiseraient-elles pas à la vue des membres du Christ ? (Car, en qualité de fidèles, nous sommes les membres du Christ). Si donc elles ne s’apaisent pas, la faute en est à ceux qui deviennent leur proie. Il en est, en effet, beaucoup qui fournissent une abondante pâture à un lion, en entretenant des femmes perdues, en commettant l’adultère, en se vengeant de leurs ennemis ; en sorte qu’ils sont déjà déchirés avant de toucher le sol. Cela n’arriva point à Daniel, et ne nous arrivera point non plus si nous le voulons ; nous serons même encore plus favorisés que lui.
En effet les lions se sont contentés de ne point lui nuire ; mais nos ennemis nous seront utiles, si nous veillons sur nous. Ainsi Paul sortit glorieux des injustices et des embûches qu’on lui tendait ; ainsi Job accablé de coups, Jérémie jeté dans une fosse pleine de boue, Noé au milieu du déluge, ainsi Abel attiré dans un piège, ainsi Moïse parmi les Juifs altérés de sang, ainsi Élisée, ainsi, dis-je, tous ces grands hommes ont gagné leur brillante couronne, non au sein du repos et du plaisir, mais parmi les afflictions et les épreuves. Aussi le Christ connaissant ce principe de gloire, disait-il à ses disciples : « Dans le monde vous aurez des tribulations ; mais ayez confiance : j’ai vaincu le monde ». (Jn, XVI, 33.) Quoi donc ? direz-vous, un grand nombre n’ont-ils pas succombé à l’adversité ? Oui, mais par leur lâcheté, et non par la nature même des épreuves. Que celui donc qui nous fait tirer profit de la tentation en sorte que nous puissions y résister, nous assiste tous et nous tende la main afin que, glorieusement proclamés, nous obtenions les couronnes éternelles, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec qui appartiennent au Père et au Saint-Esprit la gloire, l’honneur, la force, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Veritas caritatis
Caritas veritatis