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Un baptême de chaque semaine qui remet vos péchés

with one comment

 

Le curé de Cucugnan

(Lettres de mon moulin) – Pagnol

 

 

Prions pour Pagnol, auteur du film dont les propos sont parfaitement orthodoxes.
Et pour Sardou Père dont on sent qu’il fut profondément Catholique à la manière dont il interpréta ce rôle.

 


 

C’est l’orgueil, qui est la cause du mutisme spirituel ; c’est l’orgueil qui nous empêche de reconnaître nos péchés, écrit le saint Curé d’Ars.

Jean-Marie Vianney, le saint curé d'Ars

 

Sermon du Curé d’Ars
Saint Serviteur de Dieu, Jean-Baptiste-Marie Vianney

11ème dimanche après la Pentecôte

Sur les péchés cachés en confession

 

Adducunt et surdum et mutum.
Voici que l’on présenta à Jésus-Christ un homme qui était sourd et muet.
(S. Marc, VII, 32.)

 

 

Ce sourd et muet, Mes Frères (M.F.), que l’on présenta à Jésus-Christ pour être guéri, est la triste peinture d’un grand nombre de chrétiens, lorsqu’ils se présentent au tribunal de la pénitence. Les uns sont sourds à la voix de leur conscience, qui les presse de déclarer leurs péchés ; les autres sont muets, quand il faut les accuser ils se taisent, et par là, profanent les sacrements. Ô mon Dieu ! quel malheur ! Oui, M.F., cacher un péché mortel par honte ou par crainte, ou l’accuser de manière à ne pas le faire connaître tel que la conscience le reproche, c’est mentir à Jésus-Christ lui-même, c’est changer en poison mortel le remède sacré que la miséricorde de Dieu nous offre pour guérir les plaies que le péché a faites à notre pauvre âme. Ah ! que dis-je ? c’est nous rendre coupables du plus grand de tous les crimes, qui est le sacrilège. Ah ! plût à Dieu que ce crime fût aussi rare parmi les chrétiens que les monstres ! Ah ! plaise à Dieu que tout ce que je vais dire n’attaque personne de ceux qui sont ici ! Mais, hélas ! M.F., disons-le en pleurant amèrement, il est plus commun qu’on ne le pense ! Ô mon Dieu ! que le grand jour du jugement va faire trouver de confessions sacrilèges ! Ô mon Dieu ! que de péchés qui n’ont jamais été connus, et qui vont paraître en ce moment ! Ô mon Dieu, un chrétien peut-il bien se rendre coupable d’un tel outrage envers son Dieu et son Sauveur !… Pour vous en donner autant d’horreur qu’il me sera possible, M.F., je vais dépeindre à vos yeux combien, en le commettant, un chrétien est barbare et cruel envers Jésus-Christ son Rédempteur, et combien il faut que la miséricorde de Dieu soit grande pour souffrir sur la terre un tel monstre, après un attentat aussi affreux.

 

I. – Oui, M.F., vous parler de la confession, c’est vous parler de tout ce qu’il y a de plus précieux dans notre sainte religion, si nous en exceptons la mort de Jésus-Christ et le sacrement de Baptême. Allez, M.F., allez interroger tous les damnés qui brûlent dans les enfers ; tous vous répondront qu’ils ne sont réprouvés que parce qu’ils n’ont pas eu recours à ce sacrement, ou parce qu’ils l’ont profané. Montez dans le ciel, demandez à tous les bienheureux assis sur ces trônes de gloire, ce qui les a conduits dans ce lieu si heureux ; presque tous vous diront que la confession a été le seul remède dont ils se sont servis pour sortir du péché et se réconcilier avec le bon Dieu. Ô belle religion, si l’on te méprise, c’est bien parce que l’on ne te connaît pas ! Ô consolante religion, que vous nous fournissez des moyens efficaces et faciles, pour revenir à Dieu quand nous avons eu le malheur de nous en éloigner par le péché ! — Mais, me direz-vous, qu’est-ce donc qui peut rendre nos confessions mauvaises ? — Mon ami, bien des choses sont cause de ce malheur. C’est 1° lorsque nous ne donnons pas assez de temps à nous examiner ; 2° lorsque nous ne déclarons pas nos péchés tels que nous les connaissons ; 3° lorsque nous n’avons pas assez de contrition pour recevoir l’absolution ; 4° lorsque en recevant l’absolution, nous ne sommes pas dans la résolution d’accomplir la pénitence que le prêtre nous donne ; et 5° quand nous ne voulons pas faire les restitutions que nous pouvons et devons faire, que le prêtre nous commande. Je vous assure, M.F., que la seule pensée d’entrer dans ce détail, me fait trembler ; je suis comme sûr que si la foi n’est pas éteinte en vous, et que si vous désirez véritablement votre salut, il y en aura bien peu parmi vous qui ne soient inquiets sur leurs confessions passées.

Allons, M.F., demandons à ces pauvres consciences, qui, depuis tant d’années, sont déchirées par les remords ; prenons d’une main ce flambeau des grands jours de vengeance, et de l’autre cette balance qui pèsera toutes les actions des hommes, et nous verrons ce que nous n’avons jamais vu, ou, du moins, ce que nous n’avons jamais voulu voir ; et nous entendrons les cris de cette conscience que vous avez tâché d’étouffer jusqu’à présent. Lâchez, M.F., la bride à tous vos remords, trop heureux, si vous n’avez pas encore perdu le don précieux de la foi, si le désespoir ne vous gagne pas en considérant l’abîme où vous vous êtes précipités. Entendez-vous cette pauvre âme, qui vous crie d’avoir pitié d’elle, car si la mort vous frappait dans cet état, elle serait damnée : « Ah ! de grâce, ayez pitié de moi, arrachez-moi de cet abîme où vous m’avez jetée ! Faut-il que je sois séparée pour jamais de mon Dieu, qui devait faire tout mon bonheur ? Ô mon Dieu ! ne vous voir jamais, quel malheur épouvantable ! » Mais non, M.F., venons-en à la preuve, et nous connaîtrons encore mieux si nous sommes du nombre de ces malheureux dont nous allons vous parler aujourd’hui.

Je dis donc 1°, M.F., que si nous ne prenons pas assez de temps pour nous examiner, nos confessions ne valent rien, pour ne pas dire qu’elles sont sacrilèges. Il est vrai qu’il n’est guère possible de déterminer le temps que nous devons employer pour notre examen. Celui qui est resté longtemps sans se confesser doit rester plus longtemps que celui qui se confesse souvent. D’après cela, nous devons y donner du temps selon l’état dans lequel nous sommes engagés, et selon le temps que nous ne nous sommes pas confessés. Donnons-y le temps et les soins que nous donnerions à une affaire dont nous aurions bien à cœur la réussite.

L’examen est donc la première chose que nous devons faire pour espérer une bonne confession. On doit le commencer par la prière, en implorant de tout son cœur les lumières du Saint-Esprit et la protection de la sainte Vierge. Il faut faire quelque bonne action, comme d’entendre la sainte Messe ; et, si nous pouvons, faire pour cela quelques petites privations dans nos repas, dans notre sommeil ; offrir nos peines de la journée au bon Dieu pour commencer à fléchir sa justice. Ensuite il faut se retirer dans un coin, si l’on peut, ou du moins, à son réveil, ou pendant que l’on est en chemin, à mesure que le bon Dieu vous fait connaître vos péchés, lui en témoigner votre douleur. Il ne faut pas vous contenter de voir vos péchés une fois, mais plusieurs, et au point que vous les graviez dans votre mémoire, de manière à ne pas les perdre de vue, pour le moment où vous aurez le bonheur de vous en confesser ; car vous savez aussi bien que moi que si vous laissez quelques péchés mortels, faute de vous être examinés, quand même vous les auriez dits, si vous les aviez connus, cela n’empêcherait pas que votre confession ne soit un sacrilège.

Si, avant de communier, vous vous rappelez de quelques péchés mortels, il faut bien prendre garde : si vous les avez laissés par votre faute, ou parce que vous n’avez pas assez donné de temps à votre examen, il faut, si vous le pouvez, vous réconcilier, et, si vous ne le pouvez, il faut encore examiner devant le bon Dieu si, en vous confessant de ce péché, le prêtre vous a donné la permission de communier. Si vous êtes dans le doute, il vaut mieux laisser votre communion pour une autre fois. Hélas ! M.F., si nous prenions autant de précautions pour le salut de notre âme que nous en prenons pour bien faire nos affaires temporelles, toutes nos confessions seraient très bonnes et nous assureraient notre pardon ! Hélas ! que de confessions faites presque sans examen, sans préparation ! D’après cela, peut-on bien vivre tranquille dans un état si malheureux ?

Nous avons dit, en second lieu, qu’après avoir bien examiné notre conscience, il faut accuser nos péchés autant bien que nous le pouvons, si nous voulons en obtenir le pardon. Si je parlais à des impies ou à des incrédules, je commencerais à leur prouver toute la certitude de cette nécessité d’accuser ses péchés, mais, non, M.F., à vous cela serait inutile. Personne ne doute d’une grâce si précieuse, qui fait tout le bonheur d’un chrétien ici-bas ; car, après le péché, c’est sa seule et unique espérance pour obtenir le ciel. Je dis donc, M.F., que cette seconde condition est absolument nécessaire pour que notre confession soit bonne. C’est l’accusation qui coûte le plus aux pécheurs orgueilleux ; c’est elle aussi qui fait le plus de confessions sacrilèges. Vous allez voir combien ces mauvais chrétiens prennent de détours pour paraître moins coupables : nous sommes plus occupés de la manière dont nous accuserons nos péchés pour éprouver moins de confusion, que de la manière de les dire tels que le bon Dieu les connaît. Combien de fois avons-nous senti notre conscience qui nous faisait connaître que nous ne les disions pas comme il faut, et nous nous tranquillisions en pensant que c’était bien la même chose. Combien de fois avons nous été fâchés de si bien connaître nos péchés, et même d’en tant connaître, parce que nous nous trouvions trop coupables ; au lieu de remercier le bon Dieu de tout notre cœur, de cette grande grâce. Combien de fois n’avons-nous pas choisi le moment où le prêtre a moins de temps, pour qu’il n’ait pas celui de nous faire aucune interrogation ? Combien de fois n’avons-nous pas dit nos péchés avec précipitation, sans laisser au prêtre le temps de nous faire dire les circonstances notables, qu’il est absolument nécessaire de découvrir pour faire une bonne confession.

Je ne parlerai pas, M.F., de ceux qui prient le bon Dieu de trouver des confesseurs qui ne les forcent pas à quitter leurs mauvaises habitudes. II ne veulent pas cependant y mourir ; mais ils ne sont pas résolus de les quitter pour le moment. Hélas ! ce sont de pauvres aveugles, qui courent en enfer à pas de géant et peut-être sans y penser. Mais combien en est-il qui, par ignorance ou par crainte, ne veulent pas seulement prendre la peine de s’examiner ni de distinguer les circonstances qui rendent le péché plus grave, ou qui le changent d’espèce. Je n’entrerai pas dans un grand détail, parce que, l’année passée, je vous ai assez expliqué tout cela. Vous vous accusez bien d’avoir travaillé le dimanche ; mais vous ne dites pas pendant combien d’heures, ni combien de personnes vous avez fait travailler, ni si c’est pendant les saints offices ; combien de personnes vous ont vues, ce qui les a scandalisées. Vous vous accusez bien d’avoir mangé de la viande les jours défendus ; mais vous ne dites pas combien de personnes en ont mangé à cause de vous, et combien vous ont vu, ce qui les a scandalisées, et, peut-être, les a portées à faire de même ; vous ne dites pas si vous avez sollicité vos enfants ou vos domestiques. Vous vous accusez bien d’avoir mangé de la viande ; mais vous ne dites pas si c’est par impiété, en vous raillant des commandements de l’Église ; vous dites bien que vous avez fait gras sans y penser ; mais vous ne dites pas que c’est votre gourmandise qui en a été la cause. Vous vous accusez bien d’avoir manqué à vos prières : votre Benedicite, vos grâces, vos Angelus, le signe de la croix passant devant une croix ou une église ; mais vous ne dites pas que c’est par respect humain, ce qui augmente considérablement votre péché. Vous vous accusez bien d’avoir eu des distractions dans vos prières ; mais vous ne dites pas que c’est pendant la sainte Messe et pendant vos pénitences, ce qui est souvent un péché mortel, et ce qui ne l’est pas dans les autres prières du jour. Vous dites bien que vous avez chanté de mauvaises chansons ; mais vous ne dites pas combien elles avaient de mauvaises raisons, et combien il y avait de personnes qui les ont entendues ; vous ne dites pas si vous les avez apprises à d’autres, si vous avez prié d’autres personnes de vous en apprendre. Vous vous accusez bien d’avoir dit du mal de votre prochain ; mais vous ne dites pas si c’est de votre père, de votre mère, ou des personnes consacrées à Dieu, ce qui rend votre péché plus considérable ; vous ne dites pas même que vous avez mal parlé de votre prochain par haine, par vengeance ou par jalousie, et que vous avez cherché les personnes qui lui voulaient du mal, afin d’en parler mieux à votre aise.

Mon Dieu, que de choses auxquelles l’on ne pense pas ! mon Dieu, que de confessions sacrilèges !

Mais voilà, M.F., une ruse dont le démon se sert pour en tromper et en perdre un grand nombre. Une personne aura caché un péché, il y a deux, ou trois ou dix ans, si vous voulez : étant trop tourmentée, elle s’en accuse comme si elle l’avait commis depuis sa dernière confession, et après, pour cela, elle se croit tranquille, bien qu’elle n’ait pas dit combien de confessions et de communions elle a faites, ni accusé de nouveau tous les péchés qu’elle a commis et confessés depuis ce temps-là. Mon Dieu, quel aveuglement ! Bien loin d’effacer son péché, elle ne fait qu’ajouter un nouveau sacrilège aux anciens. Ah ! qui pourrait, M.F., vous raconter le nombre d’âmes que le démon traîne en enfer de cette manière ? D’autres, qui auront commis quelques gros péchés, n’osant pas les accuser, demanderont à faire une confession générale ; afin d’envelopper ce péché avec les autres, comme l’ayant commis depuis longtemps. Vous vous trompez, votre confession ne vaut rien. Il faut accuser en particulier tous les péchés que vous avez commis depuis que vous avez reçu l’absolution, si vous voulez que votre confession soit bonne.

Voici un autre piège que le démon nous tend. Quand il voit que les péchés que nous avons cachés nous tourmentent trop, il tâche de nous calmer en nous disant que nous les confesserons la première fois que nous y retournerons, toujours dans l’espérance que, d’ici-là, nous serons morts ou que le bon Dieu nous aura abandonnés. Oui, M.F., le sacrilège est un crime qui nous éloigne tellement de Dieu, qui éteint si vite la foi en nous, que, souvent, malgré tous les moyens que nous avons de sortir de cet état, nous ne le faisons pas, et cela, par un juste châtiment de Dieu, que nos sacrilèges nous ont attiré ; en voici un exemple effrayant. Le Père Lejeune rapporte un trait, qu’il nous dit tenir de la bouche de celui qui en a été témoin. Il nous dit qu’il y avait près de la ville de Bruxelles, une pauvre qui, aux yeux du monde, remplissait parfaitement bien ses devoirs de religion. Les gens la considéraient comme une sainte ; mais la pauvre malheureuse cachait toujours un péché honteux qu’elle avait commis dans sa jeunesse. Étant tombée malade de la maladie dont elle mourut, s’était comme évanouie un moment, et ayant repris la connaissance, elle appelle sa sœur qui la servait, en lui disant : « Ma sœur, je suis damnée. » Cette pauvre fille s’approcha de son lit et lui dit : « Ma sœur, vous rêvez réveillez-vous et recommandez-vous au bon Dieu. »« Je ne rêve point, lui dit-elle, je sais bien ce que je dis ; je viens de voir la place qui m’est préparée en enfer. » Sa sœur court promptement chercher monsieur le curé. Celui-ci n’y étant pas, son frère, qui était son vicaire, vint vite à sa place pour voir cette pauvre malade ; et c’est de lui, nous dit le Père Lejeune, que je l’ai appris sur les lieux, faisant une mission. En nous accompagnant, il nous fit voir la maison ou était cette pauvre femme ; il nous fit tous pleurer en nous racontant ce trait. Il nous dit qu’étant entré dans la maison, il s’approcha de cette malade : « Eh bien ! ma bonne, qu’avez-vous donc vu qui vous a paru si effrayant ? »« Monsieur, lui répondit-elle, je suis damnée ; je viens de voir la place qui m’est préparée en enfer, parce que, autrefois, j’avais commis un tel péché. » Elle l’avoua devant tout le monde qui était dans la chambre. « Eh ! ma bonne, dites-le-moi en confession, et je vous en absoudrai. »« Monsieur, lui dit-elle, je suis damnée. »« Mais, lui dit le prêtre, vous êtes encore en vie et dans la voie du salut ; si vous voulez, je vous donnerai un billet signé de mon sang par lequel je m’obligerai, âme pour âme, à être damné pour vous dans le cas où vous le seriez, si vous voulez demander pardon à Dieu et vous confesser. »« Je sais bien, lui dit-elle, que si je veux demander pardon de tout mon cœur au bon Dieu, il me pardonnera ; je sais que je puis réparer tous mes sacrilèges ; mais je ne veux pas lui demander pardon, parce qu’il y a trop longtemps que j’abuse de ses grâces et que je le crucifie par mes sacrilèges. » Le prêtre resta trois jours et trois nuits à pleurer auprès de cette malade, sans pouvoir seulement lui faire faire un acte de contrition ni l’amener à se confesser ; au contraire, un moment avant de mourir, elle renia le bon Dieu, elle renonça à son baptême et se donna au démon. Ô mon Dieu, quel malheur ! Comprenez-vous, M.F., ce que c’est que de profaner les sacrements ? Ne voyez-vous pas que malgré tous les moyens que nous avons de réparer le mal que nous avons fait, nous n’en faisons rien ? Hélas ! une fois que le bon Dieu nous abandonne en punition de nos horreurs, que devenons-nous ? Hélas ! qu’il y en a qui sont de ce nombre, sans être si visibles aux yeux du monde ; mais qui, aux yeux de Dieu, ne sont pas moins coupables. Combien en est-il qui sont dans cet état, non parce qu’ils cachent leurs péchés, mais parce qu’ils n’ont point de contrition, parce qu’ils ne se corrigent nullement de leurs mauvaises habitudes ; qui vivent toujours de même, chez qui l’on ne voit point de changement. Mon Dieu, que de chrétiens damnés, et qui, aux yeux du monde, semblent être de bons chrétiens !

Vous voyez donc, M.F., que si nous comprenions bien ce que c’est que recevoir les sacrements, nous y apporterions bien d’autres dispositions que nous ne le faisons. Il est vrai que le plus grand nombre, en cachant leurs péchés, conservent toujours la pensée de les accuser ; mais, sans un miracle, ils n’en seront pas moins perdus. Si vous en voulez la raison, il est bien facile de vous la donner ; puisque, plus nous restons dans cet état épouvantable qui fait frémir le ciel et la terre, plus le démon prend d’empire sur nous, plus la grâce de Dieu se diminue, plus notre crainte s’augmente, plus nos sacrilèges se multiplient et plus nous reculons ; et par là, nous nous mettons presque dans l’impossibilité de rentrer en grâce avec Dieu. Je vous en citerai cent exemples pour un. Dites-moi, M.F., est-ce que vous pouvez même espérer qu’après avoir passé dans le sacrilège peut-être de cinq à six ans, pendant lesquels vous avez plus outragé le bon Dieu que tous les Juifs ensemble, vous oseriez croire que le bon Dieu va vous donner toutes les grâces qu’il vous faudrait pour sortir de cet état épouvantable ; vous croyez peut-être qu’en considérations de tant d’atrocités, dont vous vous êtes rendus coupables envers Jésus-Christ, vous n’aurez qu’à dire : « Je vais quitter le péché » et tout sera fini ? Hélas ! mon ami, qui vous garantit que Jésus-Christ ne vous aura pas fait la menace qu’il fit aux Juifs et prononcé la même sentence qu’il prononça contre eux : « Vous ne voulez profiter des grâces que je voulais vous donner ; mais je vous laisserai, et vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas et vous mourrez dans votre péché (JOAN. VIII, 21.). » Hélas ! M.F., notre pauvre âme, une fois entre les mains du démon, n’en sort pas si facilement que nous le croyons bien.

Voilà, M.F., ce que le démon fait pour nous tromper : quand nous commettons le péché, il nous le représente comme bien peu de chose. Il nous fait penser qu’il y en a bien d’autres qui en font plus que nous ; ou bien, que nous nous en confesserons, que nous en aurons aussitôt dit quatre que deux. Mais quand le péché est commis il fait tout le contraire : il nous le représente comme une montagne, il nous en donne tant d’horreur que nous n’avons plus la force de nous en confesser. Si nous sommes trop tourmentés d’avoir caché un péché, pour nous rassurer, il nous dit que nous le déclarerons à la première confession ; ensuite, il nous dit que nous n’en aurons pas le courage ; qu’il faut attendre une autre fois pour le dire. Prenez garde, M.F., il n’y a que le premier pas qui coûte ; une fois dans la prison du péché, il est extrêmement difficile d’en sortir.

Mais, de tous les péchés, celui qui nous fait faire le plus de sacrilèges, c’est celui qui est contre la sainte vertu de pureté (1) ; ce maudit péché porte une telle infamie avec lui qu’il nous entraîne dans toutes sortes de malheurs ; et nous verrons, au jour du jugement, que le plus grand nombre de mauvaises confessions ont été rendues mauvaises par ce péché. Il est rapporté dans l’histoire qu’il y avait un jeune homme qui s’était consacré à Dieu dès sa jeunesse. Il s’était même retiré dans un bois pour vivre en solitaire. Il devint par ses grandes vertus, un sujet d’admiration pour tous les environs ; l’on en parlait comme d’un saint. Mais le démon, qui ne pouvait souffrir tant de vertus dans un si jeune homme, mit tous ses artifices pour le perdre. Il le poursuivait continuellement par de mauvaises pensées. Ce jeune homme avait aussitôt recours à la prière, en demandant au bon Dieu la force de ne pas succomber. Le démon ne le quittait ni jour ni nuit, toujours dans l’espérance qu’il le gagnerait. Hélas ! ce pauvre jeune homme, las de combattre, se rendit peu à peu ; et enfin, dans son cœur, il donna un consentement à un désir d’impureté. Hélas ! à peine eut-il consenti seulement à ce désir, qu’il se sentit tout troublé dans l’âme. Tant il est vrai, hélas ! que dès que le péché entre dans notre cœur, la paix de l’âme s’en va. Se voyant vaincu, il s’abandonna à une si profonde tristesse que rien ne pouvait le consoler ; il pleurait continuellement : « Ah ! Pélage, disait-il, en se parlant à lui-même, que tu as peu tardé à te laisser tromper ! toi qui, il y a si peu de temps, étais un enfant chéri de Dieu, et, maintenant, te voilà un enfant esclave du démon : il faudra bien t’en confesser, faire pénitence de ton péché. Mais, si je le confesse, que va-t-on penser de moi ! Je vais perdre l’estime que l’on a de moi dans le monde. » Au milieu de tant de sortes de pensées, étant allé vers la porte de son ermitage, il vit passer un personnage vêtu en pèlerin, qui lui dit : « Pélage, pourquoi vous livrez-vous à une si profonde tristesse ; celui qui sert un Dieu si bon, ne doit pas être si triste ; si vous l’avez offensé, faites pénitence et confessez-vous, et sans doute, le bon Dieu étant si bon, vous pardonnera. »« Et où m’avez-vous connu ? lui demanda Pélage. »« Je vous connais fort bien, répondit le pèlerin, pour Pélage qui passe pour un saint dans tout le pays. Si vous voulez sortir de cette tristesse, confessez-vous, et vous reprendrez l’ancienne paix de votre âme et votre première tranquillité. » Le pauvre Pélage demeura tout étonné de ce que lui disait le pèlerin, et, regardant de tous côtés, il n’aperçut plus son pèlerin, parce qu’il avait disparu : ce qui lui fit bien comprendre que c’était un avertissement du Ciel. Alors il résolut de faire une véritable pénitence qui fût capable d’apaiser la justice de Dieu ; et pour mieux exécuter son dessein, il résolut d’aller dans un monastère voisin où l’on faisait de grandes pénitences. Il alla trouver le supérieur en lui disant qu’il avait un grand désir de prendre le saint habit. L’abbé et tous les religieux en eurent une grande joie, d’autant plus qu’il passait pour un grand saint. En effet, quand il fut dans le monastère, il était toujours le premier dans tous les exercices de piété ; il faisait de rigoureuses pénitences, il portait toujours un cilice et jeûnait fort exactement. Au bout de quelque temps, il tomba malade, il ne douta pas qu’il allait mourir. Le bon Dieu dans sa miséricorde, en reconnaissance de tant de vertus qu’il avait pratiquées dans son monastère, lui donna de fortes pensées de se confesser de son péché caché ; mais jamais il n’eut la force de le confesser ; toujours retenu par la crainte et la honte, il confessa bien tous ses autres péchés avec un grand regret. Un moment après avoir reçu le saint Viatique, il mourut. Les religieux firent l’enterrement, non comme celui d’un mort ordinaire, mais d’un saint dont on commençait déjà à implorer la protection auprès du bon Dieu. Tous les habitants des pays voisins venaient en foule pour se recommander à ses prières. Hélas ! que le bon Dieu juge bien autrement que ces hommes. La nuit suivante, le sacristain s’étant levé pour aller sonner l’office, et passant par l’église, jeta les yeux sur l’endroit où était enterré Pélage ; il s’aperçut que le corps était sur la terre, et pensant qu’on ne l’avait pas bien couvert, il l’enterra sans rien dire. Mais le lendemain, il le trouva encore hors de sa tombe ; il remarqua que la terre l’avait rejeté dehors. Il alla trouver l’abbé et lui raconta ce qu’il avait vu. L’abbé fit rassembler tous ses religieux et ordonna d’aller à l’église. Étant auprès de la sépulture de Pelage, ils prièrent Notre-Seigneur Jésus-Christ de vouloir bien manifester sa volonté s’il fallait enterrer le défunt dans un lieu plus honorable ; ils s’adressèrent même au défunt, en lui disant à haute voix : « Vous, Pélage, qui avez été si obéissant pendant votre vie, dites-nous si c’est la volonté de Dieu que votre corps soit mis dans un endroit plus digne de vous ? » Alors le défunt jeta un cri épouvantable en leur disant : « Ah ! malheureux que je suis, pour avoir caché un péché en confession, je suis condamné au feu de l’enfer, pour autant de temps que Dieu sera Dieu ; si vous voulez vous en assurer, approchez-vous et regardez mon corps. » L’abbé s’approcha et vit son corps tout embrasé, semblable aux morceaux de fer qui sont dans une fournaise. Alors le défunt lui dit que la volonté de Dieu était qu’il fût jeté à la voirie comme une bête. Hélas ! quel malheur, M.F. ! combien il lui aurait été facile de se sauver puisqu’il était un saint sous le rapport de toutes les autres vertus ! Ô mon Dieu, quel malheur ! pour n’avoir pas eu la force de confesser un seul mauvais désir, qu’à peine avait-il laissé naître dans son cœur, il s’en était aussitôt repenti. Hélas ! que de regrets et que de larmes pendant toute l’éternité ! Hélas ! M.F., que ce péché fait faire de mauvaises confessions, ou plutôt que ce péché conduit d’âmes en enfer ! Hélas ! combien, parmi ceux qui maintenant m’écoutent, sont du nombre et auxquels il faut toutes leurs forces pour ne point le laisser paraître au dehors ! Ah ! mon ami, lâchez la bride à vos remords, laissez couler vos larmes, venez vous jeter aux pieds du Seigneur, et vous trouverez la paix et l’amitié de votre Dieu que vous avez perdues.

Mais, pensez-vous, je ne crois pas qu’il y en ait qui soient capables de cacher leurs péchés, parce qu’ils seraient bien trop tourmentés. – Ah ! M.F., s’il me fallait prêter serment, pour affirmer qu’il y en a ou qu’il n’y en a point, je ne balancerais pas à dire qu’il y en a au moins cinq ou six qui sont brûlés par leurs remords et par leurs péchés, et qui m’entendent, et qui pensent que cela est vrai ; mais, prenez patience, vous les verrez au jour du jugement, et vous vous rappellerez ce que je vous dis aujourd’hui, Ô mon Dieu ! la honte ou la crainte peuvent-elles bien retenir un chrétien dans un état si épouvantable ? Ah ! mon ami, qu’est-ce que vous vous préparez à vous-même ? Vous n’osez pas vous en ouvrir à votre pasteur ? mais est-il seul dans le monde ? Ne trouveriez-vous pas des prêtres qui auraient la charité de vous recevoir ? Pensez-vous que l’on vous donnera une trop longue pénitence ? Ah ! mon ami, que cela ne vous arrête pas ! l’on vous aidera, l’on en fera la plus grande partie ; on priera pour vous, on pleurera vos péchés, pour attirer avec plus d’abondance les miséricordes de Dieu sur vous ! Mon ami, ayez pitié de cette pauvre âme qui a coûté si cher à Jésus-Christ !… Ô mon Dieu ! qui pourra jamais comprendre l’aveuglement de ces pauvres pécheurs ! Vous avez caché votre péché, mon ami, mais il faudra qu’il soit connu un jour, et même aux yeux de tout l’univers ; tandis que, d’une parole, vous l’auriez caché pour jamais et vous changeriez votre enfer en une éternité de bonheur ! Hélas ! qu’un sacrilège conduit loin ces pauvres pécheurs ! ils ne veulent pas mourir dans cet état, mais ils n’ont pas la force d’en sortir. Mon Dieu, tourmentez-les si fort qu’ils ne puissent pas y rester !…

Nous avons dit, en troisième lieu, que le défaut de contrition rend nos confessions mauvaises. Quoique vous veniez de voir, par ce que nous avons dit, combien de personnes font de mauvaises confessions, je vous dirai cependant que, tout bien examiné, le défaut de contrition sera la cause du plus grand nombre de confessions sacrilèges. Je ne veux pas m’étendre sur cela, parce que je vous en parlerai peut-être dimanche ; je vous dirai seulement, en passant, que nous ne devons jamais nous confesser sans demander la contrition au bon Dieu de tout notre cœur, par de ferventes prières. C’est vrai, M.F., nous faisons très bien de nous tourmenter pour obtenir le bonheur de bien accuser nos péchés ; mais nous devons bien mieux encore nous tourmenter pour savoir si nous aurons bien la contrition de nos péchés. Quand nous avons le malheur de cacher un péché, c’est un tigre qui nous dévore ; mais le défaut de contrition ne nous fait rien. — Mais, me direz-vous, que faut-il faire pour l’avoir ? — Il faut premièrement la demander au bon Dieu quelque temps avant de vous confesser, et, si vous voulez savoir si vous l’avez, ce qui est assez facile, voyez si vous avez changé de vie. Pour que notre confession ne nous laisse point d’inquiétudes, il faut, qu’après avoir confessé nos péchés, nous possédions les vertus qui leur sont contraires. Il faut que l’humilité, le mépris de nous-même, prenne la place de l’orgueil et de cette bonne opinion que nous avons de nous ; il faut que cet esprit de charité, de bonté et de miséricorde, prenne la place de cet esprit de haine, de vengeance, de jalousie et d’envie ; il faut que cet esprit de détachement des biens de ce monde succède à cet esprit d’avarice, de cupidité et au désir de tromper le prochain ; il faut que cet esprit de mortification et de larmes prenne la place de la gourmandise et de l’amour des plaisirs du monde ; il faut que cette belle vertu de pureté prenne la place sur le trône où le vice infâme était placé. Ah ! que dis-je, M.F. ? il faut que cette ferveur, cet amour pour la prière et cette vigilance à rejeter les tentations du démon, remplacent cette tiédeur, cette négligence et cette indifférence pour tout ce qui a rapport à Dieu et au salut de notre âme, et que cette douceur, cette patience soient placées au même endroit où étaient placées ces colères, ces emportements et toutes ces malédictions ; en un mot, nous étions pécheurs, maintenant que nous sommes confessés, il faut cesser de l’être. Hélas ! M.F., si nous ne voyons pas en nous ces changements, après tant de confessions et de communions, tremblons, ou plutôt, revenons sur nos pas de crainte que nous n’en sentions, mais trop tard, la nécessité.

En quatrième lieu, M.F., nous disons que nos confessions ne valent rien quand nous ne disons pas le nombre de nos péchés mortels, du moins autant bien que nous le pouvons. Il y en a qui se contentent de dire : « Je m’accuse d’avoir juré, d’avoir dit de mauvaises chansons, et rien de plus. » Jamais vos confessions ne seront bonnes, si vous ne déterminez pas le nombre de vos péchés mortels. Il est vrai que l’on ne peut pas dire toujours au juste, mais il faut se rapprocher autant que l’on peut.

En cinquième lieu, nous avons dit qu’une confession, est mauvaise lorsqu’en recevant l’absolution, on n’a pas l’intention de faire la pénitence que le prêtre nous donne. Il ne faut pas se contenter de s’accuser d’avoir manqué sa pénitence ; mais, bien dire qu’en vous confessant, vous n’aviez pas l’intention de la faire ; ensuite, si vous l’avez manquée par négligence. Si vous l’avez manquée volontairement et que vous ayez confessé des péchés mortels, vous commettez un péché mortel. Nous devons toujours faire notre pénitence à genoux, à moins que le prêtre nous dise que nous pouvons la faire assis. Il y en a qui la font en marchant, en travaillant, ce n’est pas faire votre pénitence. Vous ne devez jamais la changer de vous-mêmes, ni même la faire changer à un autre prêtre, à moins que vous ne puissiez pas aller trouver celui qui vous l’a imposée ; et ce changement ne doit se faire que quand il vous est impossible de l’accomplir. Il y en a qui ne savent pas assez lire ; si on leur donne quelques prières sur des livres, par orgueil, ils ne veulent pas dirent qu’ils ne savent pas assez bien lire, et, ensuite, ils la disent tout de travers. Il faut dire tout simplement que vous ne savez pas assez lire, afin qu’on vous la change, et, si cela vous est arrivé, il faut le dire en confession, pour qu’on vous en donne une autre.

6° Nous avons dit que le défaut de restitution rend nos confessions sacrilèges. Je ne parle pas de ceux qui ont volé ou trompé le prochain et qui ne s’en confessent pas : ceux-là sont bien perdus ; mais je dis que ceux à qui le confesseur a ordonné quelques restitutions, si dans le moment qu’il recevaient l’absolution, ils n’ont pas eu l’intention de rendre, leur confession ne vaut rien ; et si vous avez manqué de rendre, le pouvant, comme vous l’aviez promis, il faut bien le dire en vous confessant. Convenez avec moi combien il est nécessaire de faire, de temps en temps, de petites revues de sa vie passée, afin de réparer les mauvaises confessions que nous aurions pu faire, même sans le connaître.

 

II. – Mais, hélas ! M.F., quelle vie malheureuse mènent ceux qui cachent leurs péchés en se confessant, et qui restent avec de tels bourreaux dans leur cœur ! Vous avez toujours la pensée que vous les accuserez dans une confession ou avant de mourir. Mon ami, vous êtes un aveugle, vous ne le ferez pas ; le démon vous en empêchera aussi bien dans vos autres confessions ou à l’heure de votre mort, qu’il vous en a empêché jusqu’à présent. Si vous en doutez, écoutez-moi et vous verrez que cela est vrai ; que celui qui vit dans le sacrilège est à peu près sûr d’y mourir. Il est rapporté par le Père Jean Romain, de la Compagnie de Jésus, que le fameux Jean d’Avila, prêchant dans une ville d’Espagne, fut appelé pour entendre la confession d’une demoiselle qui, par les soins de sa mère, avait été élevée dans toutes sortes de vertus. Cette mère ne manquait pas de communier tous les samedis en l’honneur de la sainte Vierge. La mère étant morte, la fille continua dans la même dévotion, ajoutant, de plus, plusieurs aumônes, des jeûnes et autres bonnes œuvres. Comme elle entendait souvent prêcher le Père Jean d’Avila, elle en était vraiment touchée, elle se sentait vivement portée à la vertu. Étant tombée malade, elle le fit prier de venir la voir, parce qu’elle désirait bien se confesser à lui. Quoique son mal ne fût pas fort dangereux, elle voulait pourvoir de bonne heure au salut de son âme. Elle le priait d’avoir la charité de l’entendre, parce qu’il y avait longtemps qu’elle désirait se confesser et bien lui découvrir l’état de son âme. Le Père lui accorda avec joie ce qu’elle demandait. Elle commença à se confesser avec des marques d’une douleur si vive et avec une si grande abondance de larmes, que le Père était dans l’admiration de trouver une si belle âme, du moins en apparence. Sa confession étant finie, le Père s’en va tout consolé ; lui ayant donné l’absolution, il la laissait dans une grande sûreté pour son salut, toujours du moins en apparence. Il arriva cependant une chose fort extraordinaire. Le Frère, que ce Père avait mené pour l’accompagner, étant dans une autre chambre, voyait venir de temps en temps, du côté de la muraille, une main noire toute couverte de poils, qui serrait la gorge de la malade de manière qu’il semblait qu’elle voulût l’étouffer. Le Frère, voyant cela, fut fort étonné. Étant retourné au couvent, il va trouver le supérieur à qui il raconte ce qu’il avait vu. Le supérieur lui demanda s’il était bien sûr de cela. Il lui dit : « J’en suis aussi sûr que je suis sûr d’être devant vous. Pendant quelques instants j’en ai douté, mais, ayant encore redoublé d’attention, j’ai vu tout ce que je vous dis. » Alors le supérieur appelle le Père Jean, et, quoique ce fût la nuit, il lui commande de retourner chez la malade, en lui disant de faire tout ce qu’il pourrait pour l’engager à se réconcilier si elle se sentait quelque chose qui lui fit de la peine. Le Père part avec le même compagnon. Lorsqu’ils furent à la porte, ils entendirent des cris et des gémissements ; mais à peine eurent-ils frappés, qu’un valet vint leur dire que sa maîtresse était morte, que presque aussitôt après sa confession, elle avait perdu la parole et l’usage de ses sens, de sorte qu’elle n’avait pas pu communier. Après avoir vu la défunte, ils retournèrent au couvent où ils rendirent compte au supérieur de ce qui était arrivé, ce qui l’affligea beaucoup. Le Père qui avait confessé la malade fut saisi d’une si grande douleur qu’il se mit à pleurer amèrement, et s’en alla devant le Saint-Sacrement, où, étant prosterné, il commença à prier le Seigneur pour le repos de cette malheureuse fille, lui demandant de vouloir la retirer de la damnation éternelle. Après avoir prié quelques moments, il entendit un grand bruit comme de grosses chaînes qu’on traînait par terre. S’étant tourné du côté de ce bruit, il vit devant lui une personne environnée, depuis les pieds jusqu’à la tête, de chaînes et de flammes obscures. Le Père, sans s’effrayer, lui demanda qui elle était. Elle lui répondit : « Je suis l’âme de cette malheureuse fille que vous êtes venu confesser ce matin, je suis celle pour qui vous priez, mais en vain. J’ai trompé le monde par mes hypocrisies et mes fausses vertus. Il faut que vous connaissiez ces hypocrisies. Après la mort de ma mère, un jeune homme était épris d’amour pour moi ; je fis d’abord quelques résistances ; mais il vint à bout de ma faiblesse. Si ma faute fut grande, la répugnance que le démon fit naître en moi pour la confesser alla encore plus loin ; je sentais de vifs remords de conscience, la crainte des tourments où je me trouve maintenant m’était un supplice. Inconsolable et ne cherchant qu’à sortir de cette peine, j’avais résolu plusieurs fois de m’en confesser ; mais la honte et l’appréhension que mon confesseur perdit la bonne opinion qu’il avait de moi, m’en avait toujours empêchée. Dans cette crainte, je voulus toujours continuer mes confessions et mes communions. Lorsque j’entendais vos sermons, c’était autant de dards qui me perçaient le cœur, et, je pris enfin la résolution de me confesser à vous : c’est pour cela que je vous fis appeler. Ah ! j’aurais bien dû commencer par mes sacrilèges, et non par les petites fautes ! car, ensuite, je n’eus jamais la force de vous accuser mon péché caché. Me voilà damnée pour jamais ! Ne perdez pas votre temps à prier pour moi. »« Mais, quelle est la plus grande de vos peines ? » lui demanda le Père. « C’est de voir, lui répondit-elle, que j’aurais pu me sauver en avouant mon péché, aussi facilement que je viens de vous le dire, sans que j’en tire aucun fruit. » Après cela elle disparut, poussant des cris épouvantables et faisant un bruit effroyable avec ses chaînes.

Ah ! M.F., quel état est celui d’une âme qui va paraître devant le tribunal de Jésus-Christ avec des sacrilèges ! Cherchons dans les recoins les plus cachés de nos consciences, et, si nous sentons quelques remords, tâchons de les faire disparaître par une bonne confession, qui est le seul remède, puisque ni les pénitences ni les aumônes ne pourront y remédier. Hélas ! M.F., un pauvre chrétien dans ce péché n’a aucun mérite dans toutes ses bonnes œuvres ; tout est perdu pour le ciel. Mon Dieu, peut-on bien vivre avec des sacrilèges sur sa conscience, surtout quand on les connaît ? N’est-on pas déjà en enfer par les remords que l’on éprouve continuellement ? Peut-on trouver quelques plaisirs dans la vie ?

Saint Antoine nous rapporte ce que le bon Dieu révéla à un saint prélat, pendant qu’il entendait la confession d’une personne qui, par honte, cachait un péché d’impureté. Le saint voyant à côté d’elle un démon, lui demanda ce qu’il faisait là. Le démon répondit qu’il observait un précepte de Jésus-Christ. « Eh quoi ! lui dit le saint, depuis quel temps est-ce que tu observes les préceptes de Jésus-Christ ? »« Oui, lui dit le démon, moi qui avais ôté la honte à cette personne, pour qu’elle péchât plus hardiment, maintenant je la lui restitue ; afin qu’étant vaincue par la honte, elle ne confesse pas son péché. »

Ô mon Dieu ! qu’un orgueilleux est à plaindre et en danger de se damner ; puisque, en effet, si nous cachons nos péchés, si nous ne les disons pas tels qu’ils sont, ce n’est pas autre chose que l’effet de l’orgueil. Ô mon Dieu ! consentir à être damné ! ou, plutôt, échanger une humiliation de cinq minutes avec une éternité !… Hélas ! ces pauvres damnés accuseront leurs péchés cachés et leurs sacrilèges pendant toute l’éternité sans en pouvoir obtenir le pardon ; tandis que, dans ce monde, une simple accusation à un prêtre plein de charité, qui nous aide à demander au bon Dieu notre pardon, qui désire autant notre salut que nous-mêmes, nous eût sauvé. Ah ! non, non, M.F., ceci ne peut pas se comprendre ! porter son aveuglement jusqu’à un tel point !… Vous êtes tombé, mon ami, vous avez sans doute fait bien du mal ; mais, relevez-vous vite, puisque vous le pouvez encore ; peut-être que vous ne pourrez pas un autre jour, et en voici la preuve.

Il est rapporté dans l’histoire qu’un missionnaire était allé voir une malade pendant la nuit. Voyant que sa maladie allait la conduire à la mort, et s’étant approché de son lit, il lui dit : « Madame, vous voilà prête à rendre compte à Dieu de votre conduite, j’ai grand’peur que vous n’ayez caché quelques péchés dans vos confessions, et, si vous ne vous en accusez pas, vous serez damnée ; réfléchissez. »« Est-il possible, s’écria la malade, il faut que je meure ? J’avoue, dit-elle au missionnaire, qu’il y a bien longtemps que je me confesse fort mal, en cachant par honte des péchés. » Mais, en disant cela, elle perdit la parole sans pouvoir dire un seul mot, mourut dans ce misérable état, et, sans doute, fut damnée. Hélas ! dans quel état d’horreur vont paraître ces personnes au jour du jugement, étant toutes couvertes de sacrilèges ! Oh ! « montagnes, diront-elles, écroulez-vous sur nous, cachez-nous à Dieu (APOC. VI, 16.) » comme nous avons caché nos sacrilèges aux yeux du monde ! Mais non, tout se verra et tout paraîtra à la face de l’univers. Ah ! que de regrets d’avoir vécu trois ou quatre ans, peut-être, dans cet état, et avoir été dévoré par les remords de conscience sans avoir voulu y remédier !

Mais, dites-moi, que doit penser une personne qui se sent coupable de ce péché, quand elle reçoit l’absolution ? Que doit-elle penser quand le prêtre lui dit : « Allez en paix, et tâchez de bien persévérer » ? Ah ! si elle entendait Jésus-Christ qui, du haut du ciel, crie à son ministre : « Arrête, arrête, malheureux, ce sang précieux que tu fais couler sur cette âme crie vengeance, il va écrire sa sentence de réprobation ; arrête, ministre, je réprouve et maudis cette âme ! » Ah ! malheureux, vous venez de vendre votre Dieu ! Allez, allez, perfide, traître Judas, allez à la table sainte pour achever l’œuvre de votre fureur ! allez lui donner la mort ! Ah ! si vous entendiez Jésus-Christ qui vous crie du fond de son tabernacle « Arrête, arrête, mon fils ! Ah ! de grâce, épargne ton Père ! Pourquoi veux-tu me faire mourir ? Arrête, arrête, mon fils, épargne ton Dieu, pourquoi veux-tu lui donner le coup de la mort ? » Ah ! si un chrétien pouvait comprendre la grandeur de son crime, pourrait-il porter sa fureur jusqu’à un tel excès contre un Dieu si bon, un Dieu qui nous aime plus que lui-même, qui ne veut et ne désire que notre bonheur ? Ô mon Dieu ! un chrétien qui aurait une fois commis un crime tel que le sacrilège, pourrait-il encore vivre ? Ne lui semblerait-il pas entendre sans cesse intérieurement, au dedans de lui-même, une voix, comme ce jeune homme qui avait tué son père : « Ô mon Fils, pourquoi m’as-tu égorgé, pourquoi m’as-tu ôté la vie ? » Un chrétien qui aurait eu ce malheur, pourrait-il encore une fois porter ses yeux sur cette croix, vers ce tabernacle : oh ! que dis-je ? vers cette table sainte où il a fait mourir Jésus-Christ, son Dieu et son Sauveur, d’une manière si épouvantable et si affreuse ? Oui, M.F., ce péché est épouvantable, quoique si commun ; il y aurait de quoi mourir d’y penser !…

Que devons-nous conclure de tout ce que nous venons de dire ? le voici. C’est qu’il nous faut prendre tous les moyens possibles pour bien faire nos confessions ; c’est de ne jamais recevoir l’absolution quand nous avons quelque mauvaise habitude, si nous ne sommes pas dans l’intention de nous corriger ; de ne jamais faire nos confessions à la hâte ; de ne jamais chercher les termes qui peuvent adoucir l’accusation de nos péchés ou les diminuer à nos yeux ou à ceux de notre confesseur, et ne jamais nous confesser sans bien demander à Dieu la contrition de nos péchés. Enfin, quand il y aurait vingt ans, trente ans, que nous aurions des péchés cachés, il ne faut rien écouter, vite les avouer ; et si nous sommes sincères, nous sommes sûrs que le bon Dieu nous pardonnera ; au lieu que, si nous attendons à la mort, ou nous ne pourrons pas, ou peut-être même, par un châtiment terrible de la justice de Dieu, nous ne le voudrons pas, comme nous venons de le voir. Quand nous avons la pensée de cacher quelque péché, pensons vite quels reproches nous fera notre confesseur lui-même au jour du jugement, quand il verra que nous l’avons trompé. Oui, faisons tout ce que nous ferons comme nous voudrions l’avoir fait à l’heure de la mort, et tout sera bien fait. C’est ce que je vous souhaite.

 

 


 

« Un baptême de chaque semaine qui remet vos péchés » comme dit le curé de Cucugnan…

 


[1] Et le bien d’autrui (Note du Saint)

 


 
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