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JÉSUS SAUVEUR

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Après la lecture de l’écrit suivant, il n’y a rien à ajouter… sinon de relire le Commencement des Lamentations du Prophète Jérémie ! (Leçon I de l’Office des Ténèbres du Jeudi-Saint, voir en fin de l’article.)

Dominus te benedicat, et ab omni malo defendat.

Sainte fête de Pâques

Cave Ne Cada

 

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Jésus Sauveur
Et Grand Prêtre de l’humanité

 

Jésus-Christ le sauveur des humains

 

Nous donnons ici un résumé des idées théologiques nécessaires à la bonne intelligence de tous les Offices consacrés au culte de Jésus-Christ Prêtre et Sauveur. Nous grouperons ces idées sous les titres suivants : Le sacrifice invisible. — Le péché. — La rédemption. — Le sacrifice du Calvaire. — Le sacrifice eucharistique. — Jésus Prêtre.

 

Le sacrifice invisible

 

C’est l’offrande intérieure que l’homme fait de lui-même et de toute son activité, par un parfait abandon passif et actif à la volonté de Dieu. L’abandon passif consiste à accepter filialement toutes les dispositions providentielles dont la réalisation ne dépend en aucune façon de notre volonté. L’abandon actif se réalise dans une parfaite docilité à toutes les inspirations du Saint-Esprit. En cet acte d’offrande, l’homme ne donne rien à Dieu, il ne fait que se disposer à recevoir la vie divine. Mais si, réalisant son acte d’offrande, il accepte loyalement l’impulsion de cette vie divine, il la fait rayonner en toute son activité spirituelle et corporelle, prépare son corps à la divinisation de sa résurrection, travail au développement de la vie divine dans ses frères et donne ainsi beaucoup à l’œuvre de Dieu, à Jésus-Christ en son corps mystique.

Dans la mesure de la réalisation de son offrande, l’homme se sacrifie, au sens étymologique du mot (sacrum facere) ; il se fait sacré, il se divinise et divinise la matière qui entre en partage de son être et de son activité. Ce sacrifice invisible est la raison de l’existence de l’homme qui a été créé pour permettre à Dieu de diviniser les derniers éléments de sa création, la matière elle-même, en divinisant l’homme, être composé de matière et d’esprit.

Avant le péché originel, ce sacrifice invisible ne comportait aucune immolation, alors qu’il n’y avait ni révolte des sens, ni maladie, ni mort. Mais le péché est intervenu, non seulement le péché originel, mais le péché actuel qui s’est multiplié parmi les enfants d’Adam.

 

Le péché et la dette du pêcheur

 

L’ homme a refusé et refuse encore tous les jours le sacrifice invisible. Au lieu de se livrer à la volonté de Dieu, pour la réalisation de son bonheur, du plein épanouissement de sa vie, il prétend, aujourd’hui comme au premier jour, faire son bonheur lui-même, vivre en créature autonome, en Dieu indépendant, conformément aux suggestions du tentateur : Vous serez comme des Dieux. (Gen. III, 5.)

Cette révolte a mérité et mérite encore au pécheur, non seulement la privation de la vie surnaturelle liée à l’amitié de Dieu dont le pécheur fait mépris, non seulement la disparition des privilèges de l’état de justice originelle et par conséquent la mort, mais encore une souffrance qui soit la juste compensation de la joie injustement cherchée dans le péché, aux dépends de la vie supérieure du pécheur et de l’ordre du monde moral. De plus, le pécheur, privé de la grâce surnaturelle et même du secours naturel que Dieu lui aurait dû dans l’état de nature pure, devient l’esclave de ses instincts anarchiques et du démon tentateur qui les excite.

 

La Miséricorde

 

Miséricorde et justice ne sont pas, en Dieu, des perfections distinctes et opposées, mais les deux aspects humains d’une seule et même bonté infinie qui se manifeste tout entière en chacune de ses œuvres. La miséricorde parfaite n’est donc pas celle qui accorderait au pécheur un pardon sans condition, l’exposant ainsi à retomber dans le péché dont il n’aurait pas senti tout le mal, mais plus grande est la miséricorde qui, tout en satisfaisant aux exigences de la justice, donne au pécheur la grâce d’accepter amoureusement la souffrance réparatrice. Cette souffrance réparatrice donne au pécheur le sentiment du mal de ses péchés passés, le défend contre les tentations futures, dilate sa volonté, la rendant ainsi capable de recevoir plus de divine charité. C’est notre condition actuelle. Nous ne pouvons plus maintenant offrir notre sacrifice invisible sans notre immolation, c’est-à-dire sans l’acceptation filiale et amoureuse, de la mort et des autres peines et épreuves qui sont la conséquence des suites du péché originel en nous et autour de nous. Notre sacrifice est ainsi plus beau, il paraît d’abord plus difficile que celui de l’homme dans l’état de justice originelle, mais, en fait, la grâce du Christ meilleure que celle de la justice originelle nous le rend plus facile.

À quelles conditions Dieu nous a-t-il donné cette grâce ?

 

La rédemption

 

L’ affaire de notre salut, pas plus que celle de notre vie naturelle, n’a jamais été et ne saurait jamais être une affaire purement individuelle. Nous dépendons d’Adam pour l’origine de notre vie naturelle, et les uns des autres pour son développement. Le péché originel a supprimé la transmission de la vie surnaturelle, non point notre interdépendance, même au point de vue moral ; mais il a fait porter à cette interdépendance des fruits de mort. Nous héritons, en naissant, de tendances mauvaises, et les hommes vivant en dehors de la grâce se corrompent les uns les autres. Ce n’est pas un père de l’Église, c’est Tacite qui a résumé en deux mots la vie de la société mondaine : Corrompre et être corrompu.

Mais comme le note saint Paul, l’œuvre de réparation est parallèle à l’œuvre de mort du péché. Le Verbe de Dieu incarné, Jésus, devient le nouvel Adam d’où viendra la vie surnaturelle à tous ceux qui, s’unissant à lui par la foi, constituerons avec lui le corps mystique de l’humanité régénérée. C’est lui qui a réparé le péché, en réalisant ce sacrifice invisible de l’homme, refusé par Adam et par tous les pécheurs. Voici que je viens, pour faire, ô Dieu, votre volonté. (Ps. XXXIX, 10, II.)

Cette volonté était que Jésus dépouillé de tous les privilèges glorieux auxquels il avait droit de par sa divinité, vécut une vie de labeur, humble et méprisée, puis que, chargé de porter à ses compatriotes le message du salut et du royaume de Dieu, il mourut, condamné au supplice de la croix comme faux prophète, premier martyr de la vérité qu’il apportait au monde et victime des passions mauvaises qui aveuglaient les Juifs. Ce n’est pas que la souffrance, le sang versé, la mort soient des réalités agréables à Dieu par elles-mêmes ; mais notre humaine volonté ne manifeste et ne réalise toute la grandeur de sa générosité et de son amour, qu’en passant par ces épreuves. Jésus achevait ainsi l’offrande de sa vie, par le plus grand acte d’amoureuse obéissance qui pût être offert à Dieu, et, en se mettant à notre tête dans le chemin d’immolation qui est maintenant le nôtre, il nous donnait un témoignage d’amour incomparable puisque lui-même a dit : Personne ne peut avoir plus grande charité que celle qui lui fait donner sa vie pour ceux qu’il aime. (S. Jean, XV, 13.)

 

Le Sacrifice Invisible du Christ

 

Ce sacrifice est tout d’abord et essentiellement, comme le nôtre, une obéissance, ainsi que nous le dit saint Paul : Le Christ Jésus s’est humilié lui-même, s’étant fait obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix. (Philip. II, 8.) L’obéissance continue de ce sacrifice invisible a été la nourriture de la vie d’âme du Christ, comme elle doit l’être de la nôtre : Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père. (Jean, IV, 34.) C’est à la fois par obéissance et très librement que Jésus est monté au Calvaire : Personne ne me prend mon âme, c’est de moi-même que je la dépose… j’ai reçu cet ordre du Père. Le prophète Isaïe avait déjà dit : Il s’est offert, parce qu’il l’a bien voulu. (LIII, 7.) — C’est donc à la fois très librement et par obéissance à un précepte de son Père, que Jésus s’offre à la mort. Cette double affirmation soulève une question insoluble pour les théologiens qui pensent que tout précepte comporte la contrainte intérieure de l’obligation d’obéir sous peine de péché et de damnation. Comment le Christ, qui ne peut pécher, peut-il poser librement un acte demandé par un précepte ?

Mais cette contrainte intérieure n’est qu’un élément accidentel du précepte, élément exigé par l’imperfection de nos volontés faillibles. L’élément essentiel du précepte n’est pas cette contrainte intérieure, mais simplement une proposition d’actes déterminés, qui soit indépendante de la volonté du sujet auquel s’adresse le précepte et puisse être contraire à ses inclinations naturelles. Or nous avons bien cela dans le plan providentiel de Rédemption proposé au Christ, dès son entrée dans le monde. Jamais le Christ laissé à l’initiative naturelle de sa volonté créée n’aurait choisi de lui-même un plan rédempteur comportant, non seulement son crucifiement, mais la malédiction de Jérusalem et du peuple juif, la damnation d’un grand nombre des hommes qu’il voulait tous sauver, etc. Lui-même nous le dit et par ses larmes, et par d’expresses déclarations : Père, que ce ne soit pas ma volonté, mais la vôtre qui se fasse ! Voilà l’obéissance. Que son fiat ait été donné sous la pure impulsion de l’amour filial, sans la contrainte intérieure d’aucune menace de péché et de damnation, il n’en est que plus libre et plus méritoire. Cependant il n’est devenu sacrifice visible et rituel, qu’au Calvaire.

 

Le sacrifice du Calvaire

 

Le sacrifice du Calvaire est bien en effet, en même temps que l’achèvement du sacrifice invisible du Christ, le grand sacrifice rituel du Nouveau Testament offert par le Grand Prêtre de l’humanité. Le sacrifice rituel est le signe sacré du sacrifice invisible, l’acte social de religion par lequel l’homme reconnaissant publiquement la souveraineté de Dieu, proteste de sa volonté de réaliser son sacrifice invisible et demande, pour lui et pour les siens, la grâce de rester fidèle à ce bon vouloir. Tous les sacrifices de la loi ancienne et de la loi naturelle ne pouvaient être que des signes ; et ils étaient signes déplaisants au Seigneur, quand l’offrant n’avait pas la volonté sincère que signifiaient ces sacrifices. De là les protestations du Ps. XLIX, La religion de l’esprit. (Psautier, p. 144). Le sacrifice du Calvaire est à la foi réalité et signe ; réalité, nous l’avons dit ; signe, par le souci qu’a pris Notre-Seigneur, au cours de sa Passion, de manifester par ses actes et ses paroles, qu’il aurait pu résister à la violence qu’on lui faisait, et que c’était par amoureuse obéissance aux ordonnances providentielles de son Père, qu’il donnait ainsi sa vie. Personne ne me prend ma vie, je la donne, de moi-même. (S. Jean, X, 18.) D’où, son dernier acte d’offrande : « En vos mains, Seigneur, je remets mon esprit » (S. Luc, XXIII, 46.) et, avec mon esprit, je vous remets mon œuvre et son avenir. Pour établir votre royaume sur terre, vous m’aviez donné la plus puissante et la plus belle individualité humaine qui puisse être, une puissance de prophète et de thaumaturge incomparable, j’ai travaillé quelques mois, je n’ai qu’une trentaine d’années, à peine quelques disciples et voici qu’il me faut mourir sur une croix. Eh ! bien, oui, Père ! il faut que l’homme apprenne, par ma mort et sa féconde folie, que vous êtes tout et qu’il n’est rien, et que pour les grandes œuvres de votre Providence, la mort amoureusement acceptée fait plus que l’activité de la vie humaine la plus puissante la plus puissante qui ait paru sur terre. « En vos mains, Seigneur, je remets mon esprit. » Voilà l’acte d’adoration qui répare pleinement l’autolâtrie de tout péché mortel, et qui a valu à tant d’humaines volontés la grâce de s’arracher à leur égoïsme, pour se livrer à l’obéissance entière, confiante et amoureuse qui fait la fécondité de nos vies et de nos morts.

Cependant, si manifeste, si visible, si éloquent qu’il fût par la générosité de son offrande, le sacrifice du Calvaire n’aurait pas été un sacrifice rituel répondant à tous les besoins de notre vie religieuse, s’il n’avait pas pu devenir le sacrifice qui se répète par manière de prière solennelle et sociale, à laquelle assistent et prennent part tous ceux qui veulent obtenir la grâce de réaliser leur sacrifice invisible. C’est par le sacrifice eucharistique, que le sacrifice du Calvaire est devenu le rite central et caractéristique du culte divin, dans la religion du Christ.

 

Le sacrifice eucharistique

 

Dans la nuit où il a été livré, le Seigneur Jésus prit du pain et, rendant grâce, le rompit et dit : « Prenez et mangez, ceci est mon corps qui sera livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. » De même, après le souper, il prit le calice, disant : « Ceci est la nouvelle Alliance en mon sang, chaque fois que vous en boirez, faites ceci en mémoire de moi. » Chaque fois, en effet, que vous mangerez de ce pain et que vous boirez à ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. (I Cor. XI, 23-26.)

En ces paroles du Seigneur rapportées par l’Apôtre saint Paul, Jésus nous donne sa présence réelle, le sacrifice de la Messe, et son corps en nourriture. C’est là le trésor qui fait le prix et la vitalité de la religion chrétienne, en son plein et authentique épanouissement. Voyons plus en détail ce qu’est ce trésor.

 

La Présence Réelle

Il ne faut pas s’en faire une représentation imaginative et la concevoir comme une présence locale, une juxtaposition de l’étendue du corps du Christ à l’étendue de l’hostie consacrée, le corps du Christ descendant du ciel à travers l’espace, se rapetissant pour s’enfermer dans la petite hostie et modeler l’étendue de son corps sur l’étendue de l’hostie. C’est cette fausse représentation qui est la source de toutes les objections qui peuvent troubler notre foi à la présence réelle. La présence réelle est tout autre chose. Comme toute présence, elle est une relation ; mais pas une relation fondée, comme la présence locale, sur l’action réciproque de deux substances corporelles agissant l’une sur l’autre par l’intermédiaire de leurs étendues. La relation de présence eucharistique, apportée au Christ par la transsubstantiation, aboutit, du côté du Christ, non pas à ses accidents, mais à sa substance qui devient, après la transsubstantiation, la cause instrumentale dont Dieu se sert pour soutenir l’être des accidents ou apparences du pain et du vin privés du soutien naturel de leur substance devenue celle du Christ. De ce fait, la relation de présence eucharistique s’établie sans que le Christ ait à quitter le ciel, sans qu’il ait à modeler ses dimensions sur celle de l’hostie, et elle s’établit autant de fois que la vertu divine des paroles de la consécration peut réaliser des transsubstantiations, et par conséquent dans tous les lieux où du pain et du vin sont soumis à l’action divine de la consécration liturgique. Si nous voulons une image de ce prodige, nous n’en trouverons pas de plus approchante que celle du soleil réfléchi dans le miroir, image familière à nos théologiens du Moyen Âge. Le soleil, pour devenir soleil réfléchi dans le miroir, n’a pas à quitter le ciel ; nous avons autant de soleils réfléchis que nous avons de miroirs présentés au soleil, dans les lieux les plus divers, et si nous brisons un miroir, nous avons autant de soleils réfléchis que de fragments, si toutefois le fragment est assez gros pour rester miroir. Ainsi en est-il des hosties consacrées, nous avons autant de présences eucharistiques que d’hosties, et, si l’on brise une hostie, autant de présences que de fragments, pourvu que le fragment reste visible, signe sensible, miroir sacramentel.

Ce n’est là cependant qu’une comparaison, entre le soleil réfléchi et le corps du Christ eucharistiquement présent, il y a cette grande différence que la substance du soleil n’est en relation avec le miroir qu’accidentellement, par l’intermédiaire de l’action de ses accidents, de ses rayons, tandis que la substance du Christ est substantiellement en relation avec les accidents du pain, par l’action immédiate de sa substance. C’est une relation d’union beaucoup plus intime. Et c’est cette présence substantielle du corps immolé du Christ, sous les accidents du pain et du vin, qui donne au rite sacrificiel de la Messe, son incomparable valeur.

 

Le Sacrifice de la Messe

Nous avons dit que dans notre état actuel, tout sacrifice comportait une immolation. C’est cette immolation que nos frères séparés du protestantisme ne savent pas retrouver dans la Messe où ils ne voient plus de sacrifice. Nous renforçons leur objection en essayant de leur montrer, dans la messe, une immolation réelle sous la forme d’une espèce de quasi annihilation de l’activité du Christ. Il est bien vrai que le mystère de la présence réelle nous donne une grande leçon d’humilité, à nous qui tenons tant aux apparences de notre activité. Mais dans l’Eucharistie, le Christ glorifié, non seulement ne subit aucune diminution d’être ou d’activité, mais il acquiert, avec la présence eucharistique, un nouveau mode d’activité bienfaisante sur les communiants. Comment reconnaître en cela la moindre immolation réelle. Cette immolation réelle n’est du reste pas requise pour la réalité du sacrifice rituel. Ce sacrifice étant essentiellement un signe, il s’ensuit qu’une cérémonie symbolique du sacrifice invisible, une immolation mystique, une représentation de l’immolation réelle du Calvaire suffit à en assurer la réalité. Nous l’avons dans la consécration séparée du pain et du vin, au corps et au sang de Notre-Seigneur, consécration à laquelle Jésus a attaché la grâce du souvenir vivant et efficace de a Passion. Cette cérémonie symbolique réalise bien la définition donnée par S. Augustin du sacrifice rituel : signe sacré du sacrifice invisible. Mais elle n’a sa pleine valeur que par le Calvaire avec lequel elle ne fait qu’un seul sacrifice complet et dont elle n’est pas une représentation morte, mais une représentation vivante contenant et nous livrant réellement, dans la Communion, le corps du Christ immolé.

 

La Communion

Le sacrifice eucharistique a été institué pour nous obtenir la grâce de réaliser notre vie divine de sacrifice invisible, vie qui se mesure à notre union avec Jésus notre Sauveur et notre Grand-Prêtre.

Depuis son Ascension, Jésus, en son humanité, n’est pas seulement cause méritoire, mais cause efficiente de notre sanctification. De là vient la grand différence du régime de grâce de l’Ancien Testament et de celui du nouveau inauguré au jour de la Pentecôte. Il est avantageux pour vous, que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous, mais si je m’en vais, je vous l’enverrai. (Jean, XVI, 7.) L’humanité glorifiée du Christ rayonnant du haut du ciel sur notre monde humain conditionne et mesure notre communication vitale avec le Trinité vivant en nous, à la façon dont le soleil conditionne et mesure la communication vitale entre les arbres et les éléments de la terre, de l’eau et de l’air dans lesquels ils plongent leurs racines et étendent leurs branches. Le palmier qui dans nos maisons donne à peine une ou deux palmes chaque années, a son plein feuillage à Nice, mais n’a ses dattes mûres qu’en Algérie ; plus il est près du soleil, plus il vit. Plus intime est notre union avec Jésus, plus nous vivons.

C’est pour cela que Jésus a voulu s’unir à nous, comme la nourriture à celui qui la mange. Mais comprenons bien la parole qui nous présente ce pain du ciel. Ma chair est vraiment une nourriture. Le mot vraiment n’est pas là pour rien. Il veut nous dire que non seulement la communion produit les quatre effets de la nourriture, soutient et répare nos forces, fait grandir et fait plaisir, mais encore qu’elle agit de la même façon et aux mêmes conditions que la nourriture. Elle agit de la même façon, invisiblement et peu à peu, d’autant mieux qu’elle est prise avec une fréquence proportionnée aux besoins de notre vie. Elle agit aux mêmes conditions ; elle doit être prise avec appétit, mangée et digérée spirituellement. L’appétit spirituel, qui avec l’état de grâce est la condition première d’une communion fructueuse, c’est l’intention droite, la volonté sincère de grandir. La manducation spirituelle, c’est la prière qui prépare immédiatement et accompagne la communion. Puis vient l’action de grâces, à laquelle Jésus tient beaucoup, lui qui n’a donné qu’au lépreux reconnaissant, la guérison de l’âme, et a laissé dans leur péché les neufs autres qui ne sont pas venus le remercier de la guérison de leur lèpre corporelle. La grâce sacramentelle peut augmenter pendant l’action de grâce, si notre désir de charité augmente avant que soit détruites en nous les espèces sacramentelles. Par contre, notons ce sage avertissement du Cardinal Billot, S.J. : « Il est constant que la communion fréquente jointe à une tiédeur croissante et à la négligence de toute préparation, peut tourner au très grand dommage d’un tel communiant… C’est pourquoi, en pareille matière les directeurs d’âmes doivent user de grande discrétion. » (Tractatus de Eucharistia, q. LXX, par. 4, p. 55.)

Quand nous ne pouvons pas communier ou que nous nous abstenons pour de bonnes raisons, commençons du moins notre journée par la communion spirituelle. Voilà le bon début d’une journée que tout chrétien, prêtre du sacrifice invisible, doit offrir à Dieu, en union avec notre Prêtre éternel, ainsi que nous le demande saint Pierre Apôtre : Comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d’obtenir des victimes spirituelles, agréables à Dieu, par Jésus-Christ. » (I Epist. II, 9.)

 

Jésus Prêtre de l’humanité

 

Tu es Prêtre pour l’éternité. (Ps.CIX.) Le prêtre est l’homme constitué par Dieu pour être notre médiateur auprès de lui, lui présenter nos prières, lui offrir le sacrifice et nous dispenser ensuite les grâces de pardon et de secours qu’il a ainsi obtenues. Jésus sur la croix, offrant sa mort pour l’expiation de nos péchés ; Seigneur, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font (S. Luc, XXIII, 34.) ; Jésus au ciel, offrant éternellement le sacrifice invisible de son amoureuse obéissance ; Jésus, sur nos autels, renouvelant la manifestation de son sacrifice du Calvaire, pour qu’avec lui, par lui et en lui, nous renouvelions notre sacrifice invisible et obtenions la grâce de le réaliser ; Jésus nous donnant dans les sacrements et tout spécialement dans le sacrement de l’Eucharistie, les grâces qu’il nous a méritées par son sacrifice, que nous faut-il de plus pour que nous saluions en lui le Grand-Prêtre de l’humanité, et que nous chantions de tout cœur l’amour qui est l’âme de cette vie sacerdotale, le Sacré Cœur dans lequel s’est épanoui cet amour, et le Sang précieux qui a été le soutien vital de la vie mortelle de notre Sauveur !

 

 

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Lamentations du Prophète Jérémie

 

Jérémie se lamentant sur la destruction de Jérusalem

Jérémie se lamentant sur la destruction de Jérusalem, Rembrandt


 

Après que le peuple d’Israël eut été emmené en captivité et que Jérusalem fut demeurée déserte, Jérémie le prophète s’assit en pleurant et il fit cette lamentation sur Jérusalem ; soupirant dans l’amertume de son cœur et poussant des cris, il dit :

 

Commencement des Lamentations du Prophète Jérémie
ALEPH.
1 Comment est-elle assise solitaire, la cité populeuse ! Elle est devenue comme une veuve, celle qui était grande parmi les nations. Celle qui était reine parmi les provinces a été soumise au tribut.

BETH.
2 Elle pleure amèrement durant la nuit, et les larmes couvrent ses joues ; pas un ne la console, de tous ses amants ; tous ses compagnons l’ont trahie, ils sont devenus ses ennemis.

GHIMEL.
3 Juda s’en est allé en exil, misérable et condamné à un rude travail ; il habite chez les nations, sans trouver le repos ; ses persécuteurs l’ont atteint dans d’étroits défilés.

DALETH.
4 Les chemins de Sion sont dans le deuil, parce que nul ne vient plus à ses fêtes ; Toutes ses portes sont en ruines, ses prêtres gémissent, ses vierges se désolent, et elle-même est dans l’amertume.

HÉ.
5 Ses oppresseurs ont le dessus, ses ennemis prospèrent ; car Yahweh l’a affligée, à cause de la multitude de ses offenses ; ses petits enfants s’en sont allés captifs, devant l’oppresseur.

Jérusalem, Jérusalem, reviens au Seigneur ton Dieu…