16. Octobre : Saint Michel au péril de la mer

 

16. Octobre : Saint Michel au péril de la mer.

 

Le 16 octobre de l’an de grâce 708 (ou peut-être 709), l’évêque d’Avranches Saint Aubert, à la suite de l’apparition de l’archange Saint Michel, consacra sur le Mont Tombe, rocher de la côte normande, un premier sanctuaire en l’honneur du Prince de la Milice céleste.

L'Archange, vainqueur de Satan au dessus du Mont Saint-Michel

Le Mont Tombe dominait alors de sa masse rocheuse une forêt et des landes qui furent peu après englouties par un raz de marée. Le Mont devint une île et fut dès lors souvent appelé « Saint-Michel-au-péril-de-la-mer ».

Abbaye puissante et lieu de pèlerinage jadis renommé dans toute la Chrétienté, le Mont-Saint-Michel — bien qu’aujourd’hui dépouillé de ses moines, partiellement détruit, irrémédiablement affligé par les pillages de la révolution, souillé par de multiples profanations et livré à des hordes touristiques rarement intelligentes — ne cesse cependant pas de répéter à ceux qui sont capables d’ouvrir les oreilles de leur âme les leçons de son majestueux silence :

« Lorsque les flots menaçants montent inexorablement, lorsque la terre sous vos pas perd toute consistance, lorsque les éléments contraires vous encerclent, lorsque vos mains tremblantes ne trouvent plus rien de solide pour s’y cramponner… ne perdez cependant pas courage. Levez les yeux et appelez à votre aide l’Archange victorieux ! Invoquez le Prince des armées célestes ! Confiez-vous en sa sainte garde, et laissez-vous saisir par sa force invincible : la foi en Celui qui est le seul Fort, le seul Puissant, le seul Roi pour l’éternité ; Celui qui n’à point d’égal — « Quis ut Deus ? » — et qui est le Sauveur aimant de ceux qui se confient en Lui. »

Nous sommes en effet tous menacés par des flots en furie, nous sommes tous exposés « au péril de la mer », une mer d’iniquité qui voudrait submerger le monde et engloutir les âmes dans d’effrayants abîmes.

 

Collecte de la Messe propre de l’apparition de Saint-Michel au Mont Tombe :

« Dieu éternel et tout puissant qui, par un privilège sans pareil, avez daigné nous réconforter par la glorieuse apparition du Bienheureux Archange Michel, accordez-nous sur la terre le constant appui de son actuelle protection, et dans le Ciel la joie éternelle à ses côtés. Nous vous le demandons par Notre-Seigneur Jésus-Christ, votre Fils, qui vit et règne avec Vous dans l’unité du Saint-Esprit pour les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

 

 

 

DOM GUÉRANGER

L’Année Liturgique

 

Le xvi Octobre. Saint Michel au Péril de la Mer.

 

Saint Michel Archange

 

(Apparition de Saint Michel Archange
au Mont Tombe
appelé depuis Mont Saint-Michel)

 

Prière des FrancsNous devons un souvenir à cette fête si aimée de nos pères. Le VIIIe siècle inaugurait ses glorieuses annales. « Dieu tout-puissant allait y faire de l’empire des Francs le glaive et le boulevard de Son Église » (Prière des Francs). C’était l’heure où, sa fougueuse adolescence domptée, le peuple premier-né faisait écho à tous les Saints et Saintes qui l’engendrèrent à Dieu, et s’écriait d’une seule voix : « Donnez aux fils des Francs la lumière, afin qu’ils voient ce qu’il faut faire pour établir Votre règne en ce monde, afin que le voyant ils l’accomplissent dans la force et l’amour » (ibid.). Au peuple donc qui se déclarait le chevalier de Dieu, Michel, prince des milices angéliques, offrait son alliance à cette heure même. Par saint Aubert, auquel se manifestait l’Archange, il prenait possession du roc fameux qui s’élève en plein océan, près du rivage de cette France dont l’épée s’apprêtait à poursuivre sur terre le grand combat commencé dans les hauteurs des cieux.

Notre nation sut honorer le céleste associé de ses luttes d’ici-bas ; elle transforma son pied-à-terre abrupt en un séjour qui put complaire au vainqueur de Satan : à la fois forteresse incomparable, et sanctuaire où sans fin les chants des moines s’unissaient aux harmonies des neuf chœurs ; vraiment digne de ce nom de Merveille qui lui fut donné ; rendez-vous commun du peuple et des rois venant présenter leur hommage d’action de grâces et de prière au protecteur de la nation.

L’abbaye gothique, communément appelée la Merveille.

Au XIIIème siècle, de nouvelles constructions s'édifient au Nord, six salles magnifiques qui seront immédiatement dénommées : LA MERVEILLE. On est alors à l'apogée des pèlerinages qui font du Mont l'un des lieux les plus célèbres de toute la Chrétienté.

 

Car lui aussi fut fidèle. Tant que dura la monarchie, l’Archange ne souffrit pas qu’aux plus mauvais jours d’invasion étrangère ou de rébellion hérétique, une autre bannière que celle du roi très chrétien flottât jamais près de la sienne sur ses remparts. Et quand l’Anglais, bientôt partout maître, s’épuisait en efforts impuissants contre le Mont Saint-Michel, qui donc venait dire à Jeanne la Pucelle la grande pitié qui était au royaume de France, et l’envoyait rendre au roi son royaume ? Le VIII mai, première fête de l’Archange, voyait la délivrance d’Orléans par celle en qui lui-même avait nourri, durant trois années d’angéliques entrevues, ce dévouement à la patrie et cet amour de Dieu qui s’unissent en toute âme bien née.

Aussi fût-ce œuvre digne et juste, au siècle du triomphe, que la création de cet Ordre de Saint-Michel établi par les rois : « à la gloire et louange de Dieu notre Créateur tout-puissant et révérence de Sa glorieuse Mère, et commémoration et honneur de Monsieur saint Michel Archange, premier Chevalier, qui pour la querelle de Dieu victorieusement batailla contre le dragon et le trébucha du ciel ; et qui son lieu et oratoire, appelé le Mont Saint-Michel, a toujours surement gardé, préservé et défendu, sans être pris, subjugué ne mis ses mains des ennemis du royaume » (Lettres royales du 1er août 1460, établissant l’Ordre nouveau, dont l’insigne était un collier d’or de coquilles lacées soutenant l’image de saint Michel avec la devise : Immensi Tremor Oceani).

Mont Saint Michel - Vue panoramique de la salle des chevaliers

Salle des Chevaliers : Cette salle s'appelait autrefois le scriptorium. Suite à la création de l'Ordre des Chevaliers de Saint-Michel par Louis XI, elle porta le nom de Salle des Chevaliers.

 

Les Leçons qui suivent sont empruntées au Propre du diocèse de Coutances et Avranches pour cette fête, appelée la Dédicace de saint Michel Archange in monte Tumba.

Une vaste plaine couverte d’épaisses forêts, et que défendaient contre l’Océan les rochers de Sessiacum, s’étendait au quatrième siècle entre les territoires de Coutances et d’Avranches et ceux de Dol et d’Aleth. Lorsque la foi chrétienne eut brillé sur les côtes d’Armorique et de Neustrie, les solitudes les plus retirées de ce désert devinrent le séjour de pieux personnages qu’attirait la facilité de s’y donner entièrement au service de Dieu et à la contemplation des vérités surnaturelles ; plusieurs se trouvent au catalogue des Saints.

Mais cette terre qu’avaient sanctifiée leurs pas, devint plus illustre encore à la suite d’une apparition de l’Archange saint Michel. Ce fut sous le règne de Childebert III que, se manifestant à l’évêque d’Avranches Aubert pendant son sommeil, il lui notifia sa volonté qu’on bâtît une église sous son patronage au sommet du mont Tombe, ainsi appelé de son élévation en forme de tumulus. Il fallut trois intimations successives au prélat hésitant, pour qu’il se mît à l’œuvre. La forme par lui donnée au sanctuaire nouveau fut celle d’une crypte arrondie rappelant la grotte sainte du mont Gargan ; des reliques apportées de cette dernière y furent déposées ; et l’on fit solennellement la dédicace au dix-sept des calendes de novembre, jour célébré depuis non seulement dans les églises de la seconde Lyonnaise et beaucoup d’autres de France, mais encore dans celles d’Angleterre. Ainsi fut consacré à Dieu sous le patronage de saint Michel ce mont, qu’on appelle aussi au péril de la mer depuis que, l’océan ayant envahi les forêts dont nous avons parlé, le saint rocher se voit deux fois le jour entouré par les flots.

Saint Aubert y fonda une collégiale de douze clercs attachés au service perpétuel du bienheureux Archange. Toutefois par la suite Richard Ier, duc de Normandie, leur substitua des moines de saint Benoît. La fréquence des miracles accomplis en ce lieu y attirait de nombreux pèlerinages venant de presque toute l’Europe acquitter leurs vœux : on y vit beaucoup de rois ou de princes de France et d’Angleterre. Louis XI y institua l’Ordre des Chevaliers de saint Michel, qui gardèrent longtemps la coutume de tenir au dit lieu leurs assemblées générales de chaque année. Ce fut au commencement du XIe siècle que l’on entreprit l’audacieux travail, longtemps poursuivi, de cette basilique grandiose établie sur la crête du mont comme auguste base, et dont les merveilles, en grande partie conservées, attirent encore à saint Michel la vénération de nos contemporains.

Ce fut un grand jour que celui où la fille aînée de la sainte Église put s’appliquer la parole des saints Livres : Voici que Michel vient à mon aide ! (Dan. X, 13) Longtemps le monde bénéficia de cette alliance heureuse. Soyez béni pour l’honneur ainsi fait à nos pères, ô Archange ! En souvenir du passé, malgré tant de pactes brisés, tant de gloires profanées, n’abandonnez pas leurs descendants trop indignes. N’y va-t-il pas du sort de l’Église elle-même, dont les malheurs apparaissent liés dans nos temps à ceux de notre infortunée patrie ? Le Vicaire de l’Époux le comprenait sans doute ainsi, lorsque naguère (3 juillet 1877) il voulait qu’en son nom fût couronnée solennellement votre image, rétablie sur l’auguste mont d’où vous présidiez en des jours meilleurs à nos destinées. Daignez répondre à sa confiance, à celle de ces vrais fils des Francs qui, nombreux déjà, ont su retrouver dévots et pénitents le chemin de votre sanctuaire. Entendez le cri du pays sous l’angoisse présente : Nemo adjutor meus nisi Michael. Michel est mon seul soutien (Dan. X, 21).

 

 

 

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Saint Michel au mont Tombe

ou

Saint Michel au Péril de la Mer

(Mons Sancti Michaelis in periculo maris)

16 octobre

 

Saint Michel apparaissant vers la fin du Ve siècle en Italie à l’évêque de Siponte (maintenant Manfredonia), lui avait enjoint de transformer en église une grotte du Mont-Gargan, aujourd’hui Monte Sant’Angelo et de la vouer spécialement à son culte.

Grotta San Michele Monte

Grotte Sanctuaire de Saint Michel au monte Saint’Angelo (Gargano)


 

De ce moment cette caverne devint un lieu de pèlerinage renommé sur l’Adriatique. Cette fête se célèbre dans l’Église universelle, le 8 mai.

Au VIIe siècle, cet Archange apparut encore pour demander l’érection d’un sanctuaire en son honneur. Ce fut, cette fois, dans la partie du royaume de Neustrie qui devint la Normandie. Au milieu d’une vaste étendue de sables mouvants recouverts deux fois par jour par le flux de la mer, s’élevait un îlot rocheux appelé Mont Tombe.

Vers 709, l’Archange saint Michel apparut à saint Aubert, évêque d’Avranches, pendant son sommeil, et lui dit de bâtir sous son invocation, sur ce mont, une église analogue à celle du Mont-Gargan.

L’évêque ne reconnut, dans cette invitation, une injonction céleste que lorsqu’elle se fut renouvelée trois fois.

« Aubert évêque d’Avranches, suite à une apparition de l’archange saint Michel, reçoit l’ordre de celui ci de construire un édifice dans lequel seraient loués les mérites du dit archange. L’évêque n’osant croire à pareille chose, ne fit rien et décida d’attendre. L’archange lui apparut une seconde fois mais, ne croyant toujours pas en une apparition angélique, Aubert remit à plus tard cet ambitieux projet. Pourtant, à la troisième apparition, l’évêque ne peut plus avoir de doutes. Saint Michel, dans son courroux de ne point avoir été obéi, et pour preuve de son immense pouvoir lui laissa un trou dans la tête comme témoignage. »…racontent les historiens.

« Je vis en songe devant moy l’archange saint Michel lequel me dist que je luy édifiasse un temple sur le mont Tombe et qu’il vouloit là estre honoré et réclamé qu’il l’estoit au mont Gargan »… raconte St Aubert, évêque d’Avranche.

 

Le songe de Saint Aubert

Le songe de Saint Aubert
Saint-Michel perfore le crâne de l’évêque Aubert par son l’index angélique


 

Donc selon la tradition locale, Saint-Michel perfore le crâne de l’évêque Aubert par son l’index angélique afin qui soit sûr de la réalité de son apparition et pour qui se mette à l’ouvrage en construisant un édifice dédié à son culte. Dans des représentations plus récentes datant du fin de XIX siècle (vitrail du transept de Saint-Broladre ; 1885) et du XXe siècle (Ardevon ; 1929) c’est uniquement avec son pouce que Saint-Michel effleure doucement le front de l’évêque, dans un geste d’onction sacramentelle : il s’agit d’une réinterprétation plus adaptée aux sensibilités du XIXe et XXe siècles.

Saint Aubert se rendit alors sur le Mont Tombe et y fit construire une sorte de crypte qui rappelait le sanctuaire de l’Adriatique. Pour unir davantage ces deux saints lieux consacrés à saint Michel, il envoya des messagers en Pouille pour annoncer à l’Abbé du monastère cette nouvelle Apparition et pour en rapporter des reliques.

La dédicace solennelle du nouveau sanctuaire eut lieu le 16 octobre 709 et le Mont Tombe, dorénavant appelé Mont-Saint-Michel au péril de la mer, devint un lieu de pèlerinage très fréquenté.

 

En 966, le duc Richard Ier remplaça les clercs séculiers qui desservaient l’église par des moines Bénédictins qui y élevèrent, grâce à la libéralité des rois et des pèlerins, une merveilleuse basilique.

Le Mont Saint-Michel fin Xe Siècle

Le Mont Saint-Michel vu du Nord-Ouest, à la fin du Xe siècle.

 

Écu de France aux trois fleurs de lys adopté à partir du règne de Charles V

Écu de France aux trois fleurs de lys adopté à partir du règne de Charles V
(en remplacement des fleurs de lys sans nombre en usage précédemment)
entouré du collier de l’Ordre de Saint-Michel fondé en 1469.

 

De ce promontoire, saint Michel étend sa protection sur toute la France. Cet Archange suscita sainte Jeanne d’Arc pour sauver ce royaume et Louis XI lui en exprima sa reconnaissance en établissant sur ce Mont le siège d’« un Ordre de fraternité de chevalerie appelé l’Ordre de saint Michel ». Le titre de chevalier de saint Michel était si prééminent qu’il était incompatible avec tout autre ordre de chevalerie et qu’il n’était octroyé qu’à trente-six membres de la plus grande noblesse. Pour insigne les chevaliers portaient un collier d’or auquel pendait une image de l’Archange terrassant le démon.

Vision de Saint Michel Archange par Sainte Jeanne d'Arc

Vision de Saint Michel Archange par Sainte Jeanne d'Arc


 

Cette célèbre abbaye du Mont Saint-Michel, où de toutes parts, on vient implorer la protection de ce Saint, est une manifestation de la dévotion traditionnelle que les Français ont pour le grand Archange protecteur de la fille aînée de l’Église.

 

 

 

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Quelques gravures anciennes :

 

Le mont Saint-Michel, gravure de Nicolas Tassin, 1631.

Le mont Saint-Michel, gravure de Nicolas Tassin, 1631.


 
Le mont Saint-Michel, gravure de Matthäus Merian, 1657.

Le mont Saint-Michel, gravure de Matthäus Merian, 1657.


 
Le mont Saint-Michel, lithographie de 1842.

Le mont Saint-Michel, lithographie de 1842.


 
Le mont Saint-Michel, gravure de 1884.

Le mont Saint-Michel, gravure de 1884.

 

 

7 commentaires

  1. Charles dit

     

    LES BELLES LÉGENDES DU MONT SAINT MICHEL

     
    SAINT AUBERT
     
    Saint Aubert naquit en 660, aux environs d’Avranches, dans la famille des Seigneurs de Genêts. Ses parents, nous dit la chronique, prirent grand soin de son éducation.
    Dès qu’il eut l’âge requis, il devint prêtre. Et, ajoute le chroniqueur, « dès qu’il eut reçu les ordres sacrés, il se comporta tellement en toutes ses actions, qu’on l’eût plutôt pris pour un ange du ciel que pour un homme mortel ».
     
    SON ÉLECTION À L’ÉVÊCHÉ D’AVRANCHES.
     
    L’an 704, l’Évêque d’Avranches étant mort, le clergé et le peuple s’assemblèrent en l’église, selon la coutume de ce temps là, pour procéder à l’élection d’un nouvel évêque.
    Mais n’étant pas d’accord sur le choix d’un candidat, et chacun gardant son idée, les réunions se succédèrent pendant plusieurs jours, sans résultat. Ils s’accordèrent alors pour s’imposer le jeûne d’une semaine entière, et demander au Saint Esprit de vouloir bien leur faire connaître celui qu’il désirait pour être leur pasteur.
    Le septième jour, ils se réunirent de nouveau à l’église, et alors qu’ils faisaient leur prière avec dévotion, ils entendirent soudain un grand éclat de tonnerre et une voix comme sortant de ce tonnerre qui disait : « Aubert, prêtre, sera votre pontife. »
    À peine avaient-ils entendu cette voix que le Saint-Esprit descendit sur Aubert sous la forme d’un feu, qui remplit toute l’église d’une clarté plus resplendissante que celle du soleil. N’hésitant plus davantage, ils s’écrièrent tous d’une même voix :
    « Aubert sera notre évêque. »
    Le Saint, ayant reconnu qu’il était de la volonté de Dieu qu’il acceptât cette charge, n’osa refuser.
     
    LE DRAGON LÉGENDAIRE
     
    Un jour que ce saint évêque revenait d’une tournée dans son diocèse, il se vit entouré par une multitude de villageois, qui le supplièrent de délivrer leurs terres d’un épouvantable dragon qui venait presque chaque jour les poursuivre eux et leurs troupeaux.
    Mettant toute sa confiance en Dieu, Aubert résolut d’aller attaquer et combattre ce dragon, lequel, dès qu’il eut aperçu l’évêque et le peuple qui le suivait, jetant feu et flammes par ses narines et sa gueule béante, s’avança vers eux pour les dévorer.
    Mais saint Aubert ne s’épouvantant nullement de cela, bien que le peuple retournât en arrière, demeura ferme au même endroit. II fit le signe de la croix, et, jetant son étole sur le dragon, lui commanda :
    — Tiens-toi coi et ne bouge non plus que si tu étais mort.
    À ces paroles, le dragon demeura immobile, et tout le peuple qui tremblait de frayeur et regardait de loin ne savait que penser. Quand ces gens virent que le dragon se montrait docile aux ordres du saint, ils s’approchèrent de leur évêque, lequel, reprenant son étole, ordonna au dragon de ne nuire dorénavant à personne.
    La vilaine bête reprit le chemin de la mer et ne reparut jamais plus.
    Saint Aubert s’en alla avec le peuple dans la plus prochaine église, rendre actions de grâce à Dieu.
     
    SAINT MICHEL APPARAIT À SAINT AUBERT.
     
    Un jour, l’évêque fit réunir ses chanoines et leur tint les propos suivants :
    « Mes très chers frères, le sujet pour lequel je vous ai aujourd’hui fait assembler ici, est pour ce pays tout plein de réjouissances, mais pour moi plein de frayeur et de crainte.
    « Il y a quelque temps que, m’étant mis, le soir, sur le lit, pour prendre quelque repos, je vis en songe, devant moi, l’archange saint Michel, lequel me dit que je lui édifiasse un temple sur le Mont Tombe, et qu’il voulait là être honoré, ainsi qu’il l’était au Mont-Gargan. M’ayant dit cela, il disparut.
    « Je m’éveillais soudain et demeurais tout pensif au sujet de cette vision, et, après plusieurs hésitations, je conclus ne pas devoir croire à cette révélation qui, pensais-je, pouvait être le jeu de quelque illusion.
    « Quelques jours s’étant écoulés, le même archange m’apparut comme auparavant, mais d’un maintien plus sévère, me disant que sa volonté était que je lui fisse bâtir un temple au lieu qu’il m’avait désigné la première fois, et que je devais lui obéir sans tant de délais.

     
    LÉGENDE DE BAIN.
     
    Puis, l’évêque commanda de nettoyer et de niveler la place. Il restait au sommet une roche, qui était sans doute un ancien menhir, que tous les efforts ne purent arriver à renverser. Saint Aubert en était fort tourmenté, et il priait Dieu et saint Michel de venir à son secours.
    Or, un fermier des environs, nommé Bain, père de douze fils, avait été visité la nuit précédente, pendant son sommeil, par un ange, qui lui avait ordonné de se lever et de venir avec tous ses enfants au Mont pour enlever la pierre qui arrêtait les travaux. Bien qu’il ne comprit point ce dont il s’agissait, ce fermier, le lendemain matin dès la première heure se leva, et appelant ses fils, se rendit où Dieu lui avait commandé.
    À son arrivée au Mont, il vit l’évêque au milieu d’une nombreuse compagnie, et il fit à saint Aubert le récit de sa vision.
    Ils se mirent tous à l’ouvrage, lui et ses fils, poussant, creusant, s’arqueboutant tous ensemble, mais malgré tous leurs efforts, ils ne parvinrent à ébranler la pierre.
    Saint Aubert assistait avec une grande perplexité à ce travail, et il était évident que toutes les forces réunies étaient impuissantes à renverser ce menhir. Et comme il priait Dieu, il fut saisi d’une inspiration. Il demanda à Bain
    — N’as-tu pas d’autre enfant que les onze qui travaillent ici ?
    — Oui, un tout petit, mais il est encore au berceau.
    Et le Saint tout joyeux lui dit :
    — Va vite le chercher, et amène-le ici, car tout le monde attend.
    Quand Bain revint avec son nouveau né, l’évêque, après avoir prié, le prit dans ses bras, et l’appuya contre la pierre. Le père avec ses onze fils la poussaient en même temps, et, ô miracle ! la pierre s’ébranla, puis roula jusqu’au bas du Mont, où elle se trouve encore.
    Ainsi fut ce miracle. Dieu avec un nouveau-né ébranla ce que tout un peuple ne pouvait remuer, montrant ainsi que la sainte faiblesse peut triompher de la force matérielle.
    Les villageois ayant fini de préparer l’emplacement de la chapelle, prirent congé et rentrèrent chez eux. Quant à Bain et ses enfants, ils rendirent grâce à Dieu pour le miracle accompli, et de ce que le bon évêque les avait affranchi de l’impôt du feu, ce qui doit aujourd’hui se dénommer « cote mobilière », car si les noms ont changé, les impôts sont restés.
    Par la suite une chapelle, dédiée à saint Aubert, fut édifiée sur le rocher terrassé par Bain et ses douze enfants.
     
    VOYAGE AU MONT GARGANO.
     
    Saint Aubert, qui avait réuni un grand nombre de maçons, surveillait personnellement l’édification de l’église. Il décida de rester au Mont tant qu’elle ne serait pas achevée. Pendant que les ouvriers travaillaient, il avait coutume de s’asseoir sur une pierre, qui fut longtemps conservée et honorée en souvenir de lui.
    La chapelle fut ronde comme une grotte.
    Cent hommes pouvaient à peine y tenir, mais dans sa simplicité elle plut à saint Aubert.
    Il se trouvait cependant fort embarrassé de ne rien pouvoir y placer venant de saint Michel, auquel elle devait être dédiée.
    Une nuit, pendant qu’il dormait, l’archange, pour le tirer d’embarras, vint lui dire : « Envoie deux de tes clercs au Mont Gargan. Là, ils demanderont des reliques, et ils rapporteront ce qu’on leur donnera. »
    Le Mont Gargano, qui est situé en Italie, dans ce qu’on appelle communément l’éperon de la botte, abritait, à l’époque, le seul sanctuaire en Europe consacré à l’archange saint Michel. Celui-ci y était apparu en l’an 493, et avait laissé, en témoignage de cette apparition, un voile, de couleur violette, pieusement conservé, et l’empreinte de son pied dans un marbre.
    Saint Aubert, après avoir rendu grâce, se hâta de désigner deux clercs et de tout préparer pour leur départ.
    Les messagers étant prêts à partir s’agenouillèrent devant l’évêque, pour lui demander sa bénédiction, car ils ne savaient s’ils reviendraient. Très doucement l’évêque les embrassa, puis les bénit.
    Les deux voyageurs traversèrent l’Avranchin, puis l’Exmois, l’Auge et le Liévin, pour arriver au pays de Caux. Ils laissèrent alors la Normandie derrière eux. Après avoir franchi la rivière de l’Epte, ils passèrent Pontoise et Saint-Denis, laissant Paris sur leur droite, ils passèrent la Brie et arrivèrent à Sezanne. Toute la France était alors traversée. Ils arrivèrent en Bourgogne, puis franchirent les premières montagnes, pénétrèrent dans le comté de Maurienne, passèrent le lac de Lausanne. Les montagnes furent escaladées, puis dévalées. Ils traversèrent la Lombardie et la Toscane, puis Rome avant d’entrer en Campanie.
    Six mois qu’ils sont partis ! Ils ont tant marché, qu’ils voient enfin le Mont Gargan. Ils remercièrent le Seigneur de les avoir menés jusqu’à ce lieu, et saint Michel qui les a assistés.
    Au couvent, leur première visite fut pour la chapelle, puis s’en furent dîner. Ensuite, ils s’enquirent du seigneur Abbé :
    « Volontiers, dirent-ils, nous lui parlerons, pour lui dire ce que nous sommes venus chercher, venant d’un pays étranger. »
    Et le seigneur Abbé les reçut aussitôt.
    Ils se saluèrent très humblement, comme de saints hommes, et s’étant agenouillés devant lui, ils lui donnèrent leurs lettres.
    Après les avoir lues, l’Abbé leur dit :
    « Demeurez avec nous, car s’il plait à Dieu, nous n’avons rien qui ne puisse être à vous. Mais je vous prie de me donner, sur ce que vos lettres m’apprennent, plus de détails. »
    Les messagers racontèrent toute l’histoire de la construction de la chapelle, et tout ce qui concernait en cela leur saint évêque. Et l’Abbé se réjouit grandement de savoir que saint Michel possédait une autre église en Occident.
    Après une bonne nuit, on donna aux voyageurs tout ce qu’il fallait pour qu’ils pussent changer de vêtements, et l’Abbé alla ce jour même, trouver son évêque, en la cité de Sipont. Il lui conta par le détail tous les événements de la veille et tout ce que lui avaient dit les messagers. Et l’évêque se réjouit de ce que saint Michel, par la volonté de Dieu, aurait plusieurs lieux où les pécheurs pourraient venir l’invoquer.
    L’évêque dit à l’Abbé de bien traiter les messagers, qui avaient fait un aussi long voyage, et qu’il leur donne de ce voile que l’Archange laissa sur l’autel quand, avec ses anges il dédia l’église, et de ce marbre vénéré, sur lequel il posa ses pieds.
    L’Abbé fit préparer les reliques, et, quand les messagers furent bien reposés, il les leur remit.
    En prenant congé d’eux, le bon Abbé leur dit :
    « Seigneur, par Dieu, nous vous prions que désormais nous nous entr’aimions. Il ne peut y avoir qu’un même amour entre nous, qui servons un même Seigneur. »
    « Ainsi ferons-nous à l’avenir, s’il plaît à Dieu », répondirent les voyageurs.
    Sur le chemin du retour, nous dit la chronique, les reliques firent maints beaux miracles, rendant notamment la vue à des aveugles.
    « II y en eut douze qui furent écrits par ceux qui les avaient vus. » Mais le manuscrit, hélas ! en fut perdu, dans l’incendie de l’Abbaye.
    Après avoir encore beaucoup marché, ils arrivèrent enfin en vue du Mont St-Michel.
     
    Loués soient Dieu et saint Martin Ils sont au pays d’Avranchin.
     
    Le jour était clair, et la campagne s’étendait à leurs pieds. Ils voyaient le Mont et l’église et s’émerveillèrent. Depuis le jour de leur départ, tout avait changé. Le Mont, qui était chargé de broussailles, était aujourd’hui dégagé. II semblait de loin tout rond. Toute claire au sommet paraissait l’église blanche et baignée delumière.
    Une vieille tradition veut que c’est pendant le voyage des messagers au Mont Gargan que la mer envahit ce qui est aujourd’hui la baie du Mont St-Michel. Et c’est pourquoi la date de 709, année de ce retour, est donnée par certains comme celle de la formation de la baie.
     
    LA CONSÉCRATION DE L’ÉGLISE.
     
    Les messagers envoyèrent un enfant prévenir de leur arrivée. Et la joie de saint Aubert fut double, car c’était jour de la dédicace de l’église, et il y avait au Mont une grande assemblée d’évêques, de seigneurs et de peuple. Des pèlerins emplissaient. les routes, et ne cessaient d’arriver. Les jeunes gens chantaient, et même les vieux reprenaient au refrain. Les joueurs de vielle accompagnaient les pèlerins et jouaient de leur instrument en récitant des vers ; même les oiseaux dans les bois chantaient à l’unisson, car le temps était beau et la joie générale.
    Autour du Mont, ce n’étaient que tentes dressées, et sur les étals, abondance de pains, de pâtés, de fruits, de poissons, de gâteaux et de venaisons, sans parler des vins variés. Partout ce n’était que liesse et chants.
    Le garçon envoyé par les messagers arriva à l’église comme la cérémonie commençait. II alla tout de suite vers l’évêque pour lui donner la nouvelle. En l’écoutant, Aubert se réjouit. II ne put abandonner son office, mais récita sans se hâter les prières. Et la nouvelle se sut bientôt que les clercs rentraient du Mont Gargan, avec des reliques de saint Michel.
    La cérémonie de la dédicace terminée, on s’était empressé d’orner l’église pour la réception des reliques ; puis on partit en procession.
    Les messagers, quand ils virent la procession, s’arrêtèrent au milieu du chemin, et saint Aubert s’avança seul au devant d’eux. II encensa les reliques et puis après, les portant lui-même, il les conduisit à l’église, et toute la procession le suivait en chantant des hymnes d’allégresse.
    Les marguilliers avaient jonché le sol de la chapelle, d’herbes odoriférantes. Le chœur était tout illuminé.
    Saint Aubert déposa les reliques sur l’autel, pendant que tous les clercs chantaient. Puis, la messe fut dite et chantée par les évêques et tout le clergé.
    Saint Aubert annonça ensuite qu’il plaçait douze chanoines dans l’église et qu’il leur donnait, pour subvenir à l’entretien, ses terres de Genets.
     
    LA FONTAINE MIRACULEUSE.
     
    Les chanoines laissés à la garde de la chapelle ne manquaient de rien, si ce n’est d’eau douce. Car il n’y avait sur le Mont, ni fontaine, ni puits, ni citerne.
    Saint Aubert était à ce sujet en grand embarras. Il pria Dieu de tout son cœur, et saint Michel aussi, de pourvoir les chanoines en eau.
    Un jour qu’il se trouvait avec ses clercs au sommet du Mont, avec beaucoup de dévotion, le Saint pria ainsi :
    — Aussi vraiment qu’au désert, l’eau jaillit de la pierre dure, pour le peuple assoiffé, aussi vraiment par charité, ô Dieu ! donne de l’eau à ce Mont qui n’en a point.
    Quand il eut prié, il se leva, un ange vint lui montrer une pierre, qu’il souleva et l’eau coula fraîche et claire. Depuis, cette source a guéri maints malades.
    Cette fontaine, appelée de St-Aubert en souvenir de l’évêque, avait été enfermée dans une tour formant avancé dans les défenses de l’Abbaye. Elle est aujourd’hui tarie ; mais des vestiges de l’escalier y conduisant et les fondations de la tour existent encore.
     
    MORT DE SAINT AUBERT.
     
    Quand saint Aubert sentit sa fin proche, il réunit ses clercs et leur demanda quand il serait mort, de faire transporter son corps au Mont, où il voulait être enterré dans la chapelle de Saint-Michel.
    La mort du saint évêque fut un grand chagrin pour toute la population. Tout le monde le pleurait, car il avait été bon pour tous. Quand il savait où se cachait un pauvre dans la peine, il le visitait lui-même, et le réconfortait avec bonté et en partant lui faisait l’aumône.
    Les chanoines, après avoir revêtu le corps des vêtements épiscopaux, l’étendirent dans la bière, et après la cérémonie funèbre à la cathédrale d’Avranches, le cercueil fut porté par quatre barons vers le Mont, suivis d’une foule considérable.
    Les chanoines du Mont vinrent recevoir leur seigneur. Ils étaient, dit-on, si affligés, qu’ils ne purent rien chanter à haute voix.
    Après la cérémonie, le cercueil fut enterré dans le chœur, la tête vers l’autel.
    Plusieurs miracles eurent lieu sur cette tombe.

    Après ces miracles les chanoines pensèrent mettre le corps dans une châsse, mais ils mirent à part la tête et le bras droit, pour pouvoir les porter en procession, et les montrer aux pèlerins, à l’occasion des grandes fêtes.
    Le crâne du Saint portait la marque profonde du doigt de l’ange.
     
    CURIOSITÉ PUNIE D’UN CHANOINE.
     
    Les reliques de saint Michel, venant du Mont Gargan, avaient été placées dans une boîte scellée. Cette boîte était elle même enfermée dans un reliquaire qui demeurait sur l’autel.
    Longtemps après la mort d’Aubert, il y eut un chanoine curieux, qui demandait à chacun s’il avait jamais vu retirer les reliques.
    — Jamais, lui répondit-on, ni n’avons entendu dire que quelqu’un ait osé les retirer de la boîte où saint Aubert les a placées. Nous ne savons rien de plus, que ce qui nous a maintes fois été conté par nos ancêtres.
    — Par ma foi, répondit le chanoine, l’envie m’a pris de les voir. Si Dieu m’aide, ou je les verrai, ou j’en mourrai. Permettez, je vous prie, que je les voie et les tire de la châsse.
    Tous lui recommandaient de n’en rien faire. Mais plus les sages conseils étaient donnés au chanoine, plus il brûlait du désir de faire ce qu’il avait dit.
    Il insista tant, qu’à la fin, les autres lassés, le laissèrent agir à son gré. Notre chanoine, après avoir jeûné trois jours, et le quatrième s’être lavé le corps, célébra la messe sur l’autel de Saint-Michel, où étaient les reliques.
    Quand il eut terminé l’office divin, il prit la châsse. Il la regarda longuement, puis s’aidant d’un couteau, il voulut en soulever le couvercle. Il leva la main pour le faire, mais sentit soudain son bras immobilisé. La peur le prit. Ses yeux ne virent plus, et ses oreilles n’entendirent plus. Il voulut crier, il ne put, étant tout à coup devenu sourd, muet et aveugle.
    Ceux qui le regardaient accoururent vers lui. Le malheureux pleurait à gros sanglots et suppliait en son cœur l’archange qu’il avait offensé de lui faire miséricorde.
    On l’emporta, car il ne pouvait guère remuer, et, on le mit au lit. Les plaintes et sa misère faisaient pitié à ceux qui le voyaient. Il mourut le lendemain dans une telle douleur et repentance qu’on peut espérer que Dieu lui aura fait grâce.
    Un autre curieux fut de même puni. Ce fut, cette fois, un jeune homme du nom de Colibert. Il avait voulu passer une nuit dans l’église, malgré la défense qui lui en avait été faite par les chanoines. On disait alors, que saint Michel venait souvent, la nuit, visiter son oratoire, ce qui expliquait les grandes lueurs qui furent maintes fois aperçues au-dessus du Mont.
    Vers l’heure de minuit, ce jeune homme qui s’était glissé en fraude dans l’église, fut frappé d’un grand éblouissement et saisi d’épouvante à la vue de saint Michel, accouru à la tête d’une légion d’anges irrités. Mille voix se firent entendre de tous côtés, lui reprochant sa témérité, et, son outrecuidance de vouloir entrer ainsi dans le secret des choses célestes. Une force inconnue le chassa hors de l’église, plus mort que vif et le front ruisselant d’une sueur froide.
    Il tomba sur le pavé, confessa sa faute à un chanoine accouru et mourut le troisième jour, n’ayant fait que pleurer jusque-là.
     
    LES ARMES DE SAINT MICHEL ET LE SERPENT DU ROI ELGA.
     
    Le trésor de l’église du Mont s’enrichit de reliques particulièrement précieuses : un bouclier et un glaive, ayant appartenu à saint Michel. Voici comment la chose advint :
    Au temps où les chanoines vivaient encore au Mont, il y avait en Angleterre, un roi du nom de Elga. Sur les terres de ce roi, un monstre assez semblable à un énorme serpent, faisait des ravages, et répandait la terreur parmi les habitants des campagnes.
    On assurait que l’haleine de ce monstre était empestée et que nul ne pouvait la supporter, sans en mourir. Ceux qui l’avaient aperçu, disaient qu’il portait une crête sur la tête, qui se prolongeait le long du dos, ce qui lui donnait un aspect tout hérissé. Il attaquait les gens, et se tenait habituellement aux abords d’une rivière.
    Les habitants de la région avaient fui, et, se trouvaient dans une grande misère. Ils allèrent trouver leur évêque, pour qu’il leur vienne en aide, et les débarrasse de ce monstre, avec l’aide de Dieu.
    L’évêque prescrivit un jeûne de trois jours, et des prières pour que Le Seigneur prenne pitié de leur détresse.
    De grand matin, le quatrième jour, ils allèrent, en rang serré, vers le serpent ; mais ils étaient pâles de peur, les braves comme les couards.
    Les clercs qui étaient avec eux, portaient des reliques et la croix. Clercs et laïcs, tous tremblaient, sûrs qu’ils étaient de mourir bientôt. Ils espéraient pourtant le secours de Dieu, et leur évêque ayant pris la tête de la troupe, c’est cela qui les faisait marcher.
    Ils arrivèrent à la place, où la bête avait coutume de se tenir, et en effet, ils l’aperçurent et furent effrayés de sa taille. Ils avaient plus envie de fuir que d’avancer. Mais l’évêque les exhorta et avança lui-même. Ils reprirent courage, et poussant de grands cris assaillirent la bête de toute part.
    Mais, le serpent ne bougeait point et semblait endormi. Il était mort. Alors s’enhardissant, ils virent que le monstre avait le cou tranché. Auprès de sa tête, se trouvaient l’épée et l’écu du vainqueur. Des armes, petites comme celles d’un enfant, mais d’un acier étincelant. Jamais ils n’avaient vu de telles armes. On ne pouvait douter que c’étaient elles qui avaient vaincu le serpent. Mais à qui appartenaient-elles ? Nul ne le savait.
    Ils s’en retournèrent, fort anxieux de savoir, qui avait tué le monstre, et, pourquoi ces armes avaient été abandonnées.
    L’évêque aussi était fort perplexe : Tout le peuple passa la nuit en prières.
    Tous ont tant prié, que saint Michel descendit du ciel et apparut à l’évêque, dans toute sa splendeur.
    — En vérité, dit-il, je suis saint Michel, qui toujours me tient devant Dieu. C’est moi qui ai tué le serpent. Je l’ai fait, parce que rien d’humain ne le pouvait détruire. J’eus dans le combat les armes que tu as trouvées auprès du serpent. Ce n’est pas que j’aie en rien besoin de ces armes, elles furent laissées pour montrer à ceux qui n’ont entendement des choses spirituelles, que je suis bien celui dont Jean a dit, qu’il se battait avec le dragon. Louez Celui qui par mon travail vous a délivré de ce serpent, et envoyez hâtivement vos messagers outre-mer. À notre Mont faites porter ce petit écu et l’épée dont j’ai décollé la tête du monstre. Ceux d’outre-mer auront grande joie de ces armes, quand ils les verront.
    Le lendemain l’évêque raconta à son peuple tout ce qu’il avait entendu. Ils ont alors remercié Dieu, et désigné quatre hommes du pays, pour porter l’écu et l’épée jusqu’au Mont, selon l’ordre de l’archange.
     
    À LA RECHERCHE DU MONT.
     
    Quand les messagers eurent traversé la mer, ils prirent le chemin de l’Italie, pour se rendre au Mont Gargan, au sanctuaire de Saint-Michel. Mais, jamais ils ne devaient en voir la fin.
    Ils revenaient sur leurs pas, ou s’écartaient, malgré tous les soins qu’ils prenaient, de la direction de l’Italie. Et, ils se demandaient en s’émerveillant, comment ils pouvaient tant marcher, sans jamais avancer leur route. Bien des jours ils errèrent ainsi.
    — Notre Seigneur dirent-ils, nous a envoyé au Mont qui est proprement à saint Michel, et nous devons aller à Gargan, en Italie.
    Mais, voilà qu’ils apprirent qu’il est un autre Mont, dédié à saint Michel, où un moustier vient de lui être consacré. Alors, ils prièrent le Ciel de les éclairer, et l’archange de les conduire où ils devaient aller.
    Le jour passa, et, quand il fut nuit, l’archange apparut à chacun d’entre eux pendant son sommeil. Il leur dit d’aller au Mont appelé Tombe au pays d’Avranches. Il leur dit aussi qu’il aimait beaucoup ce Mont et souvent le visitait.
    Le lendemain matin, ils se levèrent et parlèrent de leur vision ; puis se mirent en route, ayant demandé le chemin d’Avranches.
    Après avoir marché plusieurs jours, ils virent le Mont et son église toute blanche. Ils frappèrent à la porte deschanoines, et contèrent leur histoire, comme elle fut ; puis ils présentèrent l’écu et l’épée.
    Avec grande joie ils furent reçus, et comme ils paraissaient hommes sincères et honorables, on leur accorda pleine créance.
    Avec grande piété les armes furent reçues. Elles étaient le témoignage de l’invisible combat que saint Michel livra au diable, le combat contre le dragon comme la preuve de l’autre, qui est décrit dans saint Jean.
    On prit le nom des hommes et on l’inscrivit dans les chartes du Monastère ; mais quand l’église brûla, ces noms furent perdus avec les chartes.
     
    SAINT MICHEL OFFRE SON CIERGE À DIEU.
     
    Pour honorer saint Michel, en l’église du Mont, un cierge brûlait toujours devant son image, de jour comme de nuit.
    Pourtant, un certain matin, en arrivant avec un serviteur, le sacristain trouva que le cierge brûlait devant le crucifix.
    Bien vite, pensant à une négligence de sa part, il changea le cierge de place, et le mit devant l’archange. Il y était à peine placé, que saint Michel le reprit pour le porter devant l’image du Seigneur. Cette chose, à vrai dire, ils ne la virent pas, ils ne comprirent pas, sur le moment, qui leur prenait le cierge. Ce qu’ils virent, c’est le cierge élevé en l’air et revenir prendre sa place devant le crucifix.
    Alors, le moine, fort intrigué, s’en alla vers son Abbé, et, le prenant à part, lui raconta le miracle.
    L’Abbé réunit le Chapitre le lendemain, puis fit venir le sacristain.
    Il lui dit de dire la vérité sur ce qu’il avait vu au moustier. Ce que celui-ci fit, comme il vient d’être dit.
    Un vieux moine parla alors.
    — Seigneur, dit-il, je pense que notre protecteur nous a repris courtoisement. Il nous a montré que nous étions tous des vilains quand nous laissions l’image de notre Créateur sans luminaire nuit et jour. Nous agissions à rebours, quand nous honorions une autre créature, plus que Celui qui nous fit tous. Saint Michel y a pris bien garde, et, il l’a fait très courtoisement quand il a présenté son propre cierge à son Seigneur, comme celui-ci l’a raconté. On ne le lui doit plus prendre, quand celui-là donne ainsi ce qu’il avait. À mon avis, pour bien faire, le crucifix doit avoir le cierge.
    L’Abbé a approuvé ce jugement, et tout le monde également. Ainsi le cierge est demeuré au crucifix, où il fut placé dans une lanterne de corne.
     
    QUAND SAINT MICHEL VISITE LE MONT.
     
    L’évêque d’Avranches, qui était alors Dom Norgout, avait visité l’Abbé du Mont. Ils se quittèrent à la tombée de la nuit, se promettant de se rencontrer à nouveau le lendemain, à mi-route entre Avranches et le Mont, pour poursuivre leur conversation. L’Abbé s’en fut donc vers son abbaye et l’Évêque vers son évêché.
    Quand l’Évêque eut bien fini de chanter ses matines en l’église d’Avranches, il était encore nuit, et il alla se coucher. En y allant, il regarda dehors par une fenêtre, et vit le Mont et le moustier tout en flammes.
    Il montra cet embrasement à ceux qui l’accompagnaient. Les uns le virent, les autres non. À mon avis, les bons seuls pouvaient voir, mais non les mauvais.

    Sur-le-champ, il a réuni ses chanoines, et a commencé le service pour ceux qui viennent de mourir, car, en vérité, il pensait bien que la plupart de ceux du Mont étaient morts brûlés.
    À la fin des prières, les chevaux furent sellés et bientôt l’Évêque partit vers le Mont pour réconforter les vivants et ensevelir les morts.
    Après matines, l’Abbé était lui aussi monté à cheval avec les moines. Il partait de grand matin, car il était pressé de revenir pour chanter la grand’messe, comme il le devait ce jour-là.
    Dans la grève, près du Mont, lui et ses moines, rencontrèrent l’évêque Norgout qui venait. Ils lui demandèrent ce qu’il cherchait, et pourquoi il avait passé le lieu de la réunion. L’Évêque leur dit pourquoi il s’était tant hâté, ce qu’il avait vu, et demanda si rien d’inaccoutumé était arrivé. « Non, répondit l’Abbé, ni à l’abbaye, ni au Mont. »
    Ainsi, ils s’aperçurent que ce feu n’était autre que saint Michel, venu avec ses compagnons, pour visiter le Mont et son église. Cette nuit, véritablement, il était descendu avec toute sa gent ; car la grande clarté montrait bien qu’il avait amené beaucoup d’anges.
    Depuis cette nuit, maintes fois il est revenu, si bien que des gens vivent encore qui, naguère, l’ont vu venir à travers le ciel, semblable à un brandon tout en feu.
    On trouvait alors, par les chemins, des pèlerins qui veillaient, attendant de voir descendre saint Michel.
     
    UN CHANOINE DÉROBE LES RELIQUES DE SAINT AUBERT.
     
    Vers le milieu du Xe siècle ; un chanoine nommé Bernier, déroba le corps du saint prélat avec l’intention de l’emporter au loin avec lui.
    Les anciens annalistes affirment qu’il n’en eut pas le loisir, et qu’il se contenta de le cacher dans sa chambre, où il fut retrouvé quelques années plus tard. Voici en quelles circonstances :
    Dans le courant de juin de l’année 1010, un bruit effroyable se fit entendre dans la cellule du Père Hildebert, laquelle avait été préservée des flammes dans l’incendie du siècle précédent ; et ce bruit se renouvela pendant trois nuits consécutives, avec un tel fracas, que la montagne en était comme ébranlée sur sa base.
    Hildebert eut l’idée de faire fouiller la partie de la maison d’où le bruit paraissait venir, et l’on découvrit un sarcophage qui s’ouvrit de lui-même et laissa voir les ossements de saint Aubert.
    Près du monstre décapité gisaient le glaive et l’écu du vainqueur.

    Ils furent solennellement transférés à l’église et déposés sous l’autel.
    En 1792, un docteur sauva le chef de saint Aubert, que pendant huit siècles les pèlerins étaient venus vénérer, s’extasiant de la marque que l’on y voyait du doigt de l’archange.
    En 1856, ces reliques furent transférées à l’église Saint-Gervais, d’Avranches, où on les peut encore admirer.
     
    LE MONT DANS L’HISTOIRE.
     
    L’histoire du Mont Saint-Michel est intimement mêlée à celle de la France. Brûlé à différentes reprises, au cours des siècles, il fut toujours reconstruit, et chaque fois avec plus de splendeur.
    C’est au XIIIe siècle qu’il a pris la silhouette architecturale que nous lui connaissons et qui en a fait une des merveilles du monde.
    En 1203, Philippe-Auguste, durant son expédition contre Jean-sans-Terre, fit assiéger le Mont par Guy de Thomas. Celui-ci, ne pouvant s’en emparer, y mit le feu. Tout fut détruit jusqu’à l’église, à l’exception des murs et des voûtes. La guerre terminée, Philippe-Auguste fournit les fonds nécessaires à relever l’abbaye, et c’est grâce à ses dons que l’on put construire les bâtiments qui méritèrent le nom de Merveille.
    Ces bâtiments comprennent, on le sait, trois étages, comptant chacun deux salles. Ils furent entièrement construits en granit. Les travaux durèrent vingt-six ans. Au rez-de-chaussée se trouvent l’Aumônerie et le Cellier, au premier, le Réfectoire et la salle des Chevaliers, à l’étage supérieur, le Dortoir et le Cloître.
    Cette merveille est l’œuvre de l’Abbé Jourdain et de ses successeurs. C’est de cette époque également que date la construction des remparts, qui faisaient du Mont Saint-Michel en même temps qu’une abbaye, une place forte d’une grande valeur stratégique.
    Saint Louis vint le visiter en 1254, peu après l’achèvement des constructions.
    Cette double destinée, de place militaire et d’abbaye, devait valoir au Mont Saint Michel fine existence mouvementée. La vie des moines, au contact des gens de guerre, se relâcha, et l’abbaye ne représentait plus alors ce centre de haute spiritualité qu’elle avait été dans les premiers siècles de sa fondation.
    En outre, le Mont était prison d’État.
    Noël Beda, syndic de la faculté de la Sorbonne, y fut enfermé par François Ier ; le Cardinal de La Balue, dans une cage de fer, par Louis XI ; le gazetier Dubourg, qui y eut les pieds rongés par les rats, par Louis XIV ; Barbès y fit un séjour et combien d’autres moins illustres …
    Prison d’État, puis Maison de force …
    Ce lieu saint était devenu un lieu de détention !
    Les guerres aussi venaient battre les fortifications du Mont Saint-Michel, comme le flot d’une méchante marée.
    Pendant dix ans, au XVe siècle, de 1423 à 1434, le Mont fut assiégé par les Anglais. Jamais il ne fut pris.
    Pendant les guerres de religion, les protestants y mirent également le siège ; et on raconte à ce sujet une anecdote, qui peint, comme malgré elle, l’effroyable cruauté de la guerre civile.
    Le siège s’éternisait, quand, un jour, un des soldats de la garnison du Mont fut surpris sur les grèves par un détachement protestant et conduit à la potence. Cependant, on ne le pendit pas tout de suite, et on lui promit la vie sauve, s’il voulait user de stratagème pour livrer la place.
    Le soldait, qui n’était pas un héros, promit tout ce qu’on voulut, pour échapper à la mort.
    Il donna rendez-vous aux Huguenots, au pied du mur du Cellier, se chargeant de les introduire dans laforteresse, en les hissant au moyen de la corde, comme on faisait pour les provisions.
    Mais, lorsque le moment fut venu de trahir ses compagnons d’armes, le soldat eut des remords et alla trouver son capitaine pour l’avertir de ce qu’il avait fait.
    La garnison s’assembla et imagina une ruse qui allait faire tomber nombre d’assiégeants entre ses mains.
    Ainsi qu’il avait été convenu, environ deux cents Huguenots, favorisés par un brouillard épais, vinrent, à la tombée de la nuit, se masser en silence à l’endroit indiqué.
    Le câble glissa lentement, et le plus brave monta. Ses compagnons le virent disparaître par le trou béant du Cellier.
    Le treuil en enleva ainsi une centaine l’un après l’autre. Le capitaine les recevait avec ses hommes, et, après leur avoir servi un verre de vin, pour les réconforter, les passait au fil de l’épée.
    Cependant Montgommery, le chef des Huguenots, étonné de n’entendre aucun tumulte, cria qu’on lui jette par la fenêtre un religieux. Pour le satisfaire, on revêtit un prisonnier égorgé d’un habit de moine et on le lança sur la plage.
    Mais Montgommery conçut des doutes sur l’authenticité de cette victime. Flairant une mystification, il fit monter devant lui un de ses hommes, après lui avoir donné le mot d’ordre. Arrivé en haut, ce dernier se voyant entouré d’ennemis, pris d’épouvante, s’écria « Trahison ».
    À ces sinistres paroles, les assiégeants se sauvèrent, laissant dans la place une centaine de cadavres, que l’on enterra dans les sables de la grève.
     
    MONUMENT HISTORIQUE.
     
    Aujourd’hui le Mont, d’un si glorieux passé, n’est plus qu’un monument historique, que garde un fonctionnaire ; un squelette de pierre, dont la substance et l’esprit sont morts, au cours de son histoire, siècle après siècle.
    La figure du saint évêque Aubert s’estompe dans les brumes du passé, image de nuées, comme nous apparaît, de la côte normande, par un matin d’automne, le Mont lui-même.
    Le petit moustier tout rond, voulu par saint Michel, et dont les pieds du taureau avait délimité la place, a peut-être connu en sa brève existence, plus de foi et plus d’amour que n’en a jamais connus la Merveille dans toute sa splendeur architecturale.
    Il semble qu’un trop grand succès ronge le cœur de l’idée mère comme une lèpre. La renommée du Mont, et aussi, il faut le dire, sa situation exceptionnelle de bastion avancé de la France du Moyen Âge, ont tué l’abbaye au profit de la forteresse.
    Et, cependant, le Mont Saint-Michel reste un haut-lieu de l’âme française.
    Ses flèches s’élèvent vers le ciel en une prière immuable.
    À marée haute, la mer dans sa plénitude, et à marée basse l’étendue à perte de vue des sables, nous parlent encore de l’infini de Dieu.
     

     

  2. Charles dit

    Bravo cher Cave Ne Cadas !
     
    On ne peut rien vous cacher !!!
     
    Vous êtes le Sherlock Holmes des Semper Idem !!!…et moi je ne suis qu’un petit, tout petit Dr Watson !!!   http://wordpress.catholicapedia.net/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wink.gifhttp://wordpress.catholicapedia.net/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_mail.gif

     

    • Cave Ne Cadas dit

       

      « Élémentaire, mon cher Watson ! »

       

      Sherlock Holmes et le docteur Watson

       

       

       
      ( Dans l’oeuvre de Doyle, Sherlock Holmes s’exclame parfois « élémentaire ! », et appelle de temps à autre son meilleur ami « mon cher Watson », mais il ne prononce jamais « élémentaire, mon cher Watson ». Cette réplique a probablement été popularisée par le premier film parlant consacré à Sherlock Holmes (« Le Retour de Sherlock Holmes » en 1929) et par la série radio américaine « The New Adventures of Sherlock Holmes » (1939 à 1947). )
       

      • Cave Ne Cadas dit

         

        Sherlock Holmes et le docteur Watson
        Sherlock Holmes et le docteur Watson, illustration parue en 1892 dans le recueil de nouvelles « Les mémoires de Sherlock Holmes »

         

         

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