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Enterrement de M. l’Abbé Joseph Vérité

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Allocution de Louis-Hubert REMY à l’enterrement de M. l’Abbé Vérité


M. l’abbé,

Ma Révérende Mère,

Chers amis de M. l’abbé Vérité,

Nous ne pouvons nous quitter sans évoquer les mérites de M. l’abbé Vérité, sans rappeler les leçons importantes qu’il nous donnait et sans préciser quelques détails de ses tous derniers moments, tout cela pour notre édification et notre consolation.

La semaine passée, lui rendant visite pour la dernière fois, je lui demandais quelle était la dernière consigne, le dernier message, qu’il voulait nous léguer avant de quitter ce monde.

Il me dit et répéta plusieurs fois : RESTEZ FIDÈLES. Dites-le à tous : RESTEZ FIDÈLES ! Et dans un entretien ultérieur, il rentra dans les détails que je complète par ce qu’il nous enseignait en retraite :

– restez fidèles à la seule Foi enseignée par Notre-Seigneur Jésus-Christ et Sa Sainte Église, la Foi de toujours qui ne peut pas changer ;

– restez fidèles aux seuls sacrements de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ceux donnés par la sainte Église depuis 2000 ans ;

– restez fidèles aux catéchismes de la sainte Église, aux enseignements des papes catholiques, aux enseignements des saints de toujours ;

– restez fidèles à la très sainte Vierge Marie, veillant à être dans la VRAIE dévotion, évitant les sept fausses dévotions signalées par saint Louis-Marie Grignion de Montfort ;

– restez fidèles en tout, ne changez rien, refusez toutes les nouveautés, refusez tout Vatican II, refusez ses faux papes, ses faux évêques, ses faux prêtres, ses faux sacrements, ses catéchismes, ses enseignements erronés. La Religion instituée par Notre-Seigneur Jésus-Christ ne peut pas changer. La très Sainte Vierge Marie triomphera un jour prochain, l’erreur sera écrasée, la vérité de toujours vaincra.

Sa vie fut un exemple de fidélité. Par obéissance à son évêque, il avait suivi les sirènes de Vatican II ; il a dit la synaxe judéo-protestante pendant trois ans et demi, – et, détail remarquable : bouleversé par cette révolution à en tomber malade, il recélébra par la suite dans le rite saint Pie V ces prétendues messes qui lui avaient été demandées – mais un jour il comprit qu’être fidèle à un évêque prévaricateur, le rendait infidèle à la Foi de toujours. Et alors, seul prêtre sur les mille du diocèse de Nantes, il retrouva la Foi et la paix en revenant à la messe de son ordination et à TOUT ce qu’avait toujours enseigné la sainte Église qui ne pouvait ni se tromper, ni nous tromper. Ce n’est pas ce qui avait toujours été vécu et cru qui posait problème, mais c’était Vatican II et sa Révolution. Dès lors, jamais plus, il n’eut de doute et d’inquiétude sur sa Foi, même durant son agonie.

Il devint très ferme, refusant de célébrer la sainte messe sur des autels douteux. Il consacrait alors sur sa pierre d’autel et ne donnait la communion qu’avec les hosties qu’il avait consacrées. Lors des enterrements familiaux, il n’assistait pas à la cérémonie moderniste et ne venait qu’au cimetière pour prier et bénir le corps. Il combattait la messe dialoguée et ne comprenait pas qu’après ses explications et ses arguments imparables (début de la révolution liturgique !), un prêtre de la Tradition puisse s’obstiner dans cette erreur. Tout manque de soumission aux rubriques le choquait profondément, lui qui était si rigoureux et fidèle à ce que l’Église imposait ; par exemple, il refusa toujours dans sa chapelle les tenues incorrectes, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Il ne transigeait pas avec le sacré.

Jamais il n’aurait accepté de bénir des fiançailles et de célébrer un mariage dans une église occupée par la secte de Vatican II, exemple pour lui de grave libéralisme. Il me confia qu’une telle union commençait bien mal, et que des prêtres de la Tradition aient accepté cela, le troublait fortement.

Son expérience du NOM lui fut très utile car il confiait, avec gravité et sans aucun doute : qu’il n’y avait pas la présence réelle dans cette blasphématoire pseudo-consécration. Pour lui, la crise conciliaire n’était pas un problème d’autorité, pas un problème de pape, pas un problème de materialiter-formaliter, qu’il traitait de ridicule, pas un problème d’hérésie, pas un problème de schisme, car la seule réalité était que la secte conciliaire n’avait rien à voir avec la sainte Église Catholique, si ce n’est d’avoir accaparé les biens de la sainte Église et tout ruiné.

Très dévot de Marie et donc de La Salette, il comprenait que Rome (et non l’Église !) avait perdu la Foi et que la sainte Église était éclipsée. Pour lui, ces faux papes étaient de vrais « papes conciliaires » de la fausse Église et n’étaient pas les successeurs de saint Pierre. Il me dit un jour qu’on devrait appeler l’actuel usurpateur, Benoît I de Vatican II. C’est lui qui m’apprit que la très Sainte Vierge Marie, en parlant du cloaque d’impuretés, pensait plus à l’impureté doctrinale qu’à l’impureté de mœurs. En disant : les prêtres, la très Sainte Vierge Marie pensait à tous les prêtres, même à ceux de la Tradition, même aux non-una-cum, qui, pas assez dociles sur l’enseignement de la sainte Église, en rajoutent, en retranchent, interprètent. Il disait souvent : vous avez le droit, un droit strict, d’exiger de vos prêtres qu’ils ne vous enseignent que ce qu’enseigne la sainte Église.

Il méditait souvent cette phrase de saint Jean Chrysostome, citée par saint Léonard de Port-Maurice : Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de prêtres qui se sauvent, mais je crois au contraire, que le nombre de ceux qui se perdent est bien plus grand. Dans son agonie, plusieurs fois, il me dit en pleurant : mais où sont aujourd’hui mes confrères du diocèse de Nantes ? Où sont-ils ? Il exigea que pas un prêtre conciliaire de son diocèse, pour lui apostat et ennemi de Notre-Seigneur, ne soit présent à son enterrement. C’est pourquoi nous avons veillé à ce que rien ne soit annoncé qu’après sa mort.

Après cette « reconversion », grâce certainement méritée par sa très profonde humilité, – exemple d’humilité –, qu’il savait miraculeuse, il consacra très vite son ministère à l’œuvre des œuvres : prêcher des retraites. Mais pas n’importe quelles retraites : celles conseillées par tous les papes et qui ont formé tant de saints : les exercices de Saint-Ignace. Mais pas n’importe comment ! Ce furent les exercices de Saint-Ignace ANTILIBÉRAUX.

Il avait compris que l’origine de la révolution conciliaire, qui, contre toute attente, avait fait apostasier les 2500 évêques (tous docteurs en théologie, en philosophie, en droit canon, tous avec grâces d’état… !) lors de Vatican II, c’était LE LIBÉRALISME (Pie IX : j’ai toujours condamné le catholicisme libéral et je le condamnerai encore 40 fois si nécessaire, 18 juin 1871), si bien défini par ce même Pape …ce libéralisme, acharné à concilier la lumière avec les ténèbres et la vérité avec l’erreur (21 mai 1874). C’était là l’idée pratique maîtresse qu’il voulait enseigner à ses retraitants, leur donnant à écouter les meilleures pages de Dom Sarda Y Salvany, Le Libéralisme est un péché, (« le manuel du combattant »). Il insistait aussi très fortement sur la Royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ, donnant les meilleures pages de Théotime de Saint-Just et Le nombre des élus de Riccardo Torrens. Qui maintenant prêchera avec une telle exigence ? Qui maintenant citera ces livres ?

Mais ce n’étaient que les compléments de l’enseignement des exercices qu’il prêchait avec fidélité, rigueur, exigence, enthousiasme, zèle, et qui convertissaient les âmes. Là était la différence avec beaucoup de ses confrères de la Tradition : lui convertissait ! De nombreuses chapelles ont hérité de vrais fidèles d’avant la crise, mais là, depuis, les prêtres n’ont pas converti grand monde. On voit parfois de nouvelles têtes, mais elles disparaissent, hélas, rapidement parce que ces prêtres ne font pas ce qu’ils doivent faire (on peut craindre pour leur salut éternel).

Très bon confesseur, prudent, calme, révélant la racine des péchés, il n’hésitait pas à consacrer une heure, voire deux, à un pénitent. En retraite, il nous préparait à la confession, en occupant trois jours sur cinq aux vérités éternelles, Mort, Enfer, Purgatoire, Jugement particulier, Jugement général, à la gravité du péché et surtout à l’examen de conscience approfondi, complet, entre autres à la lutte contre le démon muet, pour former des consciences éclairées et droites.

Et après cette confession, qui « transfigurait » certains retraitants, il nous développait les deux étendards, l’appel du Roi temporel, les trois classes d’hommes, pour inciter par l’élection aux meilleurs choix. Que de grâces reçues alors ! Que de changements de vie ! Mais ce n’était pas tout !

Alors, devant nous il méditait avec une telle conviction, une telle compassion – il pleurait parfois et les retraitants aussi – la Passion, la Rédemption, méditations qui nous ont marqués pour la vie, et qui nous ont appris à aimer profondément Notre-Seigneur Jésus-Christ et Sa sainte Mère.

Il complétait ces saints exercices par le discernement des esprits, par les devoirs des chrétiens, et en particulier les devoirs des fiancés et des époux qu’il était bien le seul à enseigner exhaustivement ! Une vie déjà longue, les dures épreuves vécues, une grande expérience du confessionnal, des heures de méditation, lui avaient permis de comprendre les racines des maux, et surtout d’enseigner ce qu’il fallait faire. Ah ! Si nous étions fidèles, combien nous serions plus saints !

Sa formule préférée, résumant tout, était splendide : Le connaître intimement, L’aimer ardemment, Le suivre fidèlement, Le servir constamment. Car il n’enseignait qu’avec rigueur, refusant toute idée autre que celles de la sainte Église. Il n’avait aucune prétention philosophique ou théologique. Comme dom Guéranger il n’était qu’un catéchiste aimant à expliquer l’ABC de la doctrine (Préface du Sens chrétien de l’histoire) ou comme le grand Gerson qui, retiré à Lyon pour les dix dernières années de sa vie, enseignait aux enfants LA SCIENCE DES SCIENCES, LE CATÉCHISME (cité par le R.P. Ayroles dans La prétendue vie de Jeanne d’Arc de M. Anatole France, au chapitre 1).

Quel exemple de zèle pour le salut des âmes ! Ces dernières années, il partait prêcher la retraite dans un état de santé tel que tout médecin lui aurait interdit de partir. Mais dès le premier signe de la Croix ouvrant la retraite, c’était un autre homme et il passait plus de douze heures par jour, pendant cinq jours, à prêcher, à diriger les âmes, à confesser, parfois bien après minuit, et à sauver les âmes. Il était, pour nous, évident que le corps d’un prêtre ne fonctionne pas comme le corps de tout autre homme : nous étions les témoins de l’effet direct de la grâce d’état !

Malheureusement aucun autre prêtre à ma connaissance n’a ce don particulier pour prêcher les retraites. Le moule est cassé. Heureusement, quelques retraites ont été enregistrées et nous pensons pouvoir offrir aux fidèles, début 2011, un Cd-DvD, leur permettant de vivre chez eux la retraite de M. l’abbé Vérité, retraite qu’il déconseillait de suivre en ménage car, disait-il, M. fait la retraite de Mme, et Mme fait la retraite de M.

Il suivait de près tous les combats de mes amis et les miens. Il lisait tout, corrigeait, complétait, nous incitant à combattre. Pour lui, des sottes critiques : ce n’est pas opportun (quand est-ce opportun alors ?), attention au scandale des faibles, le manteau de Noé, vous êtes excessif !, et autres billevesées pour empêcher que la vérité soit connue, que les erreurs soient réfutées, que les catholiques soient formés et avertis des dangers, des faux amis, vrais ennemis, il en faisait fi ; pour lui, il n’avait qu’un mot d’ordre : COMBATTEZ. Il allait même plus loin : combattez les erreurs des clercs, dénoncez-les, c’est le meilleur service à leur rendre. Il craignait, comme dom Sarda, le clerc libéral, ce clerc qui, sous les apparences de bien, dirige mal les âmes. Il avait bien compris le danger du clerc libéral, il l’avait vu à l’œuvre et tout détruire. Il en parlait encore dans sa dernière lettre-testament de Pâques 2010. Il dénonçait que, dans les prêtres non-una-cum, il y avait de vrais libéraux dont il était prudent de se protéger.

Combattez, me disait-il. Vous recevrez en remerciements calomnies, incompréhension, mépris, attaques, mais n’ayez pas peur du “qu’en dira-t-on”, faites votre devoir et vous serez récompensé : vous ne perdrez pas la Foi. Combien de fois, écœuré par la bêtise et la méchanceté (surtout de la part de certains clercs et de faux amis) j’ai été tenté d’abandonner la lutte ! Il profitait de la confession pour me reprendre en me confirmant ce devoir d’état particulier.

Il craignait plus que tout la TIÉDEUR, cette tiédeur qui donne une telle nausée à Notre-Seigneur qu’Il en vomit. Pour éviter cela, il conseillait une grande dévotion au Sacré-Cœur. Il était des amis fidèles du Christ Roi de France et tenait à être présent chaque année à Saint-Benoît-sur-Loire, assurant les confessions et heureux de nous retrouver tous. Il n’annula, vu son état de santé, sa présence à la réunion de 2010 qu’au dernier moment. Il en fut très triste.

Il conseillait la confession mensuelle et pour certains hebdomadaire. Pendant 17 ans il fut mon confesseur, et chaque mois nous en profitions, mon épouse et moi, pour passer une ou deux heures avec lui où je l’informais du combat de la Tradition. Combien de fois ses conseils furent excellents. Il ne pouvait pas faire certains combats dévolus aux seuls laïcs, mais combien il m’éclairait de ses conseils et m’incitait à combattre franchement, sans peur, sans compromis ; c’est lui qui m’incita à réagir contre cinq abbés de la Tradition, lui qui redoutait plus que tout le clerc libéral, et en l’occurrence, il me fut très précieux. Que de formules, que d’idées, venant de lui reprises par mes amis et moi-même !

Il était de grand caractère : sa vie le prouve. Il savait ce qu’il voulait. S’il demandait conseil, et souvent à plusieurs, c’était lui et lui seul qui prenait la décision finale. Il n’était alors pas question de revenir en arrière. Il est vrai qu’il me demandait souvent mon avis, il est vrai qu’il le partageait souvent, mais il restait « indépendant » et il aimait le dire : pouvait-on manipuler un abbé Vérité, lui qui rompit tout net tout lien avec le diocèse ? Et breton par surcroît ! Dans les derniers évènements vécus, il s’est raconté, surtout de la part de ceux qui-savent-tout, qu’il avait été manipulé ; quelle stupidité ! Il faut mal le connaître pour lancer et faire croire de telles sottises ! Plusieurs, les vrais intimes, le savent et peuvent en témoigner.

Il était très inquiet pour les jeunes abbés. L’expérience d’Écône, de tous ceux qui étaient passés par Écône, l’inquiétait beaucoup. Il n’était pas de ceux qui avaient une grande admiration pour Mgr Lefebvre et ses jeunes prêtres. Il leur trouvait les mêmes défauts qui avaient mérité le châtiment de l’apostasie conciliaire. Presque tous, mal formés, prétentieux, médiocres à diriger les âmes, ayant des connaissances limitées sur de graves questions, manquant de sérieux, n’étudiant pas assez, n’écoutant pas les vieux prêtres d’expérience, s’en moquant même (en retraite… par exemple !), réduits bien souvent au rôle de distributeurs de sacrements pour des fidèles consommateurs, il n’avait pas une grande estime pour eux, retrouvant en eux trop souvent les faiblesses et les défauts de ses confrères qui avaient tous apostasié. Il avait remarqué que depuis la mort de Mgr Lefebvre on coupait les prêtres de la FSSPX de tout contact avec les anciens prêtres les plus fermes. Il prévoyait depuis toujours un effondrement inévitable et mérité : il avait vu les conséquences de tous ces défauts sur les âmes des fidèles.

Dans ses retraites il avait décelé des vocations, et peu satisfait des communautés connues, à 90 ans il finit par consentir à un projet de formation.

Il avait compris que l’Adversaire faisait tout pour qu’il n’y ait plus de prêtres. Le Malin avait réussi avec Vatican II à tout changer, et surtout à changer le cérémonial du sacre des évêques pour introduire un sacre ontologiquement invalide, mais laissant croire aux faux « évêques » qu’ils étaient évêques, ainsi qu’aux fidèles (même au R.P. Pierre-Marie de Kergorlay, qui imposa son jugement à toute la « tradition » : quelle responsabilité !), alors que ces sacres sont nuls, et donc nulles les ordinations, les consécrations, les absolutions. Il était terrifié (c’était le mot qu’il employait) par les faux « prêtres » qui exercent même dans nos milieux et dont les absolutions et les consécrations sont invalides.

Mais le pire, les prêtres qui prétendent avoir compris, aboutissent au même résultat : des prêtres ordonnés depuis plus de trente ans n’ayant jamais suscité une vocation, une communauté qui en 50 ans arrive au même aboutissement pour avoir bloqué les vocations au rôle de frères, soit pour presque tous : quasi pas de vocations, ou simplement celles issues de quelques familles !

Si bien que si les fidèles n’ont pas compris à quelles catastrophes sacramentaires on arrive à brève échéance, M. l’abbé Vérité l’avait compris et s’en inquiétait. Lui, qui à 90 ans se proposait de prêcher jusqu’au dernier moment, était très soucieux de l’inconscience de ses confrères qui ne pèsent pas la gravité de ce qui arrive. Il a pleuré devant moi sur ces jeunes prêtres, qui ne sont plus tout jeunes, me disant : ils sont aussi inconscients qu’avant le Concile, alors que bientôt, très bientôt, on verra encore pire. Personne ne prépare les fidèles à la lutte. Au contraire, on les endort.

Il s’était donc proposé d’aider une fondation, lui qui avait tant à transmettre, aussi bien par l’exemple, par l’enseignement, que par la direction des âmes ! Il savait, après avoir lu le grand, très grand R.P. Aubry, (saint Pie X, en découvrant les écrits du R.P. Aubry écrivit à son frère qu’il fallait s’appuyer sur ses études et son enseignement pour réformer les séminaires) que tout ne serait sauvé que par le sacerdoce. Il avait compris et voulait que ces prêtres se consacrent aux Exercices de Saint-Ignace, pour refaire des vrais chrétiens, des vraies chrétiennes, des familles vraiment chrétiennes. Il connaissait les ouvrages antilibéraux consacrés à ces sujets et savait qu’il fallait s’appuyer sur eux. Il partageait aussi les combats de leurs auteurs pour la Mission et la Vocation de la France. Et à 90 ans, malgré son état de santé déjà bien dégradé, il décida de consacrer ses dernières forces à ce projet. De son fauteuil roulant, il prêcha à huit hommes une dernière retraite mémorable, leur confiant de prier pour ce projet.

Il était trop tard. Dès la première épreuve tout s’effondra : il eût fallu que tous eussent le même zèle du salut des âmes !

Il prêcha encore une retraite de dames, mémorable elle aussi. Ce fut tout, malgré son calendrier de retraite 2010 abandonné à la Providence. Il put rejoindre sa chère Bretagne, et entouré d’amis qu’il s’était choisis (il y avait ceux à qui il téléphonait, …et les autres), il finit sa longue vie en remerciant la très Sainte Vierge (si proche à Sainte-Anne-d’Auray !) de l’avoir gâté pour ces derniers mois. Il souffrait beaucoup, mais il vécut ce temps avec une profonde joie, remerciant tout le temps ces quelques femmes et amis qui vivaient auprès de lui dans une profonde charité chrétienne.

Début juillet commença une longue agonie qui le purifia de jour en jour. Malgré d’affreuses douleurs (il avait un cancer de la prostate et des os), sa piété, sa charité, son calme, son sourire, sa délicatesse, firent l’admiration de tous. Il garda toute sa lucidité jusqu’au bout.

Mais c’était l’agonie, et le Malin lui faisait payer cher toutes ces âmes que son ministère lui avait arrachées. C’était très violent et il en pleurait souvent : Satan voulut l’amener au désespoir, pour le faire tomber dans le dernier des six péchés contre le Saint-Esprit, ces péchés qui ne peuvent être pardonnés. Lui qui avait vu tant et tant de prêtres succomber au premier péché contre le Saint-Esprit, c’est-à-dire, aller contre la vérité connue, lui qui avait si bien résisté, mais pas sans lutte et sans mérite, à cette gravissime défaillance, fut tourmenté à la fin de sa vie, pour succomber au péché de la désespérance finale. Il nous disait très sérieusement, en pleurant : mais n’ai-je pas, moi aussi, mérité l’enfer ? Où sont tous mes confrères ? Pourquoi pas moi aussi ? Et il offrait son chapelet pour eux.

J’assistai, sans inquiétude, à cette lutte finale. Je lui demandais : Avez-vous transigé une seule fois, depuis votre reconversion, sur la Foi ? Il me rétorquait avec sa franchise indiscutable : Non, jamais. Alors je lui disais : vous avez passé le premier barrage.

Je reprenais : Avez-vous une seule fois prié la très Sainte Vierge Marie, sans la vraie dévotion qu’on lui doit ? Il me répondait : Non, je ne lui ai jamais refusé quoi que ce soit. Je l’ai toujours aimée comme ma Reine et Souveraine. J’ajoutais : vous avez alors passé le second barrage.

N’avez-vous pas toujours prêché comme l’ont fait de tout temps, tous les prêtres ?

Mais, me disait-il, mais savez-vous ce qu’un prêtre, chaque jour, reçoit de grâces ? Savez-vous combien j’ai été indigne de ce qu’est un prêtre ? Combien j’ai été un chrétien à-peu-près ? Combien j’ai dû abuser de la grâce ! Combien je mérite l’enfer ! J’ai moi aussi été conciliaire. Vous vous méprenez sur moi ! Je ne suis pas celui que vous croyez ! Et il pleurait à chaudes larmes, doutant même de son salut éternel.

Mais vous vous êtes repris. Vous n’avez quand même pas fait le péché de saint Pierre ! Et le Dieu très bon le lui a pardonné. Confiez-vous à celle que vous avez tant aimée et qui ne vous abandonnera pas. Confiez-vous à saint Joseph, votre saint patron, patron de la bonne mort, que vous nous avez fait tant prier. Confiez-vous à saint Dismas, ce bon larron qui a mérité de monter tout de suite au ciel, etc…

Vous avez combattu jusqu’au dernier jour, vous avez eu le souci des âmes jusqu’au dernier jour. Ne méritez-vous pas d’être des bons et fidèles serviteurs, par le Dieu juste ?

Et de lui rappeler ce qu’il prêchait en retraite ! On lui récitait la fameuse prière du bienheureux de La Colombière, qu’il nous donnait en retraite, sur l’espérance contre toute espérance et surtout la Prière des agonisants.

Quelles leçons pour nous tous ! Combien l’agonie est une grande lutte ! Combien jusqu’au dernier moment il faut combattre avec courage contre l’Ennemi redoutable ! Combien alors il est utile d’être bien entouré ! Et à nos amis j’affirmais : je n’ai pas de crainte, il gagnera et nous en aurons la preuve.

Il recevait la sainte communion qui donne tant de forces. Il se confessa des péchés de toute sa vie, après un examen de conscience approfondi. Sa fin fut très chrétienne.

Et voici les derniers moments ! Pour votre consolation, il faut que vous sachiez !

Je ne fus pas témoin, mais les personnes qui l’assistaient m’en ont fait le récit :

Vers minuit son visage s’illumina, il prononça, – lui qui ne parlait plus depuis deux jours – : Ave, répéta d’une voix douce : Ave.

Plusieurs fois il fit le geste de baisser la tête, avec grand respect, comme s’il LA saluait, et disant : Je vous salue. Celle qu’il avait tant priée et aimée était là pour l’accompagner au jugement particulier qui allait suivre.

Puis calmement, dévotement, il chanta en entier l’Ave Maria, sans se tromper ni dans le texte, ni dans les notes. Sa voix, bien que très faible, était audible.

Une des assistantes qui voyait son lumineux visage, lui posa la question :

Voyez-vous Notre Seigneur ? Il ne répondit pas, mais à la question suivante :

Voyez-vous la très sainte Vierge Marie ? Extasié, il répondit très lentement : Alleluia ! Alleluia !

Comme elle me le confia : toute cette scène incroyable lui restera marquée pour toujours.

Quelle consolation pour nous tous ! Que de mercis à rendre à la très Sainte Vierge Marie !

J’ai assisté à sa mise en bière. Nous étions impressionnés par sa dignité, sa sérénité, son calme. Tout en lui exprimait un homme de …vérité !

 

AINSI MEURT UN PRÊTRE FIDÈLE !

 

Lui qui nous répétait : préparez-vous à de grandes épreuves, a voulu nous laisser l’exemple de la fidélité jusqu’à la dernière minute, et nous assurer que nous avons un nouvel intercesseur au ciel. Et maintenant, comme il nous le demandait souvent, prions pour nos prêtres ! Puissent-ils l’imiter !

AD MAJOREM DEI GLORIAM ! DEO GRATIAS !

 

Louis-Hubert REMY, après le repas qui a suivi l’enterrement.

Très ému le 29 août j’ai un peu bredouillé. M. l’abbé Vérité méritait mieux. J’ai complété et amélioré cette intervention, le 3 septembre 2010, en la fête de saint Pie X.

Abbé Joseph Vérité

Requiescat in Pace


Télécharger l’Allocution de LHR

Source : Les Amis du Christ Roi de France

Written by Cave Ne Cadas

septembre 4th, 2010 at 2:21 pm