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Réponse à « L’opinionisme » de Mgr Donald Sanborn

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Un lecteur nous pris d’accepter de voir insérer sur CatholicaPedia à la suite de l’article de Mgr Sanborn intitulé « L’opinionisme », la réponse ci-dessous. Nous accédons à sa requête et vous la soumettons telle quelle avant d’y revenir plus en détail pour une nouvelle « Disputatio » dont son auteur, M. Philippe Tailhades, acceptera certainement d’y débattre ici.

 

— Philippe Tailhades —

 

« L’opinionisme » de Mgr Donald Sanborn

 

Une réponse ?

 

Les sites Internet quilegitintellegat.clicforum.fr puis catholicapedia.fr ont publié courant décembre un article intitulé « l’opinionisme » ayant pour auteur Mgr Donald Sanborn (1).

Qu’est-ce que « l’opinionisme » ? Mgr Sanborn combat sous ce néologisme l’affirmation selon laquelle seul le Souverain Pontife peut trancher la question de savoir si Bergoglio et ses prédécesseurs sont Papes ou non.

Qui est désigné « opinioniste » ? À en croire Mgr Sanborn, Mgr Lefebvre serait le premier. Mais seraient également « opinionistes » « la Fraternité St Pie X » « [et d’autres…] », lesquels resteront dans l’anonymat qu’ils méritent.

Mgr Lefebvre a incontestablement varié dans ses affirmations concernant l’actuelle occupation du Saint Siège, et je veux bien admettre qu’il ait, parfois, considéré la question comme une « opinion libre ». Mais n’y a-t-il pas un léger abus à inclure comme tenant de cette « opinion » la Fraternité St Pie X ? Où donc la Fraternité St Pie X, ou même son fondateur d’ailleurs, ont-ils invoqué la nécessité d’une décision d’un Souverain Pontife pour trancher la question de l’actuelle occupation du Saint Siège, comme le reproche Mgr Sanborn aux « opinionistes » ? Où donc la Fraternité St Pie X a-t-elle affirmé que seul le Pape bénéficiait de l’assistance du St Esprit pour pouvoir obliger les catholiques, sous peine de péché, à décider d’une telle question ? Où donc la Fraternité St Pie X a-t-elle affirmé l’infaillibilité du magistère ordinaire ?

Mgr Sanborn a-t-il donc réellement pour cible les « opinions » de la Fraternité St Pie X ? On peut en douter, surtout lorsqu’on lit dans sa « conclusion », comme un malencontreux fil capillaire sur un velouté d’asperge :

« Les opinionistes veulent vivre dans un monde de messe traditionnelle et de sacrements sans aucune référence au Pontife Romain. Pour eux, dans l’ordre pratique, que Bergoglio soit pape ou non n’a pas d’importance. Ils assistent à la messe de n’importe quel prêtre du moment qu’il dit la messe traditionnelle, sans prêter attention à son rapport au Pontife Romain. » (souligné dans le texte).

À qui Mgr Sanborn fera-t-il croire que les membres de la Fraternité St Pie « veulent un monde de messe traditionnelle  sans aucune référence au Pontife Romain » ? À qui fera-t-il croire que la Fraternité St Pie X assiste « à la messe de n’importe quel prêtre » ? À moins d’évolution toute récente et restée complètement inaperçue, la Fraternité St Pie X impose la référence à Bergoglio au Canon de la Messe ; à moins de révolution non moins incroyable, les membres de la Fraternité St Pie X n’assistent pas à la Messe, ils la célèbrent.

Il semblerait donc que les « opinionistes » auxquels s’en prend Mgr Sanborn ne soient autres que des laïcs, lesquels sont les seuls à qui l’on puisse « reprocher » de vouloir assister à la Messe même si le prêtre qui la célèbre « una cum ».

De là à penser que Mgr Sanborn a pu avoir en point de mire un livre, écrit par un laïc en novembre dernier, ayant pour titre « Pourquoi je continuerai à assister aux Messes « una cum » ? », livre répondant aux écrits d’un autre américain, l’abbé Cekada, par ailleurs professeur au séminaire dirigé par Mgr Sanborn, il n’y a qu’un pas… que pour rien au monde je ne me permettrai de franchir.

 

« Une approche tout à fait originale »

 

L’un des courageux anonymes qui publient sur Internet l’article de Mgr Sanborn s’extasie sur son « approche tout à fait originale du concept de l’ « opinion » et de l’ « opinion théologique » ».

L’invention des « concepts » d’« opinion théologique » de « conclusion théologique » est certes « tout à fait originale ». S’il y a néanmoins une originalité dans l’approche de Mgr Sanborn, c’est celle de s’exonérer de toute référence à un enseignement extérieur à lui-même. On ne trouve dans « L’opinionisme » nulle trace du Magistère, du Magistère Pontifical bien entendu, mais même d’un Concile, d’un simple Docteur, d’un Père de l’Église, d’un saint…

Il faudra donc se contenter d’admettre a priori comme certain, et parce que Mgr Sanborn le décide ainsi, que « l’opinion théologique » est :

« …une doctrine que l’on retient concernant un problème théologique, tout en pensant que son contraire pourrait être vrai.»

Il faudra de même s’en remettre au seul témoignage de Mgr Sanborn pour connaître la définition de la « conclusion théologique » qu’il oppose à « l’opinion » :

« Une conclusion théologique, en latin sententia theologica, est une doctrine ferme et certaine qui découle de principes issus de la Révélation et de la raison droite. »

Il est bien dommage que Mgr Sanborn n’ait pas souhaité faire référence à l’enseignement des Souverains Pontifes, notamment à celui de l’Encyclique Humani generis. Sa Sainteté le Pape Pie XII y déclare en effet :

« Que si dans leurs Actes, les Souverains Pontifes portent à dessein un jugement sur une question jusqu’alors disputée, il apparaît donc à tous que, conformément à l’esprit et à la volonté de ces mêmes Pontifes, cette question ne peut plus être tenue pour une question libre entre théologiens. »

Le Pape nous fait bien voir ce qu’est une « opinion libre », mais il n’y oppose que le « jugement porté par les Souverains Pontifes ». On ne voit nulle part que le Pape Pie XII fasse référence à l’hypothétique « conclusion théologique » de Mgr Sanborn.

La définition donnée par ce dernier à ce qu’il appelle « l’opinion » est d’ailleurs tout à fait contestable. Il s’agirait selon lui d’une « doctrine que l’on retient tout en pensant que son contraire pourrait être vrai ». Néanmoins, lorsque St Alphonse de Liguori défend l’équiprobabilisme il déclare qu’il considère son point de vue comme absolument certain : « je défends un principe certain, à savoir la licéité de l’opinion équiprobable », écrit-il (2). Et néanmoins, c’est au seul Souverain Pontife qu’il reconnaît le droit d’imposer ce qu’il faut croire : « Je mets à vos pieds, Très Saint Père, ce nouvel écrit, afin que Votre Sainteté daigne y jeter un coup d’œil, et même y corriger, modifier ou effacer ce qu’elle y découvrirait de peu conforme aux maximes de l’Évangile ou aux règles de la prudence chrétienne. », écrit-il dans un opuscule consacré à la défense de son opinion.

 

Une « opinion » n’est donc pas du tout une doctrine incertaine pour celui qui la professe, mais bien, contrairement au jugement du Pape, une doctrine que nul ne peut imposer.

Quant aux « conclusions théologiques », Mgr Sanborn précise :

« De ces vérités que nous tenons de Foi, les théologiens tirent des conclusions qui, bien que non révélées par Dieu, découlent certainement et raisonnablement des vérités révélées par Dieu.

« Certaines conclusions théologiques sont si certaines et font tant autorité que, si vous les niez, vous êtes obligé de nier la Foi elle-même. Ceci bien que l’Église ne les ait jamais définies, ni même enseignées par son magistère ordinaire. Ce sont des conclusions théologiques, mais elles sont liées intimement à la Révélation. » (en gras dans le texte).

Les « conclusions théologiques » sont donc « tirées » par « les théologiens » lesquels sont « certains » et « raisonnables ». Fort bien. Ces « conclusions théologiques » s’imposeront-elles donc à tous ? Y compris au Pape ? Les Souverains Pontifes n’auront-ils donc qu’à s’en remettre aux « conclusions théologiques » tirées par les théologiens ? On peut regretter, encore une fois, que Mgr Sanborn ait négligé de montrer comment il rattache ses « conclusions » à l’enseignement des Papes. Sa Sainteté Pie XII enseigne en effet :

« Dieu a donné à son Église, en même temps que les sources sacrées, un magistère vivant pour éclairer et pour dégager ce qui n’est contenu qu’obscurément et comme implicitement dans le dépôt de la foi. Et ce dépôt, ce n’est ni à chaque fidèle, ni même aux théologiens que le Christ l’a confié pour en assurer l’interprétation authentique, mais au seul magistère de l’Église. » Humani generis

 

Un curieux exemple de « conclusion théologique »

 

Mgr Sanborn explique :

« Par exemple, il est une conclusion certaine que Dieu donne à tout homme les grâces suffisantes pour sauver son âme. Ce fait n’est pas une révélation directe, ni une déclaration de l’Église, mais est tenu par tous les théologiens comme absolument certain. Cela ne peut pas être qualifié d’“opinion théologique”. »

Est-il tout d’abord certain que Dieu donne à tout homme les grâces suffisantes pour sauver son âme ? Je sais bien que Ratzinger a prétendu en 2007 que les Limbes n’existaient pas, néanmoins voilà une doctrine que l’on trouve dans l’enseignement ordinaire des Papes (3) et qui semble bien s’opposer à l’exemple de « conclusion théologique » de Mgr Sanborn. En effet, de deux choses l’une : soit les enfants morts sans baptême ont eu la grâce suffisante pour sauver leur âme, auquel cas ils sont coupables de ne pas avoir suivi la grâce divine et néanmoins ils ne sont pas punis avec les damnés ; soit ils n’ont pas reçu la grâce suffisante, auquel cas il est absolument certain que certaines âmes ne reçoivent pas la grâce suffisante pour sauver leur âme.

Est-il vrai, ensuite, que la « conclusion théologique » de Mgr Sanborn soit « tenue par tous les théologiens comme absolument certaine » ? J’en vois un, au moins, le Cardinal Billot, théologien s’il en fut, qui défend l’opinion selon laquelle vont aux Limbes non seulement les enfants morts sans baptême, mais encore beaucoup d’adultes qui n’ont pas eu accès à la Révélation (4).

Ceci étant, et quoiqu’il en soit des enfants, et peut-être de certains adultes, morts sans la grâce du baptême, est-il vrai que pour les autres hommes, pour ceux qui ont pleinement atteint l’âge de raison, la doctrine selon laquelle « Dieu donne à tout homme les grâces suffisantes pour sauver son âme », n’ait pas fait l’objet d’une « révélation directe », comme l’affirme Mgr Sanborn ?

On lit en effet dans le catéchisme du Concile de Trente :

« [Notre Seigneur Jésus-Christ] ne cesse de distribuer à chacun les dons qui lui conviennent. C’est l’enseignement formel de l’Apôtre : La grâce, dit-il, est donnée à chacun de nous selon la mesure du don de Jésus-Christ. (Eph. IV, 7) ».

Est-il vrai, enfin, qu’il n’y ait aucune « déclaration de l’Église » sur le sujet ? Non seulement il y a une déclaration de l’Église, mais encore une déclaration dogmatique. Le 17ième Canon du Décret sur la justification du Concile de Trente déclare en effet :

« Si quelqu’un dit que la grâce de la justification n’échoit qu’à ceux qui sont prédestinés à la vie et que tous les autres qui sont appelés, le sont assurément, mais ne reçoivent pas la grâce, parce que prédestinés au mal par la puissance divine : qu’il soit anathème. »

Aussi le Pape Pie XI, dans son Encyclique Rerum omnium du 26 janvier 1923, affirmait :

« …la sainteté n’est pas un privilège accordé à quelques-uns et refusé aux autres, mais la commune destinée et la commune obligation de tous ; la conquête de la vertu, […] est à la portée de toutes les âmes moyennant l’aide de la grâce, que Dieu ne refuse à personne. »

Mgr Sanborn nous fournira sans aucun doute d’autres exemples – et un peu mieux étayés cette fois – de ces fameuses « conclusions théologiques », faits « tenus par tous les théologiens »  sans être néanmoins « ni une révélation directe, ni une déclaration de l’Église » : « il y a énormément de conclusions théologiques », nous affirme-t-il.

 

De la distinction entre une doctrine spéculative et un jugement pratique

 

Mgr Sanborn, fort de son exemple de « conclusion théologique », poursuit :

« Parfois la théologie morale ne nous permet pas d’aller au-delà du probable. Les actes humains sont si compliqués de par leurs circonstances que, bien souvent, on ne peut pas parvenir à la certitude complète ; on parvient à une opinion théologique, avec le sentiment que l’inverse pourrait être vrai. […] Il est faux cependant de dire que, parce qu’une doctrine n’est pas définie ou enseignée par l’Église, elle doit donc être classée dans la catégorie des opinions théologiques. […] beaucoup appliquent le sophisme de l’“opinion théologique” au problème de la papauté de Bergoglio. Ils disent : « Puisque l’Église n’a pas déclaré qu’il n’était pas pape, les opinions théologiques selon lesquelles il est pape ou n’est pas pape sont légitimes, selon votre préférence. Aucune position n’attaque la Foi »

On remarquera tout d’abord avec quelle bonne foi Mgr Sanborn a tenté de nous faire croire qu’il s’attaquait aux « opinions » de la Fraternité St Pie X. Où, quand, comment, la Fraternité St Pie X aurait-elle enseigné que : « Puisque l’Église n’a pas déclaré que Bergoglio n’était pas pape, les opinions théologiques selon lesquelles il est pape ou n’est pas pape sont légitimes » ? Mais Mgr Sanborn ne cite personne, surtout pas ces fameux « [et d’autres] » auxquels il reproche leur « opinionisme ». Aussi peut-il commodément leur faire dire ce qu’il veut.

Mais, surtout, Mgr Sanborn n’explicite pas par quel tour de force il passe des jugements pratiques de la théologie morale à une doctrine spéculative et inversement. Il ne nous dit pas comment le jugement pratique de la papauté ou non papauté de Bergoglio pourrait être assimilé à une doctrine. Il ne nous dit pas non plus comment un tel jugement pratique pourrait échapper à l’autorité du seul Souverain Pontife.

Le Pape Léon XIII affirme pourtant dans son Encyclique Sapientiae Christianae :

« …le [Souverain] Pontife doit pouvoir juger avec autorité de ce que renferme la parole de Dieu, décider quelles doctrines concordent avec elle et quelles doctrines y contredisent. De même, dans la sphère de la morale, c’est à lui de déterminer ce qui est bien, ce qui est mal, ce qui est nécessaire d’accomplir et d’éviter si l’on veut parvenir au salut éternel ; autrement, il ne pourrait être ni l’interprète infaillible de la parole de Dieu, ni le guide sûr de la vie humaine. »

 

« Bergoglio n’est pas pape » serait une « conclusion théologique »

 

Mgr Sanborn poursuit sur sa lancée :

« Ceux qui argumentent contre sa papauté [celle de Bergoglio] utilisent des arguments qui sont en eux-mêmes certains et incontestables : (1) qu’il a promulgué pour l’Église universelle des doctrines fausses, un enseignement moral faux, et des disciplines mauvaises ; […]

« Aucun de ces faits ne peut être discuté ou laisser place au doute. Ils sont suffisants, particulièrement le n° 1, pour l’empêcher d’être pape. »

Mgr Sanborn se trompe à l’évidence. Il nous a affirmé comme certain son unique exemple de « conclusion théologique » parce qu’il serait tenu par tous les théologiens. Or si ce qu’il reproche à Bergoglio ne fait aucun doute pour personne, les « conclusions » que les « théologiens » actuels en tirent sont infiniment variées : de ceux qui affirment qu’il est Pape à ceux qui tiennent pour indubitable qu’il a perdu le Souverain Pontificat, en passant par ceux qui affirment qu’il est « pape materialiter »… Et je ne parle pas de ceux qui estiment que Bergoglio, marranes, n’a jamais été Souverain Pontife, puisque ces derniers ne se revendiquent en aucun cas « théologiens » et qu’en tout état de cause personne ne les connaît.

On ne peut donc que souscrire à la doctrine de Mgr Sanborn lorsqu’il nous dit :

« L’identité du Pontife Romain a d’énormes effets dogmatiques et moraux. En premier lieu, notre foi dépend de son enseignement. Nous sommes tenus de donner notre assentiment à l’enseignement de l’Église. Mais l’autorité de son enseignement provient d’une source unique, l’autorité de Saint Pierre. Sans cette autorité, il n’y a pas de doctrine imposée. Aucun magistère ne peut prendre place, qu’il soit solennel ou ordinaire. »

Mais comment peut-il contester que, précisément, seul le Souverain Pontife peut rendre obligatoire que Bergoglio n’est pas Pape, que seul le Pape pourrait interdire aux prêtres qui célèbrent la Messe de ne pas se prétendre en union à Bergoglio ? Comment peut-il contester que seul le Pape peut interdire aux fidèles d’assister à de telles Messes ?

Mgr Sanborn poursuit :

« En outre, notre salut dépend de notre soumission au Pontife Romain. Nous sommes damnés si nous lui désobéissons en matière grave, ou pire, si nous ne lui sommes pas soumis.

« Ainsi comment pouvez-vous être indifférent à propos de l’identité du Pontife Romain au point de dire que ce que vous pensez à son propos n’a pas vraiment d’importance sur le plan pratique ? C’est comme si le Pontife Romain n’était qu’une simple décoration de l’Église Catholique, quelque chose dont l’Église pourrait même se dispenser, un accessoire purement accidentel, une bagatelle. C’est comme si vous pouviez vivre votre propre version du Catholicisme Romain sans le Pontife Romain. »

Tout d’abord, personne ne dit que ce que l’on pense à propos de la papauté de Bergoglio n’a pas vraiment d’importance. Encore une fois, Mgr Sanborn ne cite personne, il peut donc faire dire ce qu’il veut à des anonymes. Mais il ne nous dit pas avec quelle autorité un fidèle pourrait imposer au prêtre qui célèbre la Messe un jugement quelconque sur la papauté de Bergoglio. Il ne nous dit pas au nom de quelle autorité d’autres prêtres ou même lui, évêque sans juridiction, peuvent imposer à tous sous peine de péché mortel leurs « opinions » sur le sujet, même en qualifiant ces « opinions » de qualificatifs brillants comme celui de « conclusions théologiques ». Mgr Sanborn ne nous dit pas qui sont ces « théologiens » qui, à l’unanimité, auraient la compétence et l’autorité nécessaire pour « tirer » la « conclusion » que Bergoglio n’est pas Souverain Pontife.

Par conséquent, je suis entièrement d’accord avec Mgr Sanborn s’il nous dit que ceux qui veulent imposer l’opinion selon laquelle Bergoglio est Pape tout en refusant de lui obéir, font du Souverain Pontife « une simple décoration de l’Église Catholique, quelque chose dont l’Église pourrait même se dispenser, un accessoire purement accidentel, une bagatelle ». Mais je lui dis, de la même manière, que ceux qui accusent les fidèles qui assistent à la « Messe una cum » d’être en état de péché mortel sans attendre une décision du Saint Siège font exactement la même chose.

 

De la nullité des mariages

 

Mgr Sanborn, à défaut d’argument d’autorité, nous sert cet exemple fort curieux :

« L’Église, par exemple, déclare qu’un mariage est nul. Ce n’est pas la déclaration qui cause la nullité, c’est la nullité qui cause la déclaration. […]

« Ainsi, nous sommes liés à la conclusion théologique certaine de la non-papauté de Bergoglio basée sur des preuves existantes certaines, et ceci bien avant une future déclaration de sa non-papauté. Un couple, certain de l’invalidité de son mariage, ne peut agir comme mari et femme sous l’excuse, « oh bon, il n’y a pas de déclaration de nullité, donc nous pouvons faire ce que nous voulons ! ». Ainsi, nous qui agissons avec le postulat selon lequel Vatican II et ses réformes sont contraires à la foi et à la morale ne pouvons reconnaître la papauté de Bergoglio sous l’excuse, « oh bon, il n’y a pas de déclaration, donc nous pouvons penser ce que nous voulons ! ».

Il me semble néanmoins que voilà un exemple type de « jugement pratique » que les règles très strictes de l’Église réservent au Souverain Pontife. Mgr Sanborn nous dit en effet que si un couple « s’aperçoit » de la nullité de son mariage, il doit agir en conséquence. Je suppose qu’il affirme par là que le mari et la femme ont l’obligation morale de vivre séparés. Mais Mgr Samborn réduit quelque peu la question au cas assez idyllique où les deux membres du couple arrivent à la même « conclusion ». Aussi ne nous dit-il pas ce que le couple est obligé de faire si seul l’un des deux membres s’aperçoit de la nullité du mariage. Il ne nous dit pas si le mari, déclarant de sa propre autorité avoir « tiré » la « conclusion théologique » que son mariage est nul, peut gentiment imposer à sa femme de retournez chez sa mère. Il ne nous dit pas si un tel homme peut imposer à ses enfants qu’ils sont des enfants naturels. Il ne nous dit pas si, par après, il est en droit d’imposer à toute la société qu’il n’a jamais été marié et qu’il peut donc séduire la fille de n’importe quel honnête homme pour convoler, cette fois, en justes noces. Mgr Sanborn ne nous dit pas si un quelconque individu peut déclarer être arrivé à la « conclusion théologique » que le mariage de son voisin est nul et en tirer la conséquence qu’il peut lui prendre sa femme.

 

Conclusion sans doute non « théologique », mais amplement suffisante

 

Mgr Sanborn ne nous dit pas au nom de quelle autorité il pourrait imposer à un couple marié la « conclusion théologique » de la nullité de son mariage, et qu’en conséquence il y a péché mortel à continuer à vivre sous le même toit.

Mgr Sanborn ne nous dit pas au nom de quelle autorité il peut imposer à d’autres prêtres la « conclusion théologique » du sacrilège de « Messe una cum », et qu’en conséquence il y a péché mortel, pour nous laïcs, à assister à ces Messes.

Je lui oppose, comme à l’abbé Cekada, l’enseignement du Pape Pie XII dans l’Encyclique Mediator Dei :

 

« C’est pourquoi au seul Souverain Pontife appartient le droit de reconnaître et établir tout usage concernant le culte divin, d’introduire et approuver de nouveaux rites, de modifier ceux mêmes qu’il aurait jugés immuables ; le droit et le devoir des évêques est de veiller diligemment à l’exacte observation des préceptes des saints canons sur le culte divin. Il n’est donc pas permis de laisser à l’arbitraire des personnes privées, fussent-elles de l’ordre du clergé, les choses saintes et vénérables qui touchent la vie religieuse de la société chrétienne, et de même l’exercice du sacerdoce de Jésus- Christ et le culte divin, l’honneur qui doit être rendu à la très sainte Trinité, au Verbe incarné, à son auguste Mère, et aux autres habitants du ciel, et le salut des hommes. Pour cette raison, aucune personne privée n’a le pouvoir de réglementer les actions extérieures de cette espèce, qui sont au plus haut point liées avec la discipline ecclésiastique et avec l’ordre, l’unité et la concorde du Corps mystique, et qui, plus est, fréquemment avec l’intégrité de la foi catholique elle-même. […]

Que tout se fasse donc de telle façon que soit sauvegardée l’union avec la hiérarchie ecclésiastique. Que personne ne s’arroge la liberté de se donner à soi-même des règles, et de les imposer aux autres de son propre chef. Seul le Souverain Pontife, comme successeur du bienheureux Pierre à qui le divin Rédempteur a confié le soin de paître le troupeau universel (Jn XXI, 15-17), et avec lui les évêques, que l’Esprit-Saint a placés… pour régir l’Église de Dieu (Act XX, 28) sous la conduite du Siège apostolique, ont le droit et le devoir de gouverner le peuple chrétien. »

 

 


[1] Mgr Donald Sanborn, natif des USA, a été ordonné par Mgr Lefebvre en 1975, avant d’être expulsé de la FSSPX en 1983, avec 8 autres prêtres américains. Il fonde en 1995 un séminaire en Floride, puis en 2002, se fait consacrer évêque par Mgr McKenna (sacré lui-même par Guérard des Lauriers).

[2] On peut résumer l’équiprobabilisme par ces deux textes de St Alphonse : « Une loi douteuse n’oblige pas. Or quand deux opinions sont également ou à peu près également probables, il y a doute strict sur l’existence de la loi. Donc la loi, n’étant que douteusement promulguée, n’a aucune force obligatoire ; donc il est vrai de dire qu’on peut suivre l’opinion également probable en faveur de la liberté. » « Je suis convaincu qu’un confesseur n’a pas le droit d’obliger un pénitent à suivre l’opinion en faveur de la loi quand l’opinion opposée est également probable. »  St Alphonse de Liguori, R.P. Berthe, Lib. de la Ste Famille, t. 2, pp. 150 et s. J’en profite pour demander à Mgr Sanborn quelle loi promulguée par l’Église oblige à considérer que Bergoglio a perdu le Souverain Pontificat…

[3] Notamment dans la Constitution Auctorem fidei du Pape Pie VI contre le synode de Pistoie.

[4] La Providence de Dieu et le nombre infini hors de la voie normale du salut. Études, Cf. Article Salut des infidèles, Dict. de Th. Catholique, D’Alès, Fascicule XXII, col. 1167, Beauchene, 1927,